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Fin de mi-avril 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine à grand contraste, grands écarts, grand écart. Grand beau, pluie et même neige, bleu et blanc en camp de base, avec toujours le vert qui sort gagnant de l’histoire, au moins en tant que couleur.
D’abord c’est le retour des nuages dans le bleu, formes blanches, qui se déforment, se reforment, se dispersent, s’assemblent et s’épaississent, laissent passer la lumière ou lui barrent le passage, allant jusqu’à baisser le rideau de la pluie, nous faisant le moral en gris ou lumineux, mimétisme d’éclairage, mystère et grande question pour ce qu’on ne voit plus : caché ou disparu ?
Dehors ça continue, poussée vertigineuse de tous les végétaux, l’herbe atteint les mollets, on pense à la couper, jardiner c’est choisir, alors bien faire les choix, sans aucun extrémisme, pas si simple que ça. Faire une place à chacun, s’incluant logiquement, animaux parmi d’autres, dans le fameux chacun, sans exagération ni d’un côté ni de l’autre, parce que les mots en ie, théorie, utopie, sont rarement adaptés à pouvoir nous nourrir quand il s’agit d’assiette et de nos besoins de base. Alors arracher là et protéger ici en réfléchissant bien avant d’ôter la vie, utiliser ailleurs ce qu’on ne veut pas là, faire au mieux bien souvent quand rien ne va comme prévu.
Et la neige en avril fait rarement partie des choses qu’on a prévues, même si les saints de glace nous avaient prévenus, et encore cette fois-ci, pas de gel, rien de trop négatif, de ces températures qui tuent sans états d’âme les imprudents précoces. Ici la neige lourde fait plier les jeunes branches et craquer les plus faibles, mais dégâts circonscrits, beaucoup en réchapperont pour mieux se réjouir de cette eau à foison une fois le chaud revenu.
Une fois le chaud revenu, nos oreilles retrouveront, bruits d’insectes, chants d’oiseaux après le calme du blanc. Chez le noir grand corbeau, c’est la saison choisie pour faire de la voltige entre nuage et bleu, formation à plusieurs, le plus souvent à deux, aucune discrétion dans leur vol bruissant d’ailes, un côté m’as-tu-vu, ou plutôt entendu, mais contraste idéal entre l’élégance sombre et le clair des nuages.
Toujours question contraste, maintenant le vert est partout, il nous cache le sous-bois qui lui garde une lumière toujours faible et constante, arbres nus en hiver pour accueillir le peu que dispense le jour et couvert en été pour mieux se protéger de l’excès de lumineux, la forêt en exemple, parfait et éprouvé, pour chasser les excès qui souvent nous nuisent tant.

Tête en l’air

Nuages ou les yeux dans les cieux, pour préciser qu’ici on parlera de nuages, de ce qu’ils nous envoient, de ce qu’ils nous renvoient. Aussi de temps en temps, un peu d’Alfred Stieglitz, au fil des découvertes, parce que ses photos m’ont poussée jusqu’aux mots à regarder là haut 
Alfred Stieglitz, 1926

Être tête en l’air, c’est pour les étourdies, les étourdis, les distraites, les distraits, les rêveuses, les rêveurs, les absents, les absentes d’ici et de maintenant. Les artistes. C’est un vilain défaut, à l’école, au travail et pour tous les humains attelés aux choses sérieuses. Pourtant, être tête en l’air est bien le seul moyen d’observer les nuages. D’observer les nuages et de les photographier.
Être tête en l’air, c’est ce qu’a fait, très sérieusement, avec constance, un grand sérieux et une application sans faille, Alfred Stieglitz entre 1922 et 1935 pour ses séries Songs, puis Equivalent ou Equivalents, série dont est issue la photo ci-dessus. Il voulait qu’on regarde la photo comme un art et pas seulement une façon relativement fidèle de copier le réel. Il y avait déjà l’émotion des visages dont il faisait le portrait, l’émotion des scènes de vie à New York ou ailleurs, alors juste rajouter toutes les émotions de l’autre côté de l’appareil, de l’autre côté du tirage, celles du photographe et puis de qui regarde les images exposées. Une émotion photographique qu’il voulait rapprocher de celle de la musique, d’où le nom de sa première série de nuages, Songs.
Nuages, émotions, photos, une invitation à se faire tête en l’air, à offrir son visage à l’air, à la pluie, au vent, à la neige, à y regarder de près dans ce dehors si haut, à y déposer, par les mots, et les phrases, un peu de son dedans.
Être tête en l’air, on ne le fait pas souvent, regarder droit devant et les yeux dans les yeux plutôt que dans les cieux, regarde donc ce que tu fais ! Quand les yeux aident les mains, le travail ou l’étude, l’endroit où les pieds se posent, ou les yeux occupés par les mots du papier, les images de l’écran. Et tant d’autres distractions qui nous éloignent toujours de notre être nuageux.
Être tête en l’air, parce que chez les humains, on ne rigole jamais quand on parle de la tête. Siège de ce qui nous fait nous, le visage tout d’abord, nez, bouche, oreilles et yeux, tout ce qui nous permet de recevoir au mieux les signaux du dehors. Sans oublier le toucher, par la peau du visage. C’est elle qui sera sensible aux paroles du vent, tant murmures que tempêtes, humidité aussi brouillard, brume ou bien pluie. Ne pas oublier la neige, gouttes à retardement, flocons qui deviennent eau en dispensant leur froid.
Alors, très sérieusement, se faire tête en l’air, pour voir ce qu’on peut voir dans l’air et ses nuages, quand on y regarde mieux, comme le faisait si bien il y a maintenant un siècle, l’artiste Alfred Stieglitz

Début de mi-avril 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine globalement bleue. Un temps de science-fiction, temps d’anticipation, temps d’été en avril avec même, mais pour une seule journée, les cumulus qui montent et une petite averse, quelques gouttes symboliques, mais qui ont de quoi ravir amphibiens, batraciens et autres gastéropodes. Aussi cette semaine à propos de nuages, des nuages de poussière dans les endroits sans herbe, sans pierres et sans couvert, au passage d’une voiture sur le chemin d’en bas ou sous l’ombre des arbres où se sont concentrés les moutons fatigués par l’intense du chaud pour se gratter un lit et dormir à midi.
Du chaud, du pas encore trop sec, toutes les plantes en profitent, on a du mal à suivre, à retranscrire ici toute les nouvelles naissances, toutes les éclosions, les déplies de bourgeons et les sorties de feuilles. Alors, laisser tomber le un, adopter le plusieurs et puis parler des arbres, des arbres en général, même si au chapitre feuilles, on ne parle que des feuillus. Les arbres du printemps quand leurs feuilles se déploient ont ce vert si spécial qui va foncer ensuite pour devenir plus sage, plus résistant aussi, mais moins attendrissant que cette teinte éphémère, une sorte de vert layette pour les feuilles nouvelles nées. Les feuilles sont de retour et elles traînent avec elles la dure réalité des arbres qui restent nus quand les autres s’habillent de cette couleur si tendre. En hiver ils pouvaient encore faire illusion, mais avec le printemps ils se font singuliers au milieu des forêts, arbres devenus bois, arbres loins d’être morts, ils seront habités, mais par d’autres qu’eux-mêmes.
Parmi les fleurs aussi il est des singulières, des fleurs un peu à part, par leur notoriété, ce que leur nom transporte comme admiration et ne les fera jamais se ranger aux côtés des banales mauvaises herbes. Une sorte de noblesse, un petit côté star, des fleurs à privilèges. Parmi toutes les fleurs, l’orchidée est à part. Peut-être leurs façons de se faire un peu insectes, leurs couleurs et leurs formes qui les font se distinguer dans le règne végétal. Alors bien les guetter au temps du jardinage pour ne pas les abimer, les laisser faire les belles et puis se reproduire pour encore les revoir, ce que les tondeuses refusent à tellement d’autres fleurs qui n’ont pas leur aura.

Début avril 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Beau. Beau temps presque toute la semaine. Dans beau il y a eau, mais les mots sont trompeurs, juste quelques gouttes de pluie, mais pas vraiment de l’eau, juste un rafraîchissement, à peine un apéro. Donc chaud. Les plantes font leurs fleurs, les animaux ressortent et les humains aussi, animaux comme les autres. Saison des pissenlits en salade, vite, vite, avant les grosses fleurs jaunes qui les feront amers.
Pour toutes les autres plantes c’est aussi vite, vite, un peu de mal à suivre toutes les floraisons, nouvelles formes et couleurs, toutes les feuilles qui s’ouvrent, se déplient et s’étirent, neuves, parfaites et pimpantes, sans aucun grignotage d’insecte trop gourmet ou de grand prédateur, limace et escargot pour celles qui vivent en bas. Du mal à changer de rythme après le tout tranquille qui régnait sur l’hiver. De l’hiver au printemps, le rythme change brutalement, éclosion, floraison, éclatement des bourgeons, alors qu’en haut la neige nous parle encore de froid, de buée en nuage à chaque respiration.
Des nuages, toujours eux, cette fois sur quatre pattes, on les appelle moutons, ils viennent de ressortir après des mois d’étable, joie du retour au vert, des siestes à l’ombre des arbres, des pattes chatouillées par les frêles graminées et des chiens pour choisir lesquelles parmi les bêtes présentes dans sur ce versant seront celles qui vivront. Élever et jardiner c’est choisir les espèces que l’on veut voir grandir et aussi nous nourrir, en bichonner certaines et repousser les autres ou bien les arracher, les couper, les tuer. Les appeler mauvaises herbes. Choisir. Un choix qui se fait souvent sans vraiment y penser, sans plus y réfléchir, juste par habitude, tradition, rituel. Faire sans y penser, c’est se baser, bêtement, sur le chainon manquant, le lien entre tête et mains qui lorsqu’il est absent nous prive de ce qui fait l’essence de l’humain.
Alors pour y penser, regarder les nuages, moutons, haut dans le ciel, qui nous échappent encore, mais qu’on aimerait bien voir obéir à nos ordres pour dompter la nature, jongler de beau à eau, passer de l’un à l’autre selon nos volontés. Alors dans les nuages, chercher du réconfort, des idées, des moyens pour éviter de détruire cet équilibre fragile qui nous permet de rester, quand le temps le permet, la tête dans les nuages.

Fin mars 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine à nuages, semaine de nuages, semaine des nuages. Pas de grands cieux bleus, pas non plus de grands déluges. Une semaine entière à regarder les nuages, tous les étages de nuages, les fins filaments pâles, fils de coton si fins qu’il faut bien qu’ils s’assemblent pour qu’on puisse les repérer, tout là-haut, tout en haut. À l’étage du milieu, coton, chou-fleur, courbes et courbures, rondeur, galbe, arc, arche, arcade comme des dessins d’enfants entre un soleil tout jaune et de l’herbe toute verte. À l’étage du dessous, on n’y voit plus que goutte, gouttelettes, humidité. L’humidité sans forme celle qui s’adapte à tout, qui accueille, qui recouvre, enveloppe et emmitoufle. Elle dissimule aussi, empêche de voir au loin, les montagnes d’en face, leurs sommets qu’on ne sait plus blancs ou déjà tachetés par les pierres, les buissons, les falaises qui sortent de l’hiver pour reprendre des couleurs, mais d’abord du contraste, au-delà des formes trop douces, des formes de la neige, toujours un peu trop proches de celles des nuages.
Toute la semaine passée, on était en nuages, on n’était pas en froid, dans la modération qu’il faut pour les fragiles, bourgeons à peine éclos pour faire feuilles ou bien fleurs. Du côté des couleurs, fini le jaune uniforme, ça s’étend dans le bleu jusqu’à l’ultraviolet, et les feuilles se déplient, étalent à l’envie, à peine sorties des plis, le glabre ou le duveteux qu’elles auront une fois grandes, comme dans le cognassier tout rempli de peluches.
Du côté animaux, les chevreuils, les chamois descendent des forêts jusque dans les ouverts pour gouter les jeunes pousses, les herbes, les bourgeons quand la forêt, plus sage, attend encore un peu avant de passer au vert. Pour l’espace sonore, c’est toujours les oiseaux qui prennent toute la place et du côté de la vue un lézard timide qui vient prendre le chaud au coin d’une éclaircie. Mais par cette météo, même les comptines savent bien qu’il pleut, il mouille rimera avec grenouille et autres batraciens. Alors toujours guetter, pour ne pas les bousculer, les points jaunes sur peau noire des jolies salamandres. Mais de la semaine restera surtout le doux, le flou des nuages qu’on fête ce samedi vingt-neuf mars. Alors les yeux au ciel, une pensée pour Stieglitz et ses photos de nuages prises dans les années vingt et les années d’après. Parce que les nuages, eh bien, on y prend goût !

Fin de mi-mars 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Pas de monotonie pour habiller la semaine. On commence par la neige, venue refaire ici un petit tour de piste, en grande pompe, du grand show. La veille, juste ce qu’il faut de brume et de brouillard pour faire un écran blanc, pour préparer nos yeux à n’y voir que du feu dans le gommage des couleurs. Revenir à la page blanche pour pouvoir retrouver avec soulagement celles qui ont résisté des fleurs téméraires et déjà installées dans le doux du printemps avant que ne soit passé tout risque de caprice, de retour de l’hiver qu’on aurait délaissé un peu trop rapidement au goût des dents de scie du climat de maintenant.
Alors le lendemain sortir pour vérifier et pour se rassurer sur la vivacité de qui vit au-dehors. Pour la plupart des fleurs, elles en sortent fatiguées, mais quand même pas tuées, la chance du débutant pour ces plantes téméraires ou stratégie de l’audace, qui cette fois a payé, ce sera affaire à suivre dans le bilan de l’année, quand une fois de plus et le jour et la nuit feront partie égale, fêteront l’équinoxe, mais celui de l’automne qui marquera le retour des nuits majestueuses et des couleurs d’automne. En ce moment les couleurs, c’est une grande explosion, le jaune du forsythia, le violet des violettes, le pourpre du lamier pourpre et le blanc un peu rose des fleurs du prunier qui fleurit bien trop tôt depuis plusieurs années pour pouvoir faire des fruits à mettre sur les tartes.
Que ce soit un coup de chaud ou encore un coup de froid, ce sera toujours un coup, une violence, un choc, un marron, une châtaigne et quant à s’en remettre ça dépendra de la forme, de la durée aussi, du coup de froid en question puisque c’est souvent lui qu’on redoute au printemps, sans tenir compte du fait qu’une sortie précoce, guidée par un coup de chaud, sera fatale à l’abeille qui s’épuise dans sa quête des fleurs qui dorment encore et ne peuvent la nourrir. Les insectes et les fleurs, c’est une longue histoire de je t’aime moi non plus avec encore souvent les bonnes idées des uns détournées chez les autres, mais avec à la fin du bien mieux pour chacun, comme chez le lamier pourpre ou chez les orchidées que je guette maintenant que leurs feuilles tachetées se déplient à l’air libre.
Et cette fin de semaine, du beau, un peu voilé, du sable en suspension qui rend le loin moins clair et plus indéfini, alors en profiter pour mettre ce qu’on veut dans le loin pas si loin, même si on ne voit pas bien, on peut toujours rêver.

Début de mi-mars 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Moins de beau cette semaine, mais toujours du nouveau, des animaux, des fleurs, des bourgeons qui s’entr’ouvrent avec la grande question, en premières feuilles ou fleurs. Ça dépend des espèces, des stratégies d’avenir, de ce qui est efficace et fait survivre au mieux. Pas de règle, de doctrine, alors affaire à suivre avec toujours la crainte, la trouille et l’apeurement des perfides gelées, tardives et meurtrières. Suivre la météo, ses changements, ses humeurs, et ses imprévisibles qui nous font tant d’angoisse quand nos assiettes dépendent d’un nuage ou d’un souffle.
Météo cette semaine sans visibilité, tous les matins bouchés, brume se poussant parfois jusqu’à devenir brouillard, pour commencer le jour sans savoir ce qu’il sera, si tout est encore là comme il l’était hier. Commencer la journée en laissant une place à l’imagination, peut-être à la fiction, voire jusqu’à l’utopie, au monde qui serait mieux si ceci ou cela, en faisant une place à la crainte du changement, à l’envie de changement, au besoin de changement, à sa nécessité, impérieuse et urgente, en fonction des articles qu’on lit dans le journal.
La nature, elle, avance, sans se soucier nullement de cette unique espèce parmi des milliards d’autres qui s’octroie dans ce monde beaucoup trop d’importance. Les fleurs s’ouvrent aux couleurs, les insectes se réveillent, les batraciens font œufs, du nouveau, du nouveau qui nous ferait oublier de regarder aussi celles qui sont installées depuis la fin de l’hiver. Un peu comme ces images, ces mots jolis, pimpants qui vont si bien ensemble pour faire une expression à l’avenir contagieux ou ceux que l’on retrouve en haut des pages de recherche et qui marquent notre temps en y perdant de leur sens, leur beauté, leur éclat à force de trop d’emploi. Parfois ils ont leur place et un autre n’irait pas, mais il arrive aussi qu’ils fassent mycélium jusqu’à nous envahir en lecture, en écoute, qu’on les trouve partout, qu’ils deviennent lieux communs, plus seulement mots communs. Là j’avoue, j’appartiens à cette espèce humaine toujours écartelée entre les pôles d’extrêmes, qui pratique l’épuisement pour ses prédilections afin de les conduire au plus près que possible d’une pensée de perfection, poussant parfois l’idée jusqu’aux maniaqueries au-delà des habitudes, tout en les redoutant comme des choses détestables. Alors je le redis, hommage aux primevères pour leur précocité, la douceur de leur jaune, leur opiniâtreté à survivre aux gelées et leur longévité, quand je m’irrite bien vite de trouver dans un texte, parfois même dans les miens de ces mots à la mode qui brillent de tous leurs feux en haut des hit-parades lexicostatistiques.

Début de mars 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de beau temps, printemps. Le calendrier dit non, le merle du matin qui chante le réveil dirait plutôt, évidemment en hauss,ant les épaules, tu n’as qu’à ouvrir la fenêtre, sors donc tu verras par toi-même. Sortons donc.
Le dehors se remplit de tout ce que l’on voit, de ce qu’on ne voit pas, et puis principalement de tout ce qu’on n’a pas encore vu. Pas si simple de les voir, toutes ces nouveautés, il faut les regarder et parfois les chercher, garder une petite place dans nos têtes encombrées pour que l’image reste de ce que nos yeux ont approché, juste frôlé, effleuré. Comme parler du même livre avec une autre personne qui aura repéré un passage différent, un aspect différent, parfois si différent qu’on relira le livre pour y lire ça aussi qui nous a échappé.
Heureusement pour les fleurs, les couleurs nous aident. Le jaune jaune des jonquilles se verra de plus loin que le jaune clair des primevères, le longue distance jaune vert des hellébores d’hiver, présentes depuis longtemps. Et puis d’autres couleurs, le violet du crocus, le pourpre du lamier et sa gueule grande ouverte, mais aussi les odeurs avec celle des violettes qui s’installent en groupe, plus rarement isolées, ce qui aide à les voir même quand, en se promenant, on penserait à autre chose, à cet état du monde du côté des humains qui laisse peu de place pour les admirations.
Avec le chaud reviennent aussi les animaux qu’on avait oubliés, comme les petits lézards, timides mais curieux avec qui on s’exerce à jouer au plus patient, aussi beaucoup de volants, les mouches et les moucherons et les premières abeilles, impatientes, imprudentes. Quand on regarde plus grand, se repaître des formes de la terre encore nue, des grattements des sous-bois qui sont lits pour un jour, quand aux endroits ouverts les vielles enveloppes des végétaux jaunis, aplatis par la neige laissent encore apparaitre, creux et bosses, bosselettes avant que les herbes nouvelles n’imposent au relief leurs vallonnements à elles suivant leurs tailles à elles et leurs contraintes à elles qui changent les paysages, gommant et creux et bosses pour en inventer d’autres juste le temps d’une été. Texture de perspective qui se laissera faire par les caresses du vent, se penchera sous la pluie ou le trop de soleil, mais remplacera quand même les vagues de la terre par ses vagues à elle en attendant l’hiver qui effacera le tableau

Texture

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Granuleux, fibreux, lisse, râpeux, piquant, doux, rugueux, humide, soyeux, velouté, cireux, gras, sec, visqueux, collant, les mots de la texture nous parlent du bout des doigts dans le creux de l’oreille. Suivre les veines du bois, imaginer sa vie, les sécheresses et les pluies ou la cire deux fois l’an et compter les anneaux qui racontent sa vie. Au départ la texture s’occupait du tissu, du tissage et des fils, de leur disposition, de leurs entrecroisements. Et puis comme d’habitude pour beaucoup de nos mots, l’usage s’est étendu. Pour tâter de la texture, rien ne vaudra les doigts, leur peau pleine d’attention saura lire sans faiblir les adjectifs écrits tout en haut de cette page, même si le rêche des jours et des travaux râpeux lui font une carapace. Les yeux aussi pourront questionner la texture, dire là où ils regardent et la façon ensuite de la rendre en dessin, à plat sombres, pointillés, lignes courbes ondulantes, gribouillis erratiques ou traits serrés au chaud, doux comme une fourrure, points pour dire le piquant ou lames pour le coupant, douces ondulations pour la campagne tranquille, lignes droites toutes en angles pour les immeubles des villes et puis un peu partout suivre les veines du bois. Et puis de tous nos sens reste le sens littéraire, dans texture il y a texte pour dire granuleux, fibreux, lisse, râpeux, piquant, doux, rugueux, humide, soyeux, velouté, cireux, gras, sec, visqueux, collant, sans besoin de toucher, sans lumière et sans ombre, simplement grâce aux mots. Alors reste la question de la texture du texte, de son style, de sa forme, en bloc ou paragraphe, lignes désalignées, caractères bien choisis, en forme, en taille, en graisse et en ponctuation, même écrit dans une langue qu’on ne connaîtrait pas, il serait harmonieux à l’œil qui le toucherait. Mais reste l’essentiel, la texture du dedans, que le rugissement des mots, leurs cris, leurs calmes tendres ou leurs émerveillements ne contredisent pas la belle présentation et le papier bouffant. Pourvu que la texture que l’on voit au-dehors fasse sens et réponse à la texture des mots, la texture des échos qui resteront toujours gravés dans nos mémoires

Fin février 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de temps couvert, nuages, pluie et puis brume avec même un peu de neige, ciel à texture variable, contrastes et valeurs pour faire une œuvre d’art de chaque regard en haut, un tableau d’Angleterre, de Turner, de Constable. Musée à ciel ouvert, musée de cieux couverts.
Pour les couleurs aussi tout se passe là-haut, en attendant les fleurs qui s’apprêtent tranquillement dans le confort contraint de leurs douillets boutons, arc en ciel, crépuscules et levers de soleil sont là pour compléter les palettes un peu ternes des jours simplement gris.
Mais le gris est bienvenu aux environs de la mare pour la tranquillité de tous les nouveau-nés. La nurserie se rempli, petites salamandres avec déjà aux pattes deux minces taches jaunes, en attendant les autres qui viendront avec l’âge et cette mutation des plus définitives pour respirer dans l’air et plus du tout dans l’eau. Oublier un moment, à la faveur des brumes, les vues qui portent loin et reposer les yeux sur les détails du près, ce qui est à nos pieds et qu’on ne voyait plus. Attention aux indices, exercices de devinettes et jeu d’observation, des points jaunes sur les pattes des habitants de la mare aux bourgeons qui s’étirent, qui pensent même à s’ouvrir, si bien qu’on commence presque à voir qui vient en dessous, la couleur de la fleur ou le vert de la feuille.
Voir c’est déjà beaucoup, mais ce serait oublier toutes les autres antennes qui nous aident à connaître le monde autour de nous, à écouter le printemps, les oiseaux qui s’agitent et s’affairent pour le nid, pour trouver l’aile sœur, mais aussi, ce printemps, le humer, le toucher et même le déguster. Nos papilles en salivent, de toutes ces petites herbes, moelleuses et bien tentantes après les mois d’hiver remplis de pâteux raves ou de coriaces tiges qui résistent certes au froid, mais manquent parfois de finesse au moins de diversité, alors est bienvenu le temps des feuilles tendres et des douces verdures, on accepte même l’amer comme pâle contrepartie au retour des salades et des petites herbes : plus de sorties sans avoir en tête cette secrète carte des bons coins pour trouver telle herbette ou telle autre, apprendre à les connaître et à les reconnaître, un hommage à tous ceux et surtout à toutes celles parmi tous nos ancêtres qui n’ont dû leur survie, plus souvent leur santé et celle de leurs proches qu’à ces herbes de printemps.