Tous les articles par Juliette Derimay

Les autochromes d’Albert Kahn

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine, octobre 2023

Le musée Albert Kahn est au bout de la ligne de métro et c’est déjà un signe : au-delà de la dernière station, commence un autre monde. L’entrée est facile à trouver : vigile en uniforme, fouille, détecteur, piqure d’actualité. Et puis, une fois passée l’entrée, piqure de monde. À commencer par l’architecture, mélange d’espace et de temps, bâtiment moderne qui japonise dès la sortie du métro juste à côté des murs de briques pour accueillir les « Archives de la Planète » et les jardins qui les complètent. L’exposition permanente, ce sont les autochromes, tout un mur de ces images, uniques par nature, un mille-feuille de verre, émulsion sensible à la lumière, fécule de pomme de terre colorée de vert, violet et orangé, vernis, mais surtout, une couche de génie, celui des frères Lumière, qui ont mis au point le procédé, il y a cent vingt ans. Les murs sont noirs, juste percés par la lumière des autochromes. Portraits, paysages, constructions, groupes qui posent en habits traditionnels, des ruines et des soldats aussi puisque les images ont été faites entre 1909 et 1931. Des rues, des maisons, des bâtiments isolés, monuments, mosquées, temples, églises, ponts, familles ou groupes d’humains dont on ne saura rien d’autre que cette image en couleurs, un regard, une attitude, une façon de poser, de se poser où on est, pour beaucoup sûrement, où on est né. Inventaire émouvant, ne garder qu’une image, une seule image unique d’un temps, d’un espace, d’une histoire éteinte, passée dans la lumière immobile des quelques secondes du temps de pose, et retenus dans la lumière immobile sur les murs de cette chambre noire. Ici, les gens parlent à voix basse, émotion et respect. Le nombre, le sombre, le projet impressionne, Archives de la Planète, inventaire et invention mêlé•e•s, permettre à tous de voir, et un peu de savoir, là où leurs yeux à eux, n’iraient jamais y voir, là où nos yeux à nous n’iront jamais y voir. Restent les autochromes, pour que ce monde des autres devienne un peu le nôtre

Codicille :
C’est arrivé comme un alignement. Le bon endroit, le bon moment, les liens qui vont si bien ensemble et qui pointent tous ensemble vers ce qui touche au cœur. Merci à François Bon et Hélène Gaudy pour les rencontres, à D. pour la bonne idée et à C. pour la visite partagée

20231013

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Estival. Dernière journée d’été… le soleil domine très largement. Mais on observe des bancs de nuages bas sur le centre et Ouest de l’Isère le matin, puis quelques nuages se mettent à déborder sur la frontière italienne côté Haute-Maurienne en cours d’après-midi.
Températures minimales comprises entre +8 et +11 degrés.
Températures maximales comprises entre +24 et +26 degrés.
Isotherme 0° vers 4100 mètres.
Vent faible puis modéré de Sud-Ouest avec un peu de foehn.
Prévisions Météo Alpes

Estival, mi-octobre. Hors saison, hors sujet, hors contexte. Hors-jeu. Un décalage, pas ce qu’on attendait d’un mois d’octobre théorique. Parce qu’on attend toujours quelque chose des endroits, des gens ou bien du temps ou encore des saisons. Idée déjà construite de ce qui nous attend. Un coloriage à colorier, le refrain de la chanson où il faut rajouter, peut-être, quelques couplets. Restera bien souvent à peaufiner encore, adapter, rectifier, ajuster. Mais on s’attend toujours à ceci ou cela. En octobre, on attend les feuilles mortes, les châtaignes, le feu à allumer quand on a oublié les petites habitudes, rentrer le petit bois le soir pour le matin. Emmener avec soi une veste ou bien un pull parce qu’on ne sait jamais. Ressortir les foulards, obliger les mollets à reprendre contact avec les pantalons, eux qui étaient à l’air depuis le début de l’été. Et puis parfois arrive qu’on soit en décalage entre ce qu’on attend et ce qu’on voit vraiment. Comme lorsqu’on aperçoit un panneau de chantier au milieu de la forêt, comme quand le hors saison submerge nos attentes, les oblige à plier sous la réalité, vient changer dans nos têtes un point d’affirmation en interrogation

Les dessous chics

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Queige, Beaufortain, octobre 2023

C’est une plume du dessous, une plume débraillée, mal peignée et un peu chiffonnée, une plume de matin du lendemain. Un dessous chic de bête à plumes. Douceur soyeuse, texture de dentelle qui laisserait voir sans rien dévoiler du tout, transparence et élégance. Un dessous chic. Une de ces précieuses plumes que l’oiseau délicat garde contre sa peau pour se tenir au chaud, qu’il dépose dans son nid pour accueillir ses œufs, une de ces plumes qu’humains, on met dans nos duvets pour nous réchauffer le corps. Voila, du duvet. Une plume qu’on ne dévoile pas, une pudeur d’intérieur, une pudeur de sentiments, outrageusement décoiffée et toute ébouriffée. Et puis un doigt qui glisse, ça passe du i au o, la faute à Azerty, sur les claviers français, passer du chic au choc, pour une histoire plus triste et moins voluptueuse, il suffit de l’écrire au coin d’une autre touche, il suffit d’un poids plume pour changer toute l’histoire. Suivant ce qu’on a vu, ce qu’on a entendu, les gens qu’on vient de voir, ceux qui nous ont parlé ou bien ceux qu’on a lu. C’est celle qui écrit qui choisit la couleur, qui change le i en o ou bien qui n’y change rien. Et le sort de l’oiseau dépend de presque rien, d’une humeur chagrinée ou des plus enjouées, c’est celle qui écrit qui décide vie ou mort, le sort des personnages dépend parfois de peu. Le destin d’un oiseau ou bien d’un personnage qui bascule d’un coup de plume ou d’une faute de frappe. Ils ne sont pas toujours chics, les dessous de l’écriture

Prendre les eaux

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Cauterets, Pyrénées, septembre 2023

Ici, depuis longtemps, on vient prendre les eaux. On y venait déjà en longue robe et chapeau, redingote et capeline, une ombrelle à la main. Il n’est ici question ni de perdre les eaux, ni même de prendre l’eau, mais de prendre les eaux. Écrire précisément, sans erreur, omission, sans faute d’orthographe sous peine de faute de style, de contre et de faux sens. De qui pro quo gênant. Attention à choisir juste l’eau qu’il vous faut, car elles ne sont pas toutes à mettre dans le même panier. L’eau qui descend d’en haut apporte ici la vie, voire même plusieurs vies. Elle fait vivre les plantes, comme c’est le cas ailleurs, mais ici, spécialement, s’il est question d’humains, elle redonne le mouvement. Elle est le mouvement. Celui des gens qui viennent pour y prendre les eaux, celui des gens qui viennent pour admirer les gouttes qui jouent dans le soleil à se faire briller, à dévier la lumière, le regard des promeneurs, à faire des arcs en ciel. Les cailloux sous son cours sont usés et polis, arrondis et cambrés. Dévier le cours de l’eau, creuser le cours des chutes, inventer des embruns pour voir revivre les gouttes et leur unicité où il n’y a plus que flot, foule, marée, multitude. Quand chaque individu vit ici la montagne comme il en a envie, en randonnée tranquille, en bain thérapeutique ou en ski de couloir. Les chutes d’eau font l’éloge de cette diversité, eau encore transparente, flots ourlés de tumulte, embruns ou gouttelettes légères comme du brouillard, l’eau change de texture comme change de couleur et de physionomie le visage de celui qui aurait bien compris une expression toute faite qu’on aurait mal écrite

Neige !

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Queige, Beaufortain, septembre 2023

Neige ! Neige ! On s’exclame, on s’écrie quand on voit du nouveau, et même encore plus, du nouveau qu’on attend. On crie encore plus fort quand on attend longtemps. Crier, Neige ! Comme on a crié, Terre ! En découvrant une île, en arrivant chez ceux qui vivent depuis toujours sur ce morceau de terre et qui rentrent chez eux après la pêche du jour sans jamais crier, Terre ! Crier, Neige !ce jour-là parce qu’elle est nouvelle, blanc posé sur le vert, et non pas blanc sur blanc, on ne criera plus neige quand il faudra encore déneiger le chemin pour sortir de chez soi et qu’on attend déjà depuis un bon moment que revienne le printemps. Pour l’instant c’est nouveau, ce blanc sur les sommets, c’est joli, c’est tout neuf, ça nous change la vue. On la sentait venir la blancheur de l’hiver, aux bêtises des enfants dans la cour de récré, sensibles au temps qu’il fait autant qu’au temps qui passe quand viennent les vacances. Le temps passe et repasse suivant qu’on parle des jours ou des nuages hauts qui déposent le blanc. Un même nom pour deux choses, on pourrait s’y tromper si on parlait trop vite sans donner le contexte. Alors vite on compare les dates des premières neiges dans les années d’avant pour mêler temps et temps. Toutes ces heures pareilles, toutes d’autant de secondes et autant de minutes, mais pas la même taille et pas la même place dans nos souvenirs à nous et dans nos vies à nous. L’étonnement du contraste, l’importance du contexte c’est sûrement pour ça que le temps et le temps portent le même mot, qu’ils vont si bien ensemble, qu’ils ne vont bien qu’ensemble, car quand l’un tourne en rond l’autre déplie son long

20230916

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Temps de Sud. En Sud-Isère et en bordure des Hautes-Alpes : temps très nuageux, hauts sommets souvent accrochés avec de fréquentes averses. Ailleurs : alternance de périodes ensoleillées et de passages nuageux élevés pouvant donner de brèves averses (très rares sous le foehn en Tarentaise, Vanoise, Beaufortain, Val d’Arly ..)
Températures minimales comprises entre +14 et +16 degrés.
Températures maximales comprises entre +24 et +27 degrés.
Isotherme 0° vers 3800 mètres.
Vent modéré de Sud, foehn parfois sensible.
Prévisions Météo Alpes

Un temps de sud. Couleurs chaudes, au matin comme au soir, on dirait le sud. On dirait le sud, le temps dure longtemps et la vie sûrement plus d’un million d’années. Le temps dure longtemps, le temps du refrain, le temps de répéter, de prendre le temps de redire. Une chanson, un refrain qui revient, s’installe dans nos mémoires qu’on le désire ou non, à force d’incessant. Une répétition des mots, dits, puis redits, encore. Pour insister, pour rythmer pour être sûr que ça reste, que celui qui écoute garde au moins ça de l’histoire. Et jouer sur ce rythme, comme la baguette qui frappe la caisse claire en cadence, le marteau sur le clou. Parce que le rythme aide à loger dans la tête, à faire revivre les mots par la musique des mots. Il est des textes où la répétition n’a plus rien de choquant, où elle est même admise, permise et bienvenue. Mais pas dans tous les textes. Manuel du roman, de l’article, de l’essai, chasser la redondance, la traquer, l’abolir. Pourtant il est souvent des mots qui se perdront dedans leur synonyme, costume mal ajusté trop grand ou trop petit ou d’une pâle couleur bien loin du chatoyant qui faisait tout le charme du mot de l’origine. Un goût d’édulcorant quand on apprécie tant la saveur du souvenir, la si goûteuse madeleine. Alors vive le retour, le construit bégaiement, comme un je me souviens qui nous ramène toujours au début de chaque phrase dans l’infini d’avant, comme une respiration qu’on rêverait sans fin

Le chemin du curé

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Chemin du curé, Hameau de la Gittaz, Beaufortain, septembre 2023

Un pied, l’autre pied, un pied, l’autre pied. Répétition, oscillation, en pendule de nous-même, y revenir toujours, comme dans un jeu d’enfant. Pas si simple pour l’enfant que d’apprendre à marcher, mais on oublie tout ça et on marche depuis, en oubliant qu’on marche. On oublie facilement tout ce qu’il y a dans chaque pas, l’équilibre sans les mains, juste avec les oreilles, les chevilles et les genoux qui savent toujours bien mieux que tout le reste du corps si le chemin va monter, si il faut se plier, se poser en douceur ou si on peut s’y fier. Souvent c’est le talon qui s’y colle en premier, un peu à l’extérieur, un peu à l’intérieur ou bien juste au milieu. Se poser en oiseau ou comme un lourd marteau, nos pieds savent nos fatigues, nos instabilités, nos errances sans buts, nos hâtes déterminées. Le goudron et le plat seraient presque une insulte à leur intelligence, eux qui savent, en douceur et en délicatesse, choisir l’endroit parfait, juste sur cette petite pierre ou entre les racines trouver le bon appui, celui qui nous permet de soulager l’autre pied, pour qu’il trouve lui aussi, une place au soutien fiable qui assurera l’étape et permettra d’aller encore un peu plus loin. Nos pieds savent tant de choses que notre tête ignore, ils n’ont pas besoin d’elle pour nous faire aller loin et permettre aux pensées, si confuses quand elles viennent toujours au même endroit et puis du même endroit dans le manque de mouvement, d’enfin trouver leur place et de s’épanouir. Pour cueillir les idées et en faire des bouquets, une des plus belles façons reste encore et de loin, d’écrire avec les pieds

20230830

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Variable. Temps frais (+4/+8 vers 1000 mètres à l’aube) mais bien ensoleillé le matin avec de petits résidus nuageux à moyenne-altitude, surtout le long des Préalpes. Ils évoluent en nombreux cumulus sur les massifs dès la fin de matinée. Les conditions sont alors mitigées en montagne l’après-midi avec de petites averses possibles (surtout en Nord-Savoie et Haute-Savoie) mais des éclaircies résistent, notamment en Haute-Maurienne. En plaine il continue de faire beau l’après-midi.
Températures minimales comprises entre +7 et +10 degrés.
Températures maximales comprises entre +21 et +24 degrés.
Isotherme 0° vers 2500 puis 2800 mètres.
Vent faible à localement modéré de Nord.
Prévisions Météo Alpes

Variable. Comme la montagne, là, juste devant la fenêtre. Des taches de lumière claires qui se promènent au vent et puis main dans la main avec les nuages sombres. Bien d’autres taches aussi sur la forêt d’en face. Les couleurs de l’automne, les couleurs d’autres arbres qui ont d’autres pelages, les couleurs du grand âge, ou les couleurs du sec, celles de la maladie ou de la sale bestiole qui fait les arbres sans feuilles, alors qu’en cette saison on a encore du vert pour dire si les branches nues ont perdu leur habits pour cause de saison ou pour cause de décès. Suivant le nom des arbres, et leur hérédité, le tableau sera variable, vert foncé ou vert clair, du beige jusqu’au brun, du jaune, du presque rouge et tout les orangés rangés entre les deux. Les bleus seront pour le ciel ou bien pour les reflets. Si on regarde bien, on a toutes les nuances et même toutes les teintes qui changent suivant le jour, jusqu’au noir de la nuit. Variables aussi les ombres, l’endroit d’où l’on regarde et puis ce qu’on regarde. Sans oublier bien sur, le comment on regarde, la pente dans son ensemble ou un lieu bien précis, on verra autre chose, une forêt ou un arbre, ou bien tout un bosquet, une lisière ou une coupe. Comme on peut lire un livre en ne lisant que l’histoire ou bien tout autre chose, de la longueur des phrases à la ponctuation ou au vocabulaire, pour une lecture variable toute comblée de variantes

20230827

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Perturbé. Ciel souvent bouché avec une succession de passages pluvieux, temporairement orageux, tout au long de la journée et de la nuit suivante. Le cumul de précipitations s’annonce par endroits important (Belledonne/Oisans notamment) avec un copieux arrosage à la clef.
Limite pluie-neige vers 3200 puis 2900 mètres voire 2700 mètres en nuit suivante.
Températures minimales comprises entre +14 et +16 degrés.
Températures maximales comprises entre +19 et +22 degrés.
Isotherme 0° vers 3600 puis 3200 mètres.
Vent faible à modéré de Sud-Ouest puis Nord-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Perturbé, pluie, ciel bouché. Arrivée de l’automne et départ de l’été. Redouté, attendu, le temps serait venu, du départ de ceci, du retour de cela et du grand chassé-croisé de la fin des vacances. Retour au plus intime des vallées de montagne, descendre des sommets qui pensent déjà au blanc ou comment le grand monde agit sur le petit, les temps et les espaces, emmêlés, embrouillés, sans vraiment qu’on sache dire si ceci ou cela entraîne cet effet-là ou cette conséquence-ci. Retour aux sources aussi pour nos oreilles fourbues, revenir au silence, au goutte à goutte du lent après le grand tumulte des rires et de tous leurs éclats. On redécouvre un monde qui était juste là, en regardant moins loin, en regardant plus près et d’un œil différent, le bourgeon déjà prêt pour le printemps suivant quand la feuille fait automne, se brunit et se tache. Les nuages nous ramènent à penser plus petit, à changer de focale du grand angle au macro. De la forêt aux arbres, des feuilles à leurs nervures, repenser au plus près, au détail, au précis. Changer de curiosité. De l’espace au pays, à la ville, à l’immeuble puis à l’appartement, à la table de travail et aux papiers posés, comme une espèce d’espace qu’on lirait à l’envers

Au lecteur inconnu

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Tourbière des Saisies, Beaufortain, août 2023

Le passant inconnu qui passerait, trop rêveur et reclus dans sa tête, penserait vite que l’arbre est juste un arbre mort. Ne voir que les branches pâles, mélancoliques et nues quand les autres sont couvertes de vert et puis de feuilles, ne voir que le sec décharné du squelette en arêtes saillantes serait se contenter de l’extérieur des choses. Un souffle de passage, une plainte sans griefs. Ce serait ne se fier qu’aux seules apparences. Plus de sève, plus d’écorce, une ombre un peu plus mince étendue sur le sol. Mais tout ce qui demeure de l’arbre réduit en bois, d’autres s’en empareront pour en faire leur domaine, leur royaume bien à eux. Commencer par le haut, par exemple les oiseaux. Perchoir, nichoir, reposoir. Et les insectes aussi. Ceux qu’on attendrait là et puis les insolites qu’on attendrait ailleurs, il y aurait de la place pour tous ceux qui viendraient un moment tranquillement tirer les fibres de l’arbre comme on tourne les pages d’un bouquin déniché au milieu d’un tas d’autres qui ne lui ressemblent pas. Un livre qui serait écrit pour d’autres lecteurs que nous ou bien d’un autre temps ou bien d’un autre vent. Avec une autre idée de ce que les choses doivent être et puis de ce qu’elles sont. Soit des idées d’hier ou des idées d’ailleurs ou des idées bizarres, des idées d’apparences. Des idées qu’on ne met pas dans une lettre qu’on écrit à quelqu’un qu’on connait, à qui on dit tout bas que ce qu’on a en commun c’est important pour nous, que ça nous tient ensemble et que ça nous tient chaud. Du lecteur inconnu on a aucune idée de ce qui lui tient chaud. Nécessité, caprice, envie ou bien besoin, on ne serait pas d’accord sur beaucoup de ces choses, de l’incompréhension ou des mal entendus on en aurait sûrement, parfois plus parfois trop, ce serait la faute aux mots quand même aussi un peu, eux qui disent l’arbre mort quand y piaillent les oiseaux. Mais il y aurait peut-être un nuage de commun, ou plus sombre ou plus blanc, sur lequel en fin de compte, certains pourraient s’asseoir. Pari toujours osé de la publication, d’écrire une lettre trop longue destinée à quelqu’un que l’on ne connait pas

Merci à Antonin Crenn pour l’idée de la chute !