Archives mensuelles : octobre 2023

Automne beaufortain

En commun, dialogue d'affinités entre images et textes.
Ici, avec Sigrid Pelisset

Ce serait plus un sourire qu’un de ces rires d’été, frivoles et pétillants. Un moment plus profond, quelque chose de durable, de calme et de serein. Du beau, pas juste du joli qu’on oublie aussitôt.
Quelques grains d’ironie, presque, dans ce soleil du soir qui souffle sur les flammes, les couleurs chaudes des feuilles à l’heure où le froid tombe. À l’heure où on farfouille dans le fond du placard pour retrouver ce pull dans lequel se blottir, où on choisit la laine plutôt que le coton.
Les nuages somnolents resteront accrochés aux reliefs des vallées, ils serviront d’écharpes aux grands arbres dépouillés de leurs habits d’été, serviront de cachette à ceux qui vivent là, serviront le mystère de ce qu’il y a derrière.
Alors, s’offrir une promenade sous les arbres. Les pieds qui brassent les feuilles, le nez affriolé par les odeurs d’humus, d’humide, de champignons, les yeux qui se reposent sur le velours d’un cèpe, le jaune vif d’une girolle, le brillant d’une châtaigne. Et juste profiter de la lumière dans les arbres, qui se teinte de jaune, d’orangé, ou de bruns, tous les bruns de la terre, terre de Sienne, ocre d’or, tourbe, cuivre, sépia ou terre d’ombres brulées. Couleurs des feuilles mortes qui peuvent faire à elles seules, un arc-en-ciel entier.
Alors juste sourire à l’éclaircie qui pose son doigt sur l’important, sur la beauté du dehors

Pour retrouver les images de Sigrid, c’est ici : http://www.sigridphotographies.fr

20231024

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Agité. Les fortes pluies de la nuit en Nord-Isère gagnent nos plaines et Préalpes dès le début de journée, puis elles se décalent vers l’Est au fil de la matinée et faiblissent un peu en mi-journée en touchant la Haute-Tarentaise tandis que le soleil revient déjà proche de l’Ain. En après-midi la perturbation évacue nos hauts-massifs, et les éclaircies tendent à se généraliser avec tout au plus de petites averses résiduelles.
Limite pluie-neige vers 2700 puis 2300/2400 mètres voire 2000/2100 mètres sous les plus fortes intensités. On attend, d’Est en Ouest, 15 à 30 cm de neige au-dessus de 3000 mètres et 5 à 15 cm vers 2600 mètres.
Températures minimales comprises entre +9 et +12 degrés.
Températures maximales comprises entre +14 et +17 degrés.
Isotherme 0° vers 3000 puis 2600 mètres.
Vent encoure soutenu de Sud-Ouest en début de journée puis de plus en plus faible.
Prévisions Météo Alpes

Fortes pluies. Grosses gouttes joufflues, arrondies, rebondies, qui roulent, s’enroulent et se déroulent, se retrouvent en rigoles, en ruisselets, en ruisseaux comme on roulerait un r. Avantage net au rond, bien loin devant le long quand il s’agit de flot. Toujours le rond qui roule, qui s’échappe et s’enfuit, qui prend la clé des champs, qui se cache et se niche, qui se divise encore pour se multiplier, mais tout en restant rond, c’est bien là son secret. De grosses gouttes en petites gouttes, gouttelettes ou même vapeur, elles peuvent se réunir pour fusionner en eau, processus réversible quand vient l’heure des embruns et autres éclaboussures ou poussières de gouttelettes, pour les voir repartir et dévaler les pentes, sans répit vers de la mer, la mer qui est ronde, en écho à nos rondes et à nos jeux d’enfants qui nous roulent, nous enroulent dans le ressac des vagues de cette mer qui, toujours, sera notre maîtresse

Les autochromes d’Albert Kahn

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine, octobre 2023

Le musée Albert Kahn est au bout de la ligne de métro et c’est déjà un signe : au-delà de la dernière station, commence un autre monde. L’entrée est facile à trouver : vigile en uniforme, fouille, détecteur, piqure d’actualité. Et puis, une fois passée l’entrée, piqure de monde. À commencer par l’architecture, mélange d’espace et de temps, bâtiment moderne qui japonise dès la sortie du métro juste à côté des murs de briques pour accueillir les « Archives de la Planète » et les jardins qui les complètent. L’exposition permanente, ce sont les autochromes, tout un mur de ces images, uniques par nature, un mille-feuille de verre, émulsion sensible à la lumière, fécule de pomme de terre colorée de vert, violet et orangé, vernis, mais surtout, une couche de génie, celui des frères Lumière, qui ont mis au point le procédé, il y a cent vingt ans. Les murs sont noirs, juste percés par la lumière des autochromes. Portraits, paysages, constructions, groupes qui posent en habits traditionnels, des ruines et des soldats aussi puisque les images ont été faites entre 1909 et 1931. Des rues, des maisons, des bâtiments isolés, monuments, mosquées, temples, églises, ponts, familles ou groupes d’humains dont on ne saura rien d’autre que cette image en couleurs, un regard, une attitude, une façon de poser, de se poser où on est, pour beaucoup sûrement, où on est né. Inventaire émouvant, ne garder qu’une image, une seule image unique d’un temps, d’un espace, d’une histoire éteinte, passée dans la lumière immobile des quelques secondes du temps de pose, et retenus dans la lumière immobile sur les murs de cette chambre noire. Ici, les gens parlent à voix basse, émotion et respect. Le nombre, le sombre, le projet impressionne, Archives de la Planète, inventaire et invention mêlé•e•s, permettre à tous de voir, et un peu de savoir, là où leurs yeux à eux, n’iraient jamais y voir, là où nos yeux à nous n’iront jamais y voir. Restent les autochromes, pour que ce monde des autres devienne un peu le nôtre

Codicille :
C’est arrivé comme un alignement. Le bon endroit, le bon moment, les liens qui vont si bien ensemble et qui pointent tous ensemble vers ce qui touche au cœur. Merci à François Bon et Hélène Gaudy pour les rencontres, à D. pour la bonne idée et à C. pour la visite partagée

20231013

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Estival. Dernière journée d’été… le soleil domine très largement. Mais on observe des bancs de nuages bas sur le centre et Ouest de l’Isère le matin, puis quelques nuages se mettent à déborder sur la frontière italienne côté Haute-Maurienne en cours d’après-midi.
Températures minimales comprises entre +8 et +11 degrés.
Températures maximales comprises entre +24 et +26 degrés.
Isotherme 0° vers 4100 mètres.
Vent faible puis modéré de Sud-Ouest avec un peu de foehn.
Prévisions Météo Alpes

Estival, mi-octobre. Hors saison, hors sujet, hors contexte. Hors-jeu. Un décalage, pas ce qu’on attendait d’un mois d’octobre théorique. Parce qu’on attend toujours quelque chose des endroits, des gens ou bien du temps ou encore des saisons. Idée déjà construite de ce qui nous attend. Un coloriage à colorier, le refrain de la chanson où il faut rajouter, peut-être, quelques couplets. Restera bien souvent à peaufiner encore, adapter, rectifier, ajuster. Mais on s’attend toujours à ceci ou cela. En octobre, on attend les feuilles mortes, les châtaignes, le feu à allumer quand on a oublié les petites habitudes, rentrer le petit bois le soir pour le matin. Emmener avec soi une veste ou bien un pull parce qu’on ne sait jamais. Ressortir les foulards, obliger les mollets à reprendre contact avec les pantalons, eux qui étaient à l’air depuis le début de l’été. Et puis parfois arrive qu’on soit en décalage entre ce qu’on attend et ce qu’on voit vraiment. Comme lorsqu’on aperçoit un panneau de chantier au milieu de la forêt, comme quand le hors saison submerge nos attentes, les oblige à plier sous la réalité, vient changer dans nos têtes un point d’affirmation en interrogation

Les dessous chics

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Queige, Beaufortain, octobre 2023

C’est une plume du dessous, une plume débraillée, mal peignée et un peu chiffonnée, une plume de matin du lendemain. Un dessous chic de bête à plumes. Douceur soyeuse, texture de dentelle qui laisserait voir sans rien dévoiler du tout, transparence et élégance. Un dessous chic. Une de ces précieuses plumes que l’oiseau délicat garde contre sa peau pour se tenir au chaud, qu’il dépose dans son nid pour accueillir ses œufs, une de ces plumes qu’humains, on met dans nos duvets pour nous réchauffer le corps. Voila, du duvet. Une plume qu’on ne dévoile pas, une pudeur d’intérieur, une pudeur de sentiments, outrageusement décoiffée et toute ébouriffée. Et puis un doigt qui glisse, ça passe du i au o, la faute à Azerty, sur les claviers français, passer du chic au choc, pour une histoire plus triste et moins voluptueuse, il suffit de l’écrire au coin d’une autre touche, il suffit d’un poids plume pour changer toute l’histoire. Suivant ce qu’on a vu, ce qu’on a entendu, les gens qu’on vient de voir, ceux qui nous ont parlé ou bien ceux qu’on a lu. C’est celle qui écrit qui choisit la couleur, qui change le i en o ou bien qui n’y change rien. Et le sort de l’oiseau dépend de presque rien, d’une humeur chagrinée ou des plus enjouées, c’est celle qui écrit qui décide vie ou mort, le sort des personnages dépend parfois de peu. Le destin d’un oiseau ou bien d’un personnage qui bascule d’un coup de plume ou d’une faute de frappe. Ils ne sont pas toujours chics, les dessous de l’écriture