Archives mensuelles : juin 2025

Fin de mi-juin 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Une semaine à Paris, une ville, une grande ville, très grande, mais qui se laisse parcourir à pied, quand le temps ne presse pas trop et qu’elle donne l’impression d’être encore bien plus grande, un ensemble de petits mondes, avec juste quelques artères qui relient chaque morceau avec chacun des autres. Et parmi ces morceaux, les jardins et les squares, les petits groupes et les longues lignes d’arbres qui rendent les lieux vivables même par grosses chaleurs. On se demande bien comment ils peuvent survivre, ces arbres, avec le peu de terre qu’on imagine toute mince entre le goudron des rues et le métro des sous-sols.
Des arbres bien alignés, parfois de tout jeunes arbres au milieu des anciens, on imagine alors un ancêtre décédé qui a laissé sa place. Certains de ces tout jeunes ont du mal à survivre, les feuilles déjà cassantes, le vert virant au jaune. Températures trop chaudes, pas beaucoup d’animaux, grenouilles au bord de l’eau dans un étang tranquille du côté de Saclay, mais surtout des oiseaux dans les allées des parcs. Des pigeons historiques, les toutes nouvelles perruches, pas beaucoup de moineaux et puis quelques corbeaux, bec ouvert et à l’ombre, qui souffrent comme tout le monde, mais qui limitent leurs pas et encore plus leur vol et savent parfaitement que l’enfant qui les poursuit ne pourra pas franchir, la grille qui les protège désormais du marmot.
Et puis quand même parfois lever les yeux au ciel pour y voir des nuages, des tout fins et très hauts, mais des nuages quand même, un peu de blanc dans le bleu quand on préfère aller vite se réfugier à l’ombre loin de la lumière, et surtout de la chaleur qui la suit comme son ombre.

Début de mi-juin 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine coupée en deux, pour ce qui est du lieu, des ambiances, des décors : coupé en deux pour tout. Contraste montagne et ville, quelque jours de chacune et pas de transition, juste quelques heures de train, pas le temps de voir passer les changements par la fenêtre pour les yeux qui ne suivent plus, pour l’air qu’on aspire, les odeurs et les bruits. Entre montagne et ville, c’est presque un Nouveau Monde tant le changement est grand.
Alors avant de partir, bien regarder partout, volonté résolue de garder en mémoire, de ne rien oublier, de stocker et ranger dans l’efficacité. Alors viennent les questions, quoi garder et comment, aider un peu les yeux en prenant quelques notes, même une ou deux photos et puis devant la tâche, se concentrer quand même, oublier l’exhaustif pour faire plus que pointu sur un point bien précis. Leçon d’anti-précis donnée par l’atmosphère toute chargée de fumées, de sables venus d’ailleurs qui voilent, brouillent et rendent flous, grignotent les détails, les couleurs, les textures, nous parlent des distances qui se franchissent quand même quand on est particule chargée de ci ou de ça.
Alors, regarder près pour mieux se souvenir. Juste en face de la fenêtre, vit un grand châtaignier, ses fleurs sont déjà grandes, elles ont leur forme adulte, ne leur manque maintenant que l’éclatant du jaune, le parfum, le pimpant. Et puis se demander devant les grosses chaleurs que la météo annonce et les souvenirs trop vagues, si c’est le châtaignier qui sera le dernier des arbres des environs à se couvrir de fleurs. La réponse viendra seulement avec le temps, patience obligatoire, patience à réapprendre pour nous autres trop gâtés de réponses immédiates.
Pour le châtaignier et le reste, garder le vert comme repère, comme unité de mesure du murissement des fleurs, comme unité de mesure du vivable de la ville, une couleur comme un lien entre deux mondes distincts, la petite chose en commun qui évite qu’on ne souffre trop du mal du pays.
Première balade en ville par les monts et buttes, Butte Bergeyre, Buttes Chaumont, découverte d’un monde qui monte et qui descend, au son de voix amies, dialogues entre textes et pierres, les beaux mots tissés fins des humains entre eux deux, un monde d’escaliers et de cage d’escalier pour la géométrie et des marches et des rampes comme perspective de ciel. Des arbres aux bords des rues qui regardent passer les autos, les passants, dispensant gracieusement, tout en délicatesse dans les ombres de leurs feuilles, un peu de frais et d’ombre les jours de bien trop chaud. Pour le frais voir aussi du côté de la Seine, mouettes et goélands et même cormoran, mais aussi des canetons et des gens qui regardent les vagues des bateaux venir se cogner contre les berges emmurées. Ils regardent, ils observent, on pourrait aussi dire des rêveurs qui ne font rien, mais ce serait s’y tromper. Observer est un art, un art à consommer sans jamais se modérer.

Sens

Nuages ou les yeux dans les cieux, pour préciser qu’ici on parlera de nuages, de ce qu’ils nous envoient, de ce qu’ils nous renvoient. Aussi de temps en temps, un peu d’Alfred Stieglitz, au fil des découvertes, parce que ses photos m’ont poussée jusqu’aux mots à regarder là haut 

Lorsque sens a le sens de signification, on peut voir les nuages comme dans le « Paroles d’artiste » où parle Alfred Stieglitz :

Un homme (regardant un Equivalent) : Est-ce là une photographie d’eau ?
Stieglitz : Quelle différence cela fait-il de savoir de quoi c’est une photo ?
L’homme : Mais est-ce une photographie d’eau ?
Stieglitz : Je vous dis que cela n’a pas d’importance.
L’homme : Bon, alors c’est une photographie du ciel ?
Stieglitz : Il se trouve que c’est une image du ciel. Mais je ne saisis pas en quoi cela a la moindre importance.

Le sens d’une photo, une photo de nuage comme les images qui font les deux séries semblables, Songs et Equivalent chez Alfred Stieglitz, n’a pas toujours le sens que certains lui voudraient. Ni le sens, ni même le sens. Ni signification ni orientation, peut-être que les nuages n’ont, eux, aucun de ces deux sens. C’est un grand avantage, pas de sens, pas de contresens, pas de bon ni de mauvais sens. Là-haut dans les nuages, certains trouveront du sens pour dire la météo, pour prévoir les orages, le sec ou bien la pluie, mais d’autres verront des choses complètement différentes, voire pas de choses du tout, juste des émotions, des souvenirs, des pensées, des peurs ou des envies, des sourires pourquoi pas.
Pour un autre sens de sens, celui qui oriente, quand on regarde les nuages, on saura quand même bien où est le haut, le bas et la gauche et la droite ou bien l’est et l’ouest. Mais quand sur une image on ne voit rien de la terre, ni des arbres, ni de rien, c’est bien plus compliqué de choisir le bon sens. Un quart de tour à droite, demi-tour, symétrie, rien ne viendra ensuite dire que c’est le mauvais sens.
Quant à nos sens à nous, les cinq sens dont on parle quand on pense sensations, au pays des nuages posés sur une image comme c’est le cas ici, seule la vue nous aidera, pas de froid sur la peau, de vent dans les cheveux, d’humide qui enveloppe ou de souffle dans les arbres, sentir que le vent tourne, ne pas se sentir à l’aise quand ça n’en sent pas la rose. Devant une photo, les cinq sens bien souvent, donnent pouvoir à la vue.
Peut-être juste pas de sens pour les photos de nuages, chacun choisit le sens qu’il voudra bien choisir, on peut même voir la mer dans ce genre de photos, puisque comme dit Stieglitz, cela n’a pas la moindre des importances.

Début juin 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Orages, éclaircies et instabilité, plus de pluie que de chaud, plus d’eau que de soleil. C’est la fête pour beaucoup, amphibiens en premiers qui toujours redouteront d’avoir les pieds sur terre, mais aussi pour les autres, escargots et limaces, donc fête mitigée du côté jardinier. Toujours un peu la course quand deux espèces convoitent des ressources identiques. Partage, diversion ou bien assassinat, pas toujours aussi simple qu’on aimerait que ça soit d’être parfaitement fair-play autour de nos laitues.
Côté vie des petits, avec la chaleur, les insectes sont là. À feuilleter les guides, à regarder dehors avec curiosité, on découvre des vies, des formes étonnantes, des couleurs magnifiques, silhouettes fantastiques. Alors pour qui écrit on sent vite que ces formes peuvent servir de passage, de portes ou de fenêtres vers un autre univers, un monde fantastique. Pinces, mâchoires, carapaces, une échelle inversée nous ferait vite basculer dans un monde de hantises tant sont diversifiés les contours, les couleurs, attributs et outils donnés par la nature à ces petites bêtes dont on ne rêve pas souvent qu’elles deviennent trop grandes et viennent chatouiller nos peurs et nos angoisses dans ces nuits chaudes d’été et de fenêtres ouvertes, ouvertes à ces effrois qui nous démangent parfois. Des cauchemars à gratter comme des boutons de moustiques.
Alors, vouloir l’orage, ses vents qui éparpillent de leurs rafales brusques, pluies, averses de grêle, déluges et cataractes qui ramènent la violence bien au-dessus de nos têtes. Alors voir le dehors, mais depuis le dedans, voire derrière une vitre qui nous mets à l’abri, mais aussi qui nous prive des odeurs et des sons, qui sépare nos deux mondes, nous fait voir le dehors comme sur une sorte d’image dans le cadre de la fenêtre, un paysage photo qu’on pourrait découper et regarder plus tard dans un temps différent de celui que l’on vit. Mais toujours bien attendre, quand le ciel y consent, le rire de l’éclaircie qui peindra de lumière les nuages oubliés.
Malgré la météo, pas toujours favorable, les fleurs fleurissent quand même, elles savent que les insectes attendent patiemment, guettent les éclaircies et qu’ils seront présents. Elles savent. Ou elles répondent seulement à la pression du temps, la tension du bourgeon, du bouton, ou de l’œil, pas trop de choix dans tout ça, même si la pluie n’aide pas, les fleurs vont éclore. Les roses sont sorties, elles se faneront plus vite, sans sécher, vite pourrir. Profiter sans tarder de leur couleur, de leur odeur, de leur disposition, la finesse des pétales, comme sur les toits en tuile, mais en rond cette fois pour protéger son cœur, le garder à l’abri de l’eau qui diluerait son pouvoir de faire de futures roses.
Roses aussi les groseilles, qui commencent à rougir, quasiment à rugir, encore pour un moment caché dessous les feuilles, ce sera bientôt leur heure de sortir au grand jour, de prendre la première place. Alors que juste en face sur le versant ubac, le vert fait l’escalade des pentes encore blanches et les derniers névés s’inclinent un à un devant ce vert qui monte.

Fin mai 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Une semaine entre soupe et salade composée. De la pluie, souvent le soir et puis du pas trop chaud dans les tout premiers jours pour finir en beau temps, en temps chaud même trop chaud de ces chaleurs lourdes qui nous annoncent l’été. Peut-être aussi un peu le manque d’habitude, l’étrange pour les bras qui sortent des manches des pulls et récoltent au passage les piqures et les griffes de qui passe trop prés des ongles des rosiers, des piquants des orties ou des grands appétits des insectes délivrés de la trêve hivernale.
Insectes un peu partout, petits, insignifiants si on n’y regarde de près, si on ne regarde pas, si on n’observe pas ces êtres attentivement. Forme, position des pattes, contours, couleurs, rayures, taches, ou motifs complexes, ailes, antennes, il faudrait observer et garder bien en tête chacun de ces détails, comme si on désirait ensuite les dessiner ou les faire dessiner par une main plus experte, mais qui aurait besoin de nos informations. Alors on pourrait dire que cet individu, oui, on le connait bien, tout au moins du dehors, sans savoir ce qu’il mange, comment il se déplace, où il vit, ce qu’il aime, qui sont ses prédateurs. Encore un monde de plus que l’on ne connait pas, ou pas bien, pas assez, alors que bien souvent notre monde et le leur se côtoient, se mélangent, dépendent l’un de l’autre. On saurait le trouver dans le grand guide en couleur de l’entomologiste curieux et débutant, et c’est un premier pas.
Du côté végétal, toujours de nouvelles fleurs, bien souvent chez les arbres qui font fleurs après feuilles quand d’autres font l’inverse. En ce moment sureau, châtaignier ou tilleul nous font lever la tête, nez happé par l’odeur. Chez les arbres les couleurs restent souvent plus sobres, blanc, crème, un peu rosée, tandis que près du sol, les yeux vont de choc en choc parmi les couleurs vives, roses, jaune, bleu et violet, couleurs pour attirer, notre œil d’être humain, mais surtout les capteurs des insectes experts qui viennent polliniser, se nourrir et faire vivre tout un monde plus grand qu’eux, mais qui n’est rien sans eux. Alors on peut penser que des fruits viendront peut-être, que les petites choses accrochées à leurs branches, encore vertes, minuscules et austères, feront un jour les joies de nos papilles gourmandes, de nos soifs désaltérées par les subtils nectars.
Et puis le jour allant, les ombres s’allongent doucement, ces ombres qu’on recherchait pour le frais et le doux d’une lumière moins dure, pour les étranges motifs des graminées en plumes, en pinceaux ou en brosses qui dessinent sur le sol des dentelles émouvantes, ces ombres quand vient le soir ne sont plus que souvenirs. Les ombres se font sombres, les yeux n’y peuvent plus rien et laissent revenir les peurs de qui ne sait pas les bruits, les craquements, les grincements, les jappements et les cris. Alors quand on ignore, on imagine le pire, passant par les souvenirs de contes d’épouvante, dramatiques, angoissants et piégeurs de rêveries. Toutes ces histoires anciennes qui nous font bêtement classer dans le mauvais la petite chauve-souris qui vole au ras du toit ou la chouette hulotte qui appelle dans le noir l’âme sœur qui lui répond et nous permet encore, une fois le soleil couché et l’orage calmé, de profiter du concert offert par les oiseaux.

Attention, une chauve-souris se cache dans la photo…