Archives mensuelles : novembre 2025

Début novembre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Une semaine de temps sec, bien souvent de temps beau. Alors chez les fleurettes on tire sur la ficelle. Enfin de la bourrache au milieu du jardin, elle profite sûrement de la place laissée libre par les autres plus frileuses. Ses tiges et ses boutons recouverts de poils drus, des poils adolescents encore bien espacés, mais déjà presque blancs dans le soleil du matin. Bientôt au bout de chaque tige s’ouvrira en très grand un sourire de baleine pour laisser venir au jour une fleur aux coins pointus entre violet et bleu. En y regardant bien on trouvera encore une tache de couleur dans le tout vert de l’herbe toujours fauchée, broutée et anonymisée par un été entier à se faire couper courte, alors on apprécie le pissenlit, le trèfle, ou les fragiles clochettes des douces campanules. Mais leurs jours sont comptés maintenant que les brebis se rapprochent de l’étable pour profiter encore des derniers déjeuners qu’elles prendront là sur l’herbe avant le long hiver entre leurs quatre murs à manger du foin sec et de l’eau du robinet.
Les brebis dans leur champ profitent également des rayons du soleil et de leur lumière douce qui se cache derrière les arbres, dessinent avec leurs ombres toute une forêt couchée qui se déplace dans l’herbe avec les heures du jour pour nous dire toute l’histoire des arbres devenus géants, eux qui ne sont en été que de maigres ovales attachés à leur pied, et qui restent chétifs sous les lumières dures. Théâtre d’ombre des arbres, les goliaths de l’hiver qui dessinent de leurs branches en fins traits de crayon, une fois les feuilles tombées, des contes fantastiques pour qui saura les lire.
Pour les contes fantastiques, les nuits se prennent au jeu et font durer le sombre. L’écran noir où projeter toutes les histoires qu’on veut a prévu la veilleuse, cette semaine quand même, avec la pleine lune qui permet les balades, même à la nuit tombée. Voir le monde autrement, le voir avec les pieds, les oreilles et le nez, éviter la lumière et se sentir un peu une bête parmi les bêtes, avec des armes égales et des peurs qui se rejoignent.
Promenons-nous dans les bois maintenant rendus au calme, marcher sans lever les pieds pour faire chanter, froisser et murmurer, l’épais tapis de feuilles mortes qui s’épaissit encore jusqu’à monter aux chevilles dans les creux protégés. Parfois s’arrêter net quand en travers du chemin scintille dans la lumière le fil d’une araignée qui voit sa toile en grand, regarder les feuilles tomber, voleter, flotter et remplacer, un peu, le vol des papillons, les belles couleurs en moins. À défaut de papillons, ramasser quelques feuilles, les glisser dans le carnet qui sert à prendre des notes, en faire des feuilles volantes qui se passent d’écriture pour dire toutes les couleurs, les formes et les histoires des arbres qui sont ceux qui racontent le mieux

Fin octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine en dents de scie entre le beau et l’eau, plutôt de crête en combe, puisqu’on est en montagne, mais plus précisément entre soleil et pluie avec un peu de tout ce qu’on peut mettre entre deux, de nuages, de brouillard, de brume et puis de gris, aussi des éclaircies, des moments de grand mélange avec pluie et soleil qui se marchent sur les pieds. Des matins lumineux, des après-midi sombres ou des journées entières comme sous un couvercle alors que le lendemain sera si rayonnant qu’on ne pourra regarder n’importe où sans cligner.
Comme je me sens un peu plante, la lumière est pour moi quelque chose d’important. Depuis le changement d’heure, on profite bien mieux du lever de soleil, mais la nuit tombe plus vite, elle tombe tellement vite que se pose la question, en regardant les arbres et tous les végétaux, de nos horaires d’êtres humains, de nos activités, les mêmes toute l’année quelle que soit la durée du jour dans nos journées. Parfois il m’arrive même de me mettre à rêver d’une longue retraite d’hiver.
Du côté animaux, le défi de l’automne est celui de la couleur, se cacher dans les feuilles qui passent du jaune au rouge en route vers le rouille, le marron puis le sombre odorant de l’humus. Chapeau bas cette semaine pour une petite chenille, colorée, décorée de longues soies et d’excroissances, d’un beau toupet rouge vif pour mieux faire ressortir ses teintes qui partent du jaune pour aller jusqu’au vert avant de revenir à la couleur soleil. Une chenille éclatante que cette Pudibonde (Calliteara pudibunda) qui donnera naissance à un papillon de nuit, terne, gris et tout velu, camouflage de rigueur. Formes, couleurs et textures sont aussi étonnantes dans le monde des champignons. Grandes oreilles translucides ou filaments oranges ne m’inspirent pas du tout à l’heure de l’omelette, pour ce qui est de manger je m’en tiens à très peu, le très peu que je connais. Mais dans le panier cette fois quelques jolies trompettes, de la mort ou des morts, sombres tubes à la tête en gueule de tromblon, au nom peu rassurant, elles font quand même partie de mes petites préférées. Aller aux champignons c’est se promener en forêt d’une façon différente. Le dos un peu courbé pour rapprocher les yeux du sol où se trouveront, bien cachées sous les feuilles, les merveilles convoitées, le nez ouvert aussi qui sera parfois une aide pour les localiser et enfin la vitesse qu’il faudra oublier tout comme le sentier, une errance sans hâte et remplie d’attention pour la vie sur la terre.
Chercher des champignons ou bien chercher des mots, restent bien dans mon cas des pratiques parallèles qui se nourrissent l’une l’autre, une manière de passage dans ce monde-là tout autour, même si pour les mots une fois la récolte faite, le chemin reste bien long avant de déguster le livre assaisonné, cuit assez, mais pas trop et puis bien présenté dans une jolie assiette