Papier

 

Brouillon de début de réflexion sur le papier, écrit sur un clavier, lu sur un écran.

Pour moi il y a plusieurs sortes de papier. Papiers à lire, papiers à écrire, papiers d’art, et puis les papiers obligés : factures, papiers d’identité, relevés divers, enveloppes, emballages…. Pour le vrai papier, ça commence comme une recette de soupe. Eau et plantes. Même quand on y met des chiffons, ils sont de coton ou de lin. Ensuite, comme pour la soupe, on peut rajouter d’autres ingrédients pour la couleur, la texture, la conservation… Mais très vite, la recette diffère de celle du potage : le papier doit chasser l’eau pour être du papier. Après séchage, le divorce est total, papier et eau deviennent ennemis mortels. Liens aussi forts et pas moins compliqués qu’entre le papier et celui qui y pose des signes ou qui y pose ses yeux. Ou qui fait les deux en prenant des notes pour lui-même. Maintenant on peut lire et écrire, regarder des images ailleurs que sur du papier. Écrans et claviers pourraient avantageusement le remplacer.  Moins lourd, moins lent, moins fragile, moins figé…. Pourtant, parfois… Nostalgie ? Manque de capacités d’adaptation ? Confort des habitudes ?  Besoin de faire participer les doigts ? le toucher ? l’odeur ? le bruit ? la couleur ou la teinte ? le corps ? Une fois passé du liquide au solide, le papier devient une affaire de peau, la sienne et la nôtre. De contact, de toucher, de caresse, de sensualité. De sens dans tous les sens de sens. Le papier fait le lien entre le corps et le reste. Il permet le passage des idées, d’une pensée à une autre, de l’invisible au visible. Et inversement. Mais il n’est pas un passeur neutre, il influence, oriente, biaise, va chercher la grand-mère derrière le vieux bouquin, le grenier derrière l’odeur de poussière, le papier brillant pour les magazines glacés, l’écolière derrière le papier « C à grain », le papier fin pour rapprocher la bible et la Pléiade. Papier d’emballage pour idées ? On le voit différemment s’il s’agit de lui confier quelque chose en y déposant de l’encre, s’il nous propose quelque chose par la lecture, exposé sur un mur, ou plié à la va-vite et glissé dans une poche qui lui donnera sa couleur, son odeur et qui confirmera ses plis jusqu’à la déchirure.

Le papier est un passeur.

Jusqu’au retour à la soupe originelle, quand la boulette mâchée termine dans le tuyau du Bic avant d’aller s’écraser sur le mur de la salle de classe ou quand retombe le couvercle du bac de recyclage.

Lire l’article publié sur le site Tiers Livre ici.

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