Shishaldin

En commun, dialogue d'affinités entre images et textes.
Ici, avec Antonin Charbouillot

On pourrait presque penser à deux images disjointes, celle du bas, celle du haut, séparées par une bande de nuages en colère, en amas compacté, repoussant et opaque. Comme ces bordures d’avant sur les clichés sépia, savamment détaillées pour nous faire penser au papier déchiré. Aussi à cause du blanc, un peu sale, un peu gris comme pour bien souligner la carrure du nuage. En bas, une discrète ligne de terre et puis beaucoup de mer. Partie haute de l’image, il trône, hautain dans ses vapeurs, son cône d’un beau gris sombre presque aristocratique, drapé d’inaccessible, installé sur son lit comme cette estampe lointaine, il pourrait faire penser au volcan aux cent vues. C’est un volcan aussi et sur une île aussi. Pourtant on est bien loin d’un lieu de pèlerinage aussi bien touristique que spirituel. Au pied du Shishaldin, on est en Alaska. Lui aussi par sa forme, sa prestance, sa présence, et son activité, il reste pour tous ceux qui s’aventurent par-là, accroché pour toujours dans un coin des caboches, comme point de repère, comme figure légendaire ou comme monstre endormi. Aujourd’hui il est gris, un peu sombre et lointain, élégance distinguée. La neige est moins fringante dans la lumière du soir et son trait de fumée sera vite avalé par les nuages du haut. Il est là pour rappeler que la peau de la terre est par endroits très fine, si fine que parfois elle laisse s’échapper le feu et la furie venus de son noyau, que ses démangeaisons sont des tremblements de terre et que les forces en jeu nous sont inaccessibles. Alors quand on est là au fond d’un canoë, à quelques millimètres de la mer de Béring, on se sent grain de pollen dans la fourrure épaisse d’un farouche grizzli, on voudrait simplement passer inaperçu au voisinage du monstre, et puis laisser nos yeux juste à cet endroit-là, juste dans ce cadre-là avec le volcan, la mer et les nuages, le plat et le pointu. Surtout se rappeler que la phrase est jolie quand les mots vont ensemble même si séparément ces mots n’ont revêtu ni dorures ni soieries

Et pour continuer le voyage aux côtés d’Antonin : https://antonincharbouillot.com

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6 réflexions sur « Shishaldin »

    1. Oui, j’aime beaucoup les photos d’Antonin en général, mais celle-là a vraiment quelque chose qui me met dans un état spécial, m’emmène un peu là-bas et me fait rester sur l’image, rentrer à l’intérieur pour une nouvelle histoire à chaque fois

  1. Quand les mots jaillissent ils ont une telle force dans leur pouvoir évocateur qu’ils sont comme une baguette magique. ils renforcent, mettent en exergue la beauté ou la noirceur selon le cas. Subtilement ils complètent avec douceur ou intensité une image qui sans le manteau des mots serait figée.
    C’est une fois encore le cas avec ce collier de mots ils donnent un côté nacré une petite lueur au fond de notre cœur et chatouillent nos iris.
    La nature est belle.
    Merci Juliette de nous le rappeler avec ce texte qui complète de très belle manière la photo d’Antonin Charbouillot.

    1. Merci pour ta lecture et tes mots Sylvie, tes retours font toujours partie de ceux qui font reverdir mon envie d’écrire !
      Et un petit coup d’œil chez Antonin, son travail devrait te plaire 😉

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