En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Queige, Beaufortain, septembre 2023
Neige ! Neige ! On s’exclame, on s’écrie quand on voit du nouveau, et même encore plus, du nouveau qu’on attend. On crie encore plus fort quand on attend longtemps. Crier, Neige ! Comme on a crié, Terre ! En découvrant une île, en arrivant chez ceux qui vivent depuis toujours sur ce morceau de terre et qui rentrent chez eux après la pêche du jour sans jamais crier, Terre ! Crier, Neige !ce jour-là parce qu’elle est nouvelle, blanc posé sur le vert, et non pas blanc sur blanc, on ne criera plus neige quand il faudra encore déneiger le chemin pour sortir de chez soi et qu’on attend déjà depuis un bon moment que revienne le printemps. Pour l’instant c’est nouveau, ce blanc sur les sommets, c’est joli, c’est tout neuf, ça nous change la vue. On la sentait venir la blancheur de l’hiver, aux bêtises des enfants dans la cour de récré, sensibles au temps qu’il fait autant qu’au temps qui passe quand viennent les vacances. Le temps passe et repasse suivant qu’on parle des jours ou des nuages hauts qui déposent le blanc. Un même nom pour deux choses, on pourrait s’y tromper si on parlait trop vite sans donner le contexte. Alors vite on compare les dates des premières neiges dans les années d’avant pour mêler temps et temps. Toutes ces heures pareilles, toutes d’autant de secondes et autant de minutes, mais pas la même taille et pas la même place dans nos souvenirs à nous et dans nos vies à nous. L’étonnement du contraste, l’importance du contexte c’est sûrement pour ça que le temps et le temps portent le même mot, qu’ils vont si bien ensemble, qu’ils ne vont bien qu’ensemble, car quand l’un tourne en rond l’autre déplie son long
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Chemin du curé, Hameau de la Gittaz, Beaufortain, septembre 2023
Un pied, l’autre pied, un pied, l’autre pied. Répétition, oscillation, en pendule de nous-même, y revenir toujours, comme dans un jeu d’enfant. Pas si simple pour l’enfant que d’apprendre à marcher, mais on oublie tout ça et on marche depuis, en oubliant qu’on marche. On oublie facilement tout ce qu’il y a dans chaque pas, l’équilibre sans les mains, juste avec les oreilles, les chevilles et les genoux qui savent toujours bien mieux que tout le reste du corps si le chemin va monter, si il faut se plier, se poser en douceur ou si on peut s’y fier. Souvent c’est le talon qui s’y colle en premier, un peu à l’extérieur, un peu à l’intérieur ou bien juste au milieu. Se poser en oiseau ou comme un lourd marteau, nos pieds savent nos fatigues, nos instabilités, nos errances sans buts, nos hâtes déterminées. Le goudron et le plat seraient presque une insulte à leur intelligence, eux qui savent, en douceur et en délicatesse, choisir l’endroit parfait, juste sur cette petite pierre ou entre les racines trouver le bon appui, celui qui nous permet de soulager l’autre pied, pour qu’il trouve lui aussi, une place au soutien fiable qui assurera l’étape et permettra d’aller encore un peu plus loin. Nos pieds savent tant de choses que notre tête ignore, ils n’ont pas besoin d’elle pour nous faire aller loin et permettre aux pensées, si confuses quand elles viennent toujours au même endroit et puis du même endroit dans le manque de mouvement, d’enfin trouver leur place et de s’épanouir. Pour cueillir les idées et en faire des bouquets, une des plus belles façons reste encore et de loin, d’écrire avec les pieds
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Tourbière des Saisies, Beaufortain, août 2023
Le passant inconnu qui passerait, trop rêveur et reclus dans sa tête, penserait vite que l’arbre est juste un arbre mort. Ne voir que les branches pâles, mélancoliques et nues quand les autres sont couvertes de vert et puis de feuilles, ne voir que le sec décharné du squelette en arêtes saillantes serait se contenter de l’extérieur des choses. Un souffle de passage, une plainte sans griefs. Ce serait ne se fier qu’aux seules apparences. Plus de sève, plus d’écorce, une ombre un peu plus mince étendue sur le sol. Mais tout ce qui demeure de l’arbre réduit en bois, d’autres s’en empareront pour en faire leur domaine, leur royaume bien à eux. Commencer par le haut, par exemple les oiseaux. Perchoir, nichoir, reposoir. Et les insectes aussi. Ceux qu’on attendrait là et puis les insolites qu’on attendrait ailleurs, il y aurait de la place pour tous ceux qui viendraient un moment tranquillement tirer les fibres de l’arbre comme on tourne les pages d’un bouquin déniché au milieu d’un tas d’autres qui ne lui ressemblent pas. Un livre qui serait écrit pour d’autres lecteurs que nous ou bien d’un autre temps ou bien d’un autre vent. Avec une autre idée de ce que les choses doivent être et puis de ce qu’elles sont. Soit des idées d’hier ou des idées d’ailleurs ou des idées bizarres, des idées d’apparences. Des idées qu’on ne met pas dans une lettre qu’on écrit à quelqu’un qu’on connait, à qui on dit tout bas que ce qu’on a en commun c’est important pour nous, que ça nous tient ensemble et que ça nous tient chaud. Du lecteur inconnu on a aucune idée de ce qui lui tient chaud. Nécessité, caprice, envie ou bien besoin, on ne serait pas d’accord sur beaucoup de ces choses, de l’incompréhension ou des mal entendus on en aurait sûrement, parfois plus parfois trop, ce serait la faute aux mots quand même aussi un peu, eux qui disent l’arbre mort quand y piaillent les oiseaux. Mais il y aurait peut-être un nuage de commun, ou plus sombre ou plus blanc, sur lequel en fin de compte, certains pourraient s’asseoir. Pari toujours osé de la publication, d’écrire une lettre trop longue destinée à quelqu’un que l’on ne connait pas
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Beaufortain, août 2023
Ce serait comme un voyage. Tout en légèreté, juste lever la tête, repenser un moment le poids de nos pensées qui fait pencher nos yeux. Avoir la mer juste là, parfaitement sous les yeux quand on regarde en l’air. Un bleu de bord de mer, pas trop de profondeur et puis un fond de sable pour garder le bleu clair, éviter le foncé des grandes profondeurs. Ensuite un peu de blanc, ou du bleu vraiment pâle, ou du bleu qu’on verrait juste à travers le blanc, comme des vaguelettes volages qui jouent sous la lumière, discrètes ondulations, filaments de courant. On aurait l’impression qu’on pourrait s’y baigner, y plonger quatre doigts, peut-être jusqu’à la paume et même un peu le pouce, pour sentir l’eau qui file, qui s’échappe et s’en va, légère comme une plume, elle emmènerait les feuilles des arbres des rivages. Un voyage tout léger, sur la pointe des pieds, tenter de s’appuyer avec les mains sur l’air, en oiseau idéal, avoir des bras en ailes, être couvert de plumes pour pouvoir tout écrire sur les feuilles des arbres
Merci à François Bon ( Tiers Livre ) et à ses 135 façons de sauver la terre . Pour l’inspiration et même un bout de phrase repiqué par ici
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Redortiers, Les Omergues, juillet 2023
Borie, cabane en pierres sèches. Reprise d’un ancien mot adapté au moderne pour dire la pierre calcaire quand cabane fait penser un peu trop au rondin, au bois et à la branche, à l’éphémère des planches bricolées, arrangées pour abriter les jeux des enfants du dehors. Mot adapté pour dire aux gens de maintenant ces cabanes de bergers, des pierres juste empilées, juste posées savamment les unes au dessus des autres, assemblées avec art, le grand art des beaux gestes, le savoir du regard qui passera par les mains de ceux qui vivaient là. Une cabane qui raconte sur le sec du plateau, le râpeux de la pierre et le rêche des toisons emmêlées aux épines, le juste nécessaire. Et le temps d’un orage ou celui d’un coup d’œil on retrouve en passant la sagesse des abris faits de pierres, juste de pierres, adaptation au manque qui se joue du terrain, qui ne laissera à l’avenir ni béton ni plastique. Juste une admiration pour le temps du coup d’œil, pour cette simplicité sincèrement authentique, une façon d’oublier un peu vite la durée, l’âpreté de ces vies toutes entières consacrées au service des troupeaux là-haut dans les montagnes
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Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu, Paris, juin 2023
Ils sont assis l’un très près de l’autre sur un canapé rouge, un des sièges disponibles dans la grande salle ovale, Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu, Paris. Livres rares, livres en nombres, classiques, historiques, de partout, mais aussi livres pour tous. En entrant, sur la droite, albums illustrés. « 2 à 6 ans » dit l’étiquette collée sur les bacs à côté des fauteuils. Eux ont plus de six ans. Cheveux brun-gris pour lui, cheveux blond-gris pour elle, têtes penchées l’une vers l’autre. Elle a calé son épaule à elle sous son épaule à lui, il l’entoure de son bras. Ils ont choisi un album et le lisent à deux. Le livre est grand ouvert sur leurs quatre genoux. On pourrait presque lire l’histoire sur leurs visages. Surprise, étonnement, amusement, tristesse, angoisse et soulagement. Ils gardent pourtant tous deux le regard sur les pages, concentrés sur les mots comme sur les images, absorbés, captivés. Même sans savoir le titre, on sait tout de l’intrigue à chaque nouvelle page, front plissé d’inquiétude quand ça se corse un peu, ou bien soulagement pour une solution proche, un très léger sourire quand c’est attendrissant ou quatre belles fossettes quand c’est plus rigolo. Retourner en enfance, pensées pour un petit nouveau dans la famille, ils étaient juste beaux du bonheur de l’histoire, de ces histoires écrites pour les petits enfants, des histoires souvent simples, pas pour autant simplettes quand on y regarde mieux et qui embarquent encore quand on ne se retranche pas, barricadé derrière des barrières qui nous privent des délices des histoires, quelle que soit l’étiquette
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Écluse du canal Saint-Martin, Paris, juin 2023
Écluse, écluser, éclusons. Un bassin, deux portes, amont et aval. Faire entrer l’eau d’un côté, la laisser ressortir de l’autre, fermer ici et ouvrir là pour que les bateaux puissent monter ou descendre la rivière sans avoir à monter ou descendre le courant. Prendre de l’altitude ou au contraire en perdre, par la seule force de l’eau et de l’ingéniosité d’ingénieux du passé. Rivière domptée enfermée, corsetée. Elle coule dans un lit qu’elle ne s’est pas choisi, même si elle coule encore, elle coule canalisée. Couler domptée est-ce toujours couler ou juste s’écouler ? Spectatrice de son cours sans pouvoir être actrice. Restent quelques oiseaux à voler tout autour. On ne les entend pas au milieu des voitures mais on les voit voler, où on ne peut pas marcher, où on ne peut pas nager parce que c’est dessiné sur la berge en béton et barré d’un trait rouge. Interdit de ceci, interdit de cela, de ces écluses de ville ne garder que de l’eau, se concentrer sur l’eau et sur le bruit de l’eau, sur les reflets de l’eau, sur tout ce que l’eau nous dit, oublier sa couleur, oublier son odeur. Se laisser transporter, partir en goutte à goutte, repartir de la source, de sa transparence pure qui se faufile sous la mousse, espiègle et opiniâtre, de ses bonds de chamois sur des pierres de torrents, de ses siestes lascives au milieu des fines herbes et des sabots de vaches, voir comme apprentissage de ce qu’elle ne veut pas, ce passage par la ville, ses voitures, ses immeubles, ses gens indifférents qui la regardent en cage comme dans un zoo, ronger ses portes d’écluse et sa mélancolie. Heureusement à la fin dans la vie de toute goutte viendra la grande mer, ses vagues et ses grands fonds, et ses lieux de légende beaux d’être inaccessibles, le maelström de Poe , les roches Douvres de Hugo ou bien l’île au trésor de R. L. Stevenson. À force d’écluser les rêves des passants, les eaux un temps soumises du canal Saint-Martin feront sûrement un jour des graines d’océan
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Coucher de soleil, Queige, mai 2023
Ce soir-la, c’était coucher de soleil. Un peu comme tous les soirs mais pas vraiment tout comme. La couleur des nuages les faisait incendie, la couleur des branches hautes les faisait charbon noir. Feu de forêt, foyer dans la cime des feuillus, image fugace, éphémère, instantanée. Quelques secondes à peine, tout au plus une minute, le temps de déclencher, de cliquer sur l’écran, le temps d’un coup de fil, juste le temps d’un appel. Entre le bleu du jour et le noir de la nuit, le feu. Flamboyant, flambant, flammes, feu, incendie. De l’abstrait dans le ciel trop réel dans nos têtes. Contraste. Entre fournaise insatiable et douces couleurs tendres, raccourcis de pensée, court-circuit effrayant, l’étincelle de l’image. Au milieu du tranquille, comme un grand froid dans le dos, l’irruption du danger, de la mort, de la peur. Juste à cause d’une rencontre de formes et de couleurs, juste à cause de ce ciel, des innocents nuages teintés de fin du jour qui s’en iraient en flammes emmenés par le vent. Les couleurs toutes seules dans un coucher de soleil amènent d’ordinaire des images innocentes, moins dangereuses, plus bénignes, parfois même romantiques voire un brin désuètes. Un couple assis de dos, une couverture pour deux, et le soleil couchant sur une plage déserte. Luxe, calme et volupté. Là, non. La forme des nuages construit un épisode furieux et dramatique, nous le rend fascinant, on tremble pour le fragile de la beauté des lieux. La force de l’image nous porte vers le feu quand tout nous pousse au doux. Rêve et cauchemar mêlés qui se renvoient la balle bien trop rapidement pour qu’on puisse l’arrêter, pour qu’on en ait envie, fascination du drame. Le charme des Fleurs du mal
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Balade photographique, Beaufort sur Doron, avril 2023
Tout commence devant la recyclerie. Objets mis au rebut qui vont reprendre vie, le symbole est parfait pour les essais du jour : photos au collodion humide avec Julien Dorol (@judorol)
Le collodion humide est un procédé photographique attribué à l’Anglais Frederick Scott Archer en 1851. En fait, le procédé était déjà connu dès le 1er juin 1850, date de la première publication du Traité pratique de photographie sur papier et sur verre par le Français Gustave Le Gray. Celui-ci fut le premier à remplacer l’albumine par le collodion pour fixer l’émulsion sur le verre.(Wikipedia)
Retour aux sources, curiosité, envie de tirages uniques d’une grande finesse et d’une douce subtilité dans les dégradés de gris. Simple envie de savoir, de voir, de comprendre les bases, du direct en direct, sans retouche, sans filet. Les raisons sont multiples pour revenir au collodion en nos temps numériques. Positifs ou négatifs, sur plaques de verre ou de métal, le collodion humide c’est une histoire de gestes, de gestuelle et d’expérience. De doigté. Tout commence par le collodion, c’est lui la base, la principale contrainte : il doit rester humide et il impose son temps. Tout doit être réglé, prêt et préparé avant le vrai début. La chambre calée sur son trépied devant l’ancienne tour qui s’écroule au milieu de son champ, à la fois protégée et étouffée par les arbres dans son délabrement et dans ses écroulements. Mise au point sur la fenêtre. Sous le voile noir, faire jouer le soufflet pour que l’image inversée soit parfaitement nette. Puis décentrer l’ensemble pour garder dans les lignes, sur le verre dépoli, parallèles et fuyantes. Leçon d’optique. Autre élément indispensable à préparer d’avance, le processus de développement. Endroit noir, juste une petite lampe rouge clair, produits à portée de main, tout comme l’eau de rinçage. Leçon de chimie. Gants et lunettes de protection. Éloigner le chien qui vient trop près des bacs, chercher la compagnie. Action. Dévisser d’un petit tour le bocal de collodion et préparer la plaque. Enlever le film de protection, avec les gants donc sans les ongles… ne pas s’énerver. Verser le collodion, l’étaler. Chaque étape est cruciale, mais celle-ci donne son nom à tout le processus. Précisément doser le collodion, le trop formera des bourrelets sur les bords de la plaque, le pas assez laissera des zones blanches, métal non recouvert. Mouvement du poignet, agilité des doigts qui doivent tenir la plaque sans imprimer leur marque. Mouvements de crêpier pour étaler la pâte. Sensibiliser la plaque en la plongeant dans le nitrate d’argent à l’abri de la lumière. Magie et chimie, laisser le temps aux halogénures d’argent de s’installer confortablement sur leur matelas de collodion avant la projection. Transférer la plaque sensibilisée dans un châssis étanche à la lumière jusqu’à la chambre, l’installer. Exposer. Laisser la lumière entrer après avoir estimé, calculé et arrondi, le temps de pose. Fin de la prise de vue. Retour dans le châssis jusqu’au développement. Estimer le temps dans le bain de révélateur, rincer à l’eau pour arrêter la réaction, et regarder, à la lumière du jour. Si la photo est réussie, exposition et contraste bluffants, détails presque vivants qui font pointer l’index vers la plaque au milieu des « oh, et là ! », alors, fixer, rincer, puis appliquer un vernis pour conserver longtemps, voire très longtemps.
Ce jour-là, vent, poussière, froid, installation à perfectionner, fuite de lumière dans le châssis, première expérience en extérieur… Tant pis pour le longtemps, les plaques seront nettoyées pour être réutilisée. Échec ? Loin de là ! Avoir identifié les problèmes et envisager des solutions, voir les améliorations à apporter et surtout, avoir entrevu quelques unes des lignes de ce bâtiment dans les teintes si subtiles du collodion, la douceur des traits, la matérialité de tout le procédé, la fascination lorsque l’image apparait sur la plaque, tout un mélange d’époques, une technique historique qui revient à la vie, des instants de trois secondes et cette idée d’une image qui permettra au présent de rester dans l’avenir. Rien que du positif !
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Balade londonienne, août 2022
La Birdcage Walk est une rue de ville avec sa partie centrale pour les voitures et deux larges trottoirs pour les piétons. Mais elle a un nom de souvenir, un petit air de campagne, de promenade. D’un côté, le parc et son vert, ses bosquets, ses massifs, ses pelouses trop ras coupées pour les chaleurs de l’été, un peu d’eau poisseuse de paresse, des canards, des poules d’eau et quelques autres volatiles aquatiques. Les oiseaux qui vivent encore là semblent être restés entre bâtiments, voitures et passants, simplement pour rappeler ce que l’endroit était autrefois, un chemin, privé traversant avec style les volières de la famille royale anglaise dont le palais de Buckingham est tout proche. De l’autre côté de la Birdcage Walk, des bâtiments dignes, historiques, aristocratiques. Acajou et encaustique, voix posées et pas feutrés. Fenêtres à guillotine avec petits carreaux, murs de briques, grilles et non grillage, pour signifier avec style que leur accès est réservé. Avec un esprit rêveur, on pourrait retrouver les ladies corsetées dans leurs robes encombrantes et les gentlemen étouffés par leurs cravates savantes, se promenant agrippés au bras l’un de l’autre, en parfait contraste de noir et de blanc sous l’ombre, elle, plus nuancée, des grands arbres. Les grands arbres sont les sages de l’endroit, ils observent, depuis les temps anciens, avec une prestance et une dignité suffisante pour avoir gagné les égards des urbanistes, l’évolution des piétons, des démarches et des déplacements sur la Birdcage Walk. Ce sont eux les témoins, sourires tranquilles au coin des branches, spectateurs amusés du passage d’un côté à l’autre de la rue, des cages et de leurs précieux spécimens à plumes