Archives mensuelles : février 2025

Fin de mi-février 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Février. Juste les sommets blanchis pour bien nous rappeler que le mois de février est encore en hiver. Hiver, été, calendrier, inventions des humains, bien loin de la nature, de ses saisons à elle avec ses départs tôt, ses départs plus tard, et ses départs volés qui seront vite sanctionnés par une gelée tardive. Mais les fleurs tentent quand même de sortir un pétale, voire toute une corolle pour être la première à fleurir au parterre, comme cette petite fraise encore timide et frêle, cachée parmi les feuilles et les tiges rassurantes contre les coups de froid dans leur jolie fourrure. Alors les petites fraises pointent le bout de leur nez, le cœur dans les pétales d’un blanc éblouissant avant de faire les grandes, de se farder d’un rouge d’une écarlate beauté.
Le vert n’est pas en reste, les premières feuilles sont là, elles se dressent, se déplient, se défroissent et s’affirment, elles ouvrent grand leurs becs, avides de l’humide et puis de la lumière. Le vert c’est le signal aussi pour les chamois qui descendent, s’enhardissent, se risquent à découvert pour ces herbes si tendres.
Dure vie que celle des plantes qui ne peuvent se sauver devant leurs prédateurs. Mais c’est vite oublier que nul n’est à l’abri, et que tout ce qui vit finira tôt ou tard dans la gueule d’un microbe ou d’une bactérie. Tout le secret de la vie réside donc dans le tard du fameux tôt ou tard. Alors pour que ce tard soit le plus tard possible, toute stratégie est bonne, comme se charger d’amer en suivant le pissenlit ou vivre plutôt de nuit comme la chouette hulotte qui hulule à la lune quand la nuit est tranquille.
Le printemps est le temps pour penser à l’avenir, temps d’affiner son chant et de farder ses plumes, de faire les plus belles fleurs qui auront toutes les chances de faire les meilleurs fruits ou de se creuser une loge avec vue sur la mer ou au moins sur le large quand on vit en montagne et qu’on est un pic noir, un pic vert, pic épeiche ou n’importe quel pic impatient de piquer. Alors on ne saura pas quelle mouche nous a piqués, mais impatience aussi du côté des humains qui commencent les semis ou gratouillent au jardin. Pour ceux qui ont moins de vert tout autour de chez eux, temps de lever les yeux sur les arbres des avenues ou bien de les baisser sur les vertes intrépides qui repoussent les pavés pour se faire une place et verdiraient les villes si on les laissait faire, nous autres humains peu clairs qui se plaignent du gris en arrachant le vert

Début de mi-février 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Le temps qu’il fait, la météo, au-delà de mettre un pull, parapluie ou bonnet, c’est la vie et la mort pour beaucoup du dehors. Eau, neige, glace, vent, chaleur, ombre et lumière, c’est ça qui donne le la, la couleur et l’à venir quand on ouvre la porte le matin au réveil. Tandis que pour le dehors, le temps de la météo est aussi continu que le temps des horloges, le vent, le froid, l’humide ne font jamais de pause le soir au coin du feu. Pas de cabanes pour primevères, alors les enjeux changent, ils se font plus pressants, plus dramatiques aussi quand on a que sa peau, son écorce, sa coquille pour servir de refuge. Et le dilemme est grand, sortir dès qu’il fait beau, rallonger sa saison et ses chances de faire graine ou jouer la prudence pour éviter le gel et la perte des espoirs pour l’année à venir.
Quand on arrive là sans savoir le temps d’avant, pour connaître l’humide, juste regarder les mousses et celles de la famille, les petites si costaudes, des pionnières, des premières sur les troncs, les rochers, sur tout ce qui est gris. Les feuilles le long du corps pour ne pas laisser le sec ou le vent ou le gel emmener toute leur eau, elles deviennent rêches et sèches, mais reprennent leur joufflu dès que la pluie revient. Ou bien l’humidité d’un brouillard lourd et dense qui fait pull en grosse laine avec chaud col roulé.
Pour nous autres humains, quand le brouillard est là, le regard arrêté se pose un peu plus près, sur ce qu’on ne voyait plus ou qu’on ne voyait pas. Bourgeons qui tirent doucement sur la main de leur branche, qui veulent devenir grands, qui veulent se mettre au vert, avoir leurs feuilles à eux, et puis leurs fleurs à eux et puis leurs fruits à eux, qui veulent devenir arbres, comme le chêne centenaire qui les regarde de haut, eux qui se voient déjà là, squatter la canopée, qui nous donnent le sourire par leur bel enthousiasme, leur fraîcheur juste née, leur fierté enfantine, bourgeons de noisetier qui jouent les rois soleil dans un rayon de lumière

Shetland #00

Carnet du voyage aux Shetland de S et N

Prendre le transsibérien, voir la Patagonie, apprendre l’usage du monde et faire un petit tour au centre de la terre, on est un très grand nombre à l’avoir déjà fait sans pour autant quitter nos petites habitudes, nos fauteuils, nos pantoufles. Les livres et l’écriture ont ce pouvoir spécial de nous emmener là-bas, sans qu’on ait, pour y aller, à lever le petit doigt.

Le doux pouvoir des livres de déplacer le lecteur est classique, reconnu, accepté, attendu. Statistiquement acquis puisqu’un livre aura, quel que soit son succès, toujours plus de personnes qui le lisent que de personnes qui l’écrivent. Et pourtant, même si on en parle nettement moins, le phénomène du déplacement sans déplacement fonctionne aussi très bien pour qui tient le clavier, le crayon ou la plume, pas seulement pour qui lit. Alors, sans quitter le tous les jours, passeport presque perdu, anglais parlé à revoir, pas envie de bouger car envie de rester pour le bonheur d’ici, je vous emmène quand même et je pars avec vous. Direction, les Shetland, des îles, environ une centaine, tout au nord de l’Écosse 60° 18′ 14″ N, latitude de Bergen, à quelques minutes près et 1° 16′ 08″ W, longitude d’Oxford, à quelques kilomètres près, pour donner une idée. Un petit chapelet d’îles qui ferait trait d’union entre la celtique Écosse et la nordique Norvège des pays scandinaves.

Je n’y suis pas allée, donc écrire ce carnet ne pourra pas se faire avec mes notes à moi et mes souvenirs à moi, ni mes photos à moi. Mais ce sera simplement une autre façon de faire, de récolter matière à pouvoir raconter, dessiner pour vos yeux, paysages, animaux, rencontres, lieux insolites, ambiances et souvenirs. Vous dessiner un mouton, voire même plein de moutons.

Pour ce voyage-ci, en plus de toutes les sources disponibles à qui cherche, j’ai eu la chance d’avoir des guides rien que pour moi. S et N sont allés aux Shetland en 2024, du 25 avril au 7 mai, ils m’ont presque emmenée, je les ai suivis de près quoique restée au loin. Alors pour les Shetland, ce sera juste ici, sur le site des Enlivreurs au fur et mesure de l’écriture des étapes.

Début février 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Début février, l’hiver berce, endort, nous fait glisser doucement dans une torpeur tranquille, une sorte d’hibernation. Et on se laisse prendre, surprendre, par des signes qui nous disent de profiter de l’hiver, de la nudité des arbres, des sculptures blanches du givre, du noir et blanc tout cru des sapins sur la neige, des sommets sur le ciel, des nuages endormis dans le creux des vallées engoncées dans l’amer de leurs pulls de fumées, avant que le printemps ne nous affole de couleurs, de cris et puis d’odeurs. On a encore le temps de savourer le soleil levé plus tard que nous, sa course qui ne cherche pas à atteindre les hauteurs, indiscret bienvenu qui rentre par la fenêtre pour faire vivre les parquets, leur redonner un temps des teintes de jeunes branches.
Pourtant on voit déjà que le froid se replie, même s’il n’hésite pas à encore bien marquer sa présence par ici, on glisse doucement vers des journées plus chaudes. Le jour dure plus longtemps, surtout l’après-midi et tout le monde l’a noté. Tombées au gras du sol les graines doucement s’entrouvrent, nourries de feuilles mortes et de l’humidité qui fait les bruns plus sombres, les ferait presque noirs. Noirs, blancs, pour faire vivre les contrastes, les gelées blanches du matin et le givre sur les arbres, comme un manteau de fourrure, cocon ou chrysalide, et les cristaux de glaces, leçons de symétrie déposées dans les flaques. Alors une sorte d’urgence à profiter de ce qui va changer, disparaitre, se transformer. Les arbres pensent à leurs feuilles, à leurs fruits, à leurs fleurs, tirant sur leurs bourgeons. Déjà les noisetiers teintent de jaune leurs chatons, couleur des primevères qui elles aussi renaissent pour mettre un peu de couleurs en bordure des chemins. Bourgeons encore fermés, branches encore dénudées, sans les feuilles, sans les fleurs, pouvoir encore un peu voir à travers ce qui va devenir un rideau, un mur, un empêchement qui cachera les oiseaux pour leur bonheur à eux, notre malheur à nous. Pour l’instant, regarder les mésanges avides, pressées à la mangeoire, qui prennent juste une graine et filent, toujours inquiètes malgré leur effronterie, leur agressivité envers un plus petit, un plus influençable ou juste un plus peureux. Et les jours de brouillard, les regarder filer, s’enfoncer dans le blanc, coton dense et vorace qui va les avaler bien avant que nos yeux ne puissent plus les suivre.