Église Saint-Sulpice

OLOÉ, une belle invention de l'autrice Anne Savelli, le petit nom qu'elle donne aux espaces élastiques Où Lire Où Écrire. Elle explique ça ici bien mieux que je ne le ferais.
Et chez les Enlivreurs, dans cette catégorie, longue liste en construction de quelques OLOÉs qui me font écrire ailleurs

Première motivation pour entrer dans l’église : le frais. 36 degrés annoncés et sûrement plus chaud si on ajoute le ressenti. À l’intérieur l’air est plus frais et la lumière moins dure. S’asseoir. Attendre un peu avant de commencer à écrire, attendre que soit séchée la sueur sur les mains, sur les bras et partout, attendre de pouvoir toucher le moindre papier sans qu’il reste collé à la main qui l’écrit. Regarder tout autour, une sorte d’état des lieux du nouvel OLOE.
Dès l’entrée, de l’ombre, presque du sombre après l’éblouissant dehors. Tout de suite sur la droite, une première niche et un immense tableau, un célèbre Delacroix. Alors les guides viennent là, dire l’histoire du tableau juste devant le tableau. Des voix, du passage, trouver un autre endroit, plus calme sur les côtés. Autre attraction touristique de l’église, le gnomon, instrument d’astronomie installé là pour mesurer la position du soleil et déterminer avec précision la date de l’équinoxe de mars dont dépend celle de Pâques. Un petit peu de science parmi tant de croyance, ça me rassure, ça m’apaise pour écrire. Autre élément rassurant quand il s’agit d’écrire en ce qui me concerne, l’attitude des gens. Prière, recueillement ou simplement respect pour le silence des autres, pas de courses ni de cris, même les enfants sont pris par le solennel des lieux à condition quand même que ça ne dure pas trop longtemps. Le calme chez certains va même jusqu’au sommeil, une dame appuyée sur un pilier de pierre ou bien un SDF qui ronfle paisiblement, allongé sur trois chaises, ses sacs autour de lui ou encore ce prêtre appuyé de tout son dos sur le dossier de la chaise dans le confessionnal qui attend le pêcheur en faisant défiler d’un pouce un peu distrait les posts sur l’écran de son téléphone portable.
Contraste du mouvement dans toutes les allées entre la vie qui va, les gens qui se déplacent et l’immobilité des scènes sur les tableaux, immenses, impressionnants, qui décorent toutes les niches, souvent plongées dans l’ombre à part les quelques lampes qui éclairent les œuvres. Aussi le gris qui domine pour les dalles du sol et les pierres des piliers, la lumière pâle et crue qui tombe des vitraux blancs sans le faste des couleurs qu’on pourrait voir ailleurs.
Après ce tour d’horizon, on se dit qu’on serait très bien là pour écrire. Écrire. Vient la question du quoi, parce qu’écrire oui, mais quoi, avancer tel projet ou bien encore tel autre, commencer du nouveau ? Une question qui reste, tout au moins dans mon cas, sœur jumelle de l’ambiance de l’endroit où je suis. Bien sûr quelques touristes ou juste des gens fourbus en quête de fraîcheur et d’autres, menés là par ce en quoi ils croient. Ces derniers, les croyants, prient ou allument des cierges, se recueillent. Une dame pleure, doucement, en silence, agenouillée, dos droit, devant une statue. Ceux qui marchent essayent presque d’étouffer jusqu’au bruit de leurs pas, les conversations se font à voix basse, voire de bouche à oreille. Les couples quant à eux se tiennent par la main, mais gardent une distance claire pour séparer leurs corps, ici on est nettement du côté de l’esprit. Alors, écrire plutôt des choses pas trop légères pour coller à l’ambiance.
Le carnet est sorti, sac en guise d’écritoire, crayon gris qui ne coule pas, rapport à la chaleur, c’est parti on y va. Il était une fois.
Et quelques lignes plus loin, l’orgue se met à souffler. Soufflerie solennelle qu’on a vue à l’entrée juste en levant la tête, tubulure imposante, majestueuse, grandiose. On pense aux Te Deum, aux messes empesées et puis on n’en croit pas, pas du tout ses oreilles. Cet air on le connait, le crayon en arrêt, chaise paillée devenue un siège du futur, on a bien reconnu, c’est la guerre des étoiles. Le 21 juin, c’est fête de la musique. Et là finie l’ambiance, adieu le recueillement, réfléchir sur les mots. Le contraste est trop fort et puis tout le travail de mise en condition qui s’écroule en une fois. Alors, poser le crayon, abandonner l’idée d’écrire une ligne de plus, juste profiter du frais en attendant sagement que les vaisseaux de l’Empire viennent contrattaquer au-dessus de l’autel

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