Tous les articles par Juliette Derimay

De l’autre côté de la glace

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Cornillon, Beaufortain, décembre 2023

Transparente, invisible et tangible, vulnérable et éternelle. Ici, la glace est saisonnière. Elle est venue se poser sur les ailes des fougères, installée tranquillement sur la surface d’une flaque, à la faveur d’une pluie, du plus froid, du plus chaud, de la neige transformée. Entre gel et dégel, elle oscille et hésite du liquide au solide. Elle fait des vagues, des plis et des drapés savants en souvenir de la nuit, de son froid qui la fige, qui empêche le mouvement. Une vitre qui protège le dehors du dedans, le dedans du dehors. Qui empêche de toucher, de sentir les odeurs, mais n’empêche pas les yeux de passer la frontière d’aller voir chez les autres, pour un petit coup d’œil, indiscret à souhait. Coup d’œil un peu spécial, le regard est dévié, il ondule et se perd à travers la surface qui refuse le trop plat, le banal, l’insipide. La surface est joueuse, elle se sait éphémère, se moque des conséquences et les fougères se plient aux caprices du génie échappé de la lampe, au passage du miroir, voire à une longue glissade dans un terrier sans fin. Voir les fougères danser, étreindre les longues herbes, taquiner les aiguilles d’une branche de sapin, c’est se permettre enfin un petit pas de côté, se dire que l’on pourrait juste en tendant la main, toucher le bleu du ciel, attraper les nuages, les croquer à pleines dents comme une barbe à papa, s’évader en enfant qui est vraiment pirate et hurler à la lune comme ferait un prisonnier qui ne sort que le jour dans la cour des promenades jusqu’à en oublier que les étoiles existent

Avec Antonin Charbouillot, https://antonincharbouillot.com

Archives de la planète : le remorqueur

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.

D128. Image stéréoscopique, au large du port de New-York, un remorqueur, 21/11/1908.
Le musée départemental Albert-Kahn conserve les Archives de la Planète, un ensemble d'images fixes et animées, réalisé au début du XXe siècle, consacré à la diversité des peuples et des cultures.
Et c'est d'une richesse fantastique !

L’histoire du remorqueur s’étale sur deux images. Non pas une seule photo comme pour les autochromes, mais deux, en stéréoscopie : deux yeux, comme deux oreilles, stéréo tout autant. Pareil pour les narines, les mains, les pieds, les genoux et tout un tas d’autres choses. Symétrie et miroir, des choses qui vont par paire. Comme dans ces deux photos, celle de droite, celle de gauche, photos en noir et blanc, partir et revenir, ici et puis là-bas, devant et derrière, dedans et hors du champ de la photographie

Sur l’image de là-bas, les marins sont dedans. On ne voit personne dehors, et pourtant ils sont là puisque le bateau avance en laissant, bien visibles, un sillage sur la mer et de la fumée dans le ciel. Ils sont à la passerelle, au repos dans le carré ou bien à la machine comme tu étais toi-même, en haut à la passerelle, au repos dans le carré ou bien à la machine, dans les ports par ici, à Saint-Malo, au Havre, et même presque à Saint-Pierre. À Saint-Pierre, tu aurais eu encore plus de brume que sur la photo de New-York, autant de brume que sur les bancs, à la grande pêche à Terre-Neuve. Brume et brouillards des bancs, nuages gluants, rampants, sans hauteur, sans légèreté. Du fantôme malveillant, poisseux et détestable. Le brouillard de New-York, en novembre 1908, tu l’imagines aussi tout gluant et rampant, mais en plus, tu le sens sale. Sordide, crasseux, crado. Crachats d’usines et de cheminées, des rots de mégapole, haleine chargée, fétide, effluve de trop grande ville. On ne voit pas la ville mais tu sens son odeur.

À voir toutes ces fumées, tu sais ce sentiment de vouloir quitter le brouillard et de laisser flotter, au milieu de tes idées, la toute prochaine escale ou bien le port d’attache du bateau que tu as mené vers le grand large, ce bateau que tu remorques comme on donnerait la main à un enfant pataud qui ne saurait pas encore se déplacer tout seul. Des noms de ports exotiques, de ceux qui font rêver et choisir ce métier, des ports loin et très loin, dans un autre pays, dans un autre hémisphère, une autre dimension, dans les anciens grimoires des romans d’aventure. Des ports écrits en noir sur une carte plus bleue. Valparaiso, Shangaï, Calcutta, ou Tanger, Pondichéry, Vladivostok, Hambourg, et tous les autres. Destinations absentes des cartes du bateau, quand toutes les cartes du bord commencent par abords. Les abords des grands ports comme voyages avortés. Destinations lointaines perdues dans la fumée, quelle que soit cette fumée, des vapeurs du charbon, comme celles du diesel.

Le brouillard et les cartes ça reste le problème de ceux de la passerelle. À l’étage d’en dessous, ça sent déjà la soupe, un peu aussi l’huile chaude parce qu’est restée ouverte la porte de la descente pour aller aux machines. Les odeurs se mélangent, elles font une signature qui marque chaque bateau, chacun des équipages des remorqueurs du port. Les bottes des matelots, les vestes mouillées qui sèchent, la cuisine épicée ou plus traditionnelle de chacun des cuistots.

Après l’étage d’en dessous, tu ne voudras plus descendre, la machine c’est l’enfer, tu protèges tes oreilles. Comment on faisait avant pour se garder du bruit, des bouloches de coton ? ou d’autres trucs de grand-mère ? Ou ils étaient juste sourds et puis c’était comme ça, rien de plus à en dire, conséquences regrettables de ces belles industries qui donnent du travail alors on ne se plaint pas. Quand on voulait parler, même en hurlant très fort, on ne s’entendait pas. On se faisait des signes, on se touchait l’épaule, on parlait en mimant, en faisant les gestes dans l’air. On parlait sans les mots. D’ailleurs on continue à se parler par les mains dès qu’on est aux machines. 

Tu les vois sans les voir, les absents du bateau, tu les sens qui sont là dans la marche en avant, dans le sillage sur l’eau, la fumée dans les airs, tes semblables, tes frères qui font le métier de la mer. Et tu es un peu triste que cet opérateur, pourtant chauffeur lui-même ait choisi de les montrer rentrant sagement au port et encore plus qu’il ait choisi pour la photo un point de vue élevé qui les regarde de haut, les absents du bateau, de ces petits rats des bassins qui tournent et qui virevoltent sur le parquet salé

Texte écrit lors de l’atelier d’écriture organisé par l’association Lectures plurielles avec Hélène Gaudy, le 9 décembre 2023, Villa Caramagne, Chambéry
Pour une balade dans les Archives de la planète : https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr. Et pour ceux qui le peuvent, une visite à ne pas manquer !

20231205

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Devenant mitigé. Les chutes de neige de la nuit, au-dessus de 700/900 mètres, s’évacuent en bonne partie par l’Italie en milieu de matinée. Place à un temps changeant à l’arrière : entre éclaircies (franches en plaines) et paquets nuageux (nombreux sur les massifs) donnant de bien rares et faibles giboulées de neige résiduelles en montagne. Elles cessent totalement le soir.
Températures minimales comprises entre +1 et +5 degrés.
Températures maximales comprises entre +5 et +9 degrés.
Isotherme 0° vers 1200 puis 800 mètres.
Vent faible à modéré de Sud-Ouest puis Nord-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Il neige. Il neige en blanc sur blanc, de gros flocons bien denses, épais et sûrs d’eux-mêmes, de leur état solide, du solide floconneux, de la neige à boules de neige. De la neige qu’on compacte à chacun de nos pas, qui grince comme si nous-mêmes étions de lourdes machines, de ces presses hydrauliques à odeur de graisse chaude. À chacun de nos pas, on écrase, on détruit, un moelleux de nuage, on passe du léger que chaque souffle entraîne, où il veut, quand il veut, au dur et au serré, de cet épais qui forme les parois des igloos, qui se transforme en glace, translucide et vivante, capable d’inventer elle-même son propre bleu. On perd le doux flocon et ses branches en étoiles, sa blancheur de papier, et sa manière à lui de dire le haut du bas, le dessous du dessus par le noir et le blanc quand il se pose, oiseau, sur les branches des arbres. Du noir et blanc, beaucoup, de la couleur, encore, un reste de feu d’automne, des feuilles restées fidèles, attachées à leur arbre, un bouleau à tronc blanc, clin d’œil au blanc sur noir pour quelque temps encore, un rappel d’il y a peu, rappel d’avant le blanc, un bout de transition rattrapé par le temps qui nous redit qu’on peut, en y regardant bien, lire la saison qu’il fait dans la couleur des feuilles comme chez Baudelaire on lit que les Chinois voient l’heure dans l’œil des chats, mais qu’on y trouve aussi l’heure de l’éternité

Charles Baudelaire, L’horloge, Le Spleen de Paris

20231125

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Hivernal. Massifs souvent accrochés, avec quelques éclaircies mais aussi de petites giboulées de neige faibles et intermittentes (les accalmies prédominent) dès 300/500 mètres. Les reliefs haut-savoyards sont plus durablement accrochés. En plaine et basses vallées le temps est souvent sec, les éclaircies l’emportent sur les quelques bancs nuageux.
Cumul de neige depuis vendredi soir :


  • en Haute-Savoie : traces à 3 cm vers 700 mètres, 10 à 20 cm au-dessus de 1500 mètres.
  • en Nord-Savoie et Ouest-Savoie+Chartreuse : traces à 2 cm vers 700 mètres, 5 à 10 cm au-dessus de 1500 mètres.
  • ailleurs plus au Sud : traces tout au plus vers 1000 mètres, 1 à 3 cm au-dessus de 1500 mètres.
    Températures minimales comprises entre +1 et +3 degrés.
    Températures maximales comprises entre +4 et +6 degrés.
Isotherme 0° vers 700 mètres.
Vent modéré de Nord, sensible en haute-altitude.

Prévisions Météo Alpes

Des giboulées de neige jusque presque dans la plaine. Hivernal pour de vrai quand le blanc se dépose, saupoudre la terre sombre, les feuilles mortes de l’automne. Premières neiges de l’année pour ceux qui vivent en bas, de quoi se rappeler tous les hivers passés, les regarder tomber, ces morceaux de nuages, tranquilles et décidés qui nous rassurent un peu sur les saisons qui passent. Juste une première marche, ensuite monte l’escalier au grenier des souvenirs et dans nos réflexions de quoi nous occuper tout le reste du jour, comme un brin d’herbe sèche à mâcher pour la route, comme un vers de Baudelaire calé dans le coin de la tête pour la journée qui vient

20231122

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Mitigé. Hormis sur le Sud-Est du département : les nuages traînent durablement en Isère avec encore quelques flocons qui virevoltent dès 1000/1200 mètres en Vercors/Chartreuse.
Le reste de la région est coupée en deux le matin : un soleil qui domine en massifs et vallées internes, malgré quelques bancs nuageux, tandis que des grisailles traînent à l’Ouest en plaines et basses-vallées. Elles se morcellent l’après-midi.
Températures minimales comprises entre +3 et +7 degrés.
Températures maximales comprises entre +9 et +12 degrés.
Isotherme 0° vers 1500 puis 2000 mètres.
Vent modéré de Nord-Est, bise sensible sur l’Ouest de la région.
Prévisions Météo Alpes

Temps mitigé, un peu d’hiver, un peu d’automne, un peu de beau, un peu de gris, presque des averses. Saison de transition, de couleurs qui se suivent en dégradés subtils, du vert et puis du jaune en passant un peu vite par le souvenir tendre des couleurs du printemps pour arriver au roux et parfois jusqu’au rouge. La couleur dit de loin les arbres par famille quand la forme des feuilles se noie dans la distance jusqu’au diable vauvert. Transition des couleurs, ça se fait par variété, passer de l’une à l’autre, ça ne tient qu’à un fil, un fil de trop de froid qui tomberait dans le gel, un fil de trop de vent qui ferait tomber les feuilles, un fil de nous humains qui n’avons même pas vu que c’est déjà fini et que les couleurs chaudes ont laissé place au froid, quand il ne reste plus qu’une ou deux feuilles séchées dans les pages d’un herbier, ces livres de feuilles d’arbres, objets autant que sujets, sans grammaire ni syntaxe, la chose pour elle-même, un rêve de juriste, un cauchemar de poète, quand la feuille est juste feuille

20231108

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Grand ciel bleu. Conditions pleinement ensoleillées pour tout le monde du matin au soir. Tout au plus de rares brumes à l’aube, où les gelées sont quasi-généralisées.
Températures minimales comprises entre -1 et +2 degrés.
Températures maximales comprises entre +11 et +13 degrés.
Isotherme 0° vers 1700 puis 2400 mètres.
Vent très faible de Sud-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Grand ciel bleu. Grand beau, grand ciel bleu, voire grand bleu tout court quand on scrute l’océan. Pas de petit ciel bleu ni de tout petit beau. On a bien des grands vents qui déracinent des arbres, des petits vents douillets qui rafraîchissent doucement l’atmosphère délicate des longues soirées d’été ; des grands froids sibériens qui vous glacent les os et des petits froids secs, bien moins désagréables que les petites pluies fines ; encore de grands soleils qui vous donnent des sourires jusqu’en haut des oreilles quand on est à la mer et que c’est les vacances, puis des petits soleils voilés de brumes d’automne qui sentent le timide tout autant que l’humide. Bien souvent on oscille, entre petit et grand, heureux ou malheureux, entre zéro et un ou encore droite et gauche. C’est peut-être un effet de notre symétrie, du fait d’avoir deux bras avec au bout deux mains, deux yeux et deux oreilles pour regarder le ciel et entendre les vagues. Nous si souvent binaires, anges autant que démons au milieu de nos naufrages, n’avons pour dire le bleu, du ciel comme de la mer, que du grand et du beau

20231101

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Averses en fin de journée. Les derniers moments de soleil qui résistent à l’aube sur le Nord de la région s’effacent vite devant l’arrivée d’une élevée mais épaisse couverture nuageuse par le Sud. Elle s’abaisse un peu dès la mi-journée, des averses démarrent côté Isère. Elles viennent toucher l’Ouest de la région (plaine et Préalpes) en milieu d’après-midi puis se décalent vers l’Est en fin de journée, tout le monde aura alors été concerné. Retour au sec partout en soirée.
Limite pluie-neige vers 1700/1900 mètres au gré des intensités (3 à 5 cm supplémentaires au-dessus de 2300 mètres environ).
Températures minimales comprises entre +1 et +6 degrés.
Températures maximales comprises entre +13 et +15 degrés.
Isotherme 0° vers 2900 puis 2400 mètres.
Vent modéré puis localement sensible de Sud avec des rafales de foehn.
Prévisions Météo Alpes

Les derniers moments de soleil s’effacent vite. Alors, vite, en profiter. Ne pas en profiter comme on profite d’une chose, de quelqu’un, de sa naïveté, de son innocence. Profiter comme on savoure, sans dommage pour personne. Profiter de la lumière. La siroter, la déguster, s’en délecter. Elle qu’on apprécie mal jusqu’à ce qu’elle soit absente, jusqu’à ce qu’elle nous manque. Alors, profiter du soleil avant le vent et la pluie, tout comme un champignon, juste laisser la lumière se poser sur nos têtes, faire briller nos chapeaux, détailler nos lamelles, traverser nos pensées. Pour une fois pas de débat, pas de grande réflexion, prendre tous les rayons qui viennent se poser là, juste à cet endroit-là. Le soleil va tourner, les nuages arriver, le temps se dérouler. Pour l’instant il est là, juste dans la lumière. Sous le soleil, exactement. Peut-être même qu’il sourit, visage vers la lumière, le champignon sur son tronc. Se savoir éphémère sans que cette pensée ne puisse ternir l’instant

Automne beaufortain

En commun, dialogue d'affinités entre images et textes.
Ici, avec Sigrid Pelisset

Ce serait plus un sourire qu’un de ces rires d’été, frivoles et pétillants. Un moment plus profond, quelque chose de durable, de calme et de serein. Du beau, pas juste du joli qu’on oublie aussitôt.
Quelques grains d’ironie, presque, dans ce soleil du soir qui souffle sur les flammes, les couleurs chaudes des feuilles à l’heure où le froid tombe. À l’heure où on farfouille dans le fond du placard pour retrouver ce pull dans lequel se blottir, où on choisit la laine plutôt que le coton.
Les nuages somnolents resteront accrochés aux reliefs des vallées, ils serviront d’écharpes aux grands arbres dépouillés de leurs habits d’été, serviront de cachette à ceux qui vivent là, serviront le mystère de ce qu’il y a derrière.
Alors, s’offrir une promenade sous les arbres. Les pieds qui brassent les feuilles, le nez affriolé par les odeurs d’humus, d’humide, de champignons, les yeux qui se reposent sur le velours d’un cèpe, le jaune vif d’une girolle, le brillant d’une châtaigne. Et juste profiter de la lumière dans les arbres, qui se teinte de jaune, d’orangé, ou de bruns, tous les bruns de la terre, terre de Sienne, ocre d’or, tourbe, cuivre, sépia ou terre d’ombres brulées. Couleurs des feuilles mortes qui peuvent faire à elles seules, un arc-en-ciel entier.
Alors juste sourire à l’éclaircie qui pose son doigt sur l’important, sur la beauté du dehors

Pour retrouver les images de Sigrid, c’est ici : http://www.sigridphotographies.fr

20231024

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Agité. Les fortes pluies de la nuit en Nord-Isère gagnent nos plaines et Préalpes dès le début de journée, puis elles se décalent vers l’Est au fil de la matinée et faiblissent un peu en mi-journée en touchant la Haute-Tarentaise tandis que le soleil revient déjà proche de l’Ain. En après-midi la perturbation évacue nos hauts-massifs, et les éclaircies tendent à se généraliser avec tout au plus de petites averses résiduelles.
Limite pluie-neige vers 2700 puis 2300/2400 mètres voire 2000/2100 mètres sous les plus fortes intensités. On attend, d’Est en Ouest, 15 à 30 cm de neige au-dessus de 3000 mètres et 5 à 15 cm vers 2600 mètres.
Températures minimales comprises entre +9 et +12 degrés.
Températures maximales comprises entre +14 et +17 degrés.
Isotherme 0° vers 3000 puis 2600 mètres.
Vent encoure soutenu de Sud-Ouest en début de journée puis de plus en plus faible.
Prévisions Météo Alpes

Fortes pluies. Grosses gouttes joufflues, arrondies, rebondies, qui roulent, s’enroulent et se déroulent, se retrouvent en rigoles, en ruisselets, en ruisseaux comme on roulerait un r. Avantage net au rond, bien loin devant le long quand il s’agit de flot. Toujours le rond qui roule, qui s’échappe et s’enfuit, qui prend la clé des champs, qui se cache et se niche, qui se divise encore pour se multiplier, mais tout en restant rond, c’est bien là son secret. De grosses gouttes en petites gouttes, gouttelettes ou même vapeur, elles peuvent se réunir pour fusionner en eau, processus réversible quand vient l’heure des embruns et autres éclaboussures ou poussières de gouttelettes, pour les voir repartir et dévaler les pentes, sans répit vers de la mer, la mer qui est ronde, en écho à nos rondes et à nos jeux d’enfants qui nous roulent, nous enroulent dans le ressac des vagues de cette mer qui, toujours, sera notre maîtresse

Les autochromes d’Albert Kahn

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine, octobre 2023

Le musée Albert Kahn est au bout de la ligne de métro et c’est déjà un signe : au-delà de la dernière station, commence un autre monde. L’entrée est facile à trouver : vigile en uniforme, fouille, détecteur, piqure d’actualité. Et puis, une fois passée l’entrée, piqure de monde. À commencer par l’architecture, mélange d’espace et de temps, bâtiment moderne qui japonise dès la sortie du métro juste à côté des murs de briques pour accueillir les « Archives de la Planète » et les jardins qui les complètent. L’exposition permanente, ce sont les autochromes, tout un mur de ces images, uniques par nature, un mille-feuille de verre, émulsion sensible à la lumière, fécule de pomme de terre colorée de vert, violet et orangé, vernis, mais surtout, une couche de génie, celui des frères Lumière, qui ont mis au point le procédé, il y a cent vingt ans. Les murs sont noirs, juste percés par la lumière des autochromes. Portraits, paysages, constructions, groupes qui posent en habits traditionnels, des ruines et des soldats aussi puisque les images ont été faites entre 1909 et 1931. Des rues, des maisons, des bâtiments isolés, monuments, mosquées, temples, églises, ponts, familles ou groupes d’humains dont on ne saura rien d’autre que cette image en couleurs, un regard, une attitude, une façon de poser, de se poser où on est, pour beaucoup sûrement, où on est né. Inventaire émouvant, ne garder qu’une image, une seule image unique d’un temps, d’un espace, d’une histoire éteinte, passée dans la lumière immobile des quelques secondes du temps de pose, et retenus dans la lumière immobile sur les murs de cette chambre noire. Ici, les gens parlent à voix basse, émotion et respect. Le nombre, le sombre, le projet impressionne, Archives de la Planète, inventaire et invention mêlé•e•s, permettre à tous de voir, et un peu de savoir, là où leurs yeux à eux, n’iraient jamais y voir, là où nos yeux à nous n’iront jamais y voir. Restent les autochromes, pour que ce monde des autres devienne un peu le nôtre

Codicille :
C’est arrivé comme un alignement. Le bon endroit, le bon moment, les liens qui vont si bien ensemble et qui pointent tous ensemble vers ce qui touche au cœur. Merci à François Bon et Hélène Gaudy pour les rencontres, à D. pour la bonne idée et à C. pour la visite partagée