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Shetland #06 | Mardi 30 avril 2024

Lerwick – Toft ferry terminal sur Mainland – Ulsta ferry terminal sur Yell – Gutcher ferry terminal sur Yell – Belmont ferry terminal sur Unst – Loch of Snarravoe – Loch of Watlee – Baltasound – Haroldswick – Hermaness National Nature Reserve – Muckle Flugga – Belmont ferry terminal – Gutcher ferry terminal – Ulsta ferry terminal – Sellafirth The Shetland Gallery – Toft ferry terminal – Lerwick

Carnet du voyage aux Shetland de S et N

Hier c’était balade dans un autre archipel, et aujourd’hui aussi. Reprendre la route d’hier, monter droit vers le nord jusqu’au terminal des ferries de Toft et embarquer pour Yell qui ne sera cette fois qu’une étape. Yell est un peu le saut du milieu du triple saut, le passage obligé pour arriver à Unst, destination du jour. Des îles en pointillés, des petits cailloux posés au milieu de la mer pour qu’on puisse traverser le torrent-océan sans trop se mouiller les pieds. Alors traverser cette étape sans trop perdre de temps, sans prendre trop le temps comme c’était le cas hier, le jour de la découverte, on reconnait des endroits, des points particuliers. Aujourd’hui, on ne fait que passer pour arriver à Gutcher ferry terminal, au nord-est, disons, en haut du nez du dragon qui regarde vers la Norvège en soufflant un nuage si dense qu’il serait devenu l’ile de Fetlar. La traversée entre Yell et Unst ne dure pas très longtemps, juste le temps de savourer ce petit morceau de mer entre deux îles, les mouvements du bateau, l’ambiance du voyage, les bruits, les odeurs, ou juste le temps de se rappeler qu’Unst est l’île la plus au nord des îles britanniques et aussi le point le plus proche de la Scandinavie, point de débarquement le plus évident pour les Vikings venus de Norvège comme en témoignent les vestiges d’une soixantaine d’habitations vikings retrouvées sur l’île. Une étonnante concentration de maisons longues, de vestiges vikings ruraux, la plus importante même retrouvée jusqu’à maintenant. Fouilles archéologiques, études, préservation et présentation au public avec une maison longue accessible toute l’année depuis le bord de la route aux environs d’Haroldswick, juste à côté d’une réplique de bateau viking à la proue et à la poupe relevée et sculptée d’une figure menaçante, le Skidbladner (une réplique du Gokstad). Les deux monuments sont simplement posés sur le vert de l’herbe entre le gris de la route et le bleu de la mer, protégés des envies de visite trop urgentes depuis la route par quelques piquets et des cordes tendues. C’est un point de départ, un rappel, un appel à se documenter davantage à chercher plus profondément et plus sérieusement de quoi en savoir davantage sur le passé de cette île tiraillée, sûrement encore plus que les autres, entre la culture des Scandinaves du nord et celle des Britanniques du sud.

Sur la route avant d’arriver à Haroldswick depuis le débarcadère de Belmont, on rencontre beaucoup d’herbe et des parcs à moutons avec leurs clôtures de pierres. Entre le muret trop bas et le mur trop haut, il manque le mot parfait pour cette hauteur-là, celle qui empêche les moutons de passer mais permet aux humains de regarder par-dessus pour voir ce qu’il se passe dans le champ d’à côté. Aussi de nombreux lochs, étendues d’eau au milieu de cette île, elle-même posée sur l’eau. Comme si l’île prenait l’eau, comme une planche abimée qui flotterait encore mais laisserait voir la mer par ses multiples brèches. Ou ce serait une bâche qui retiendrait l’eau de pluie dans des flaques plus ou moins étendues. Plus sûrement des rêveries pendant le trajet quand on attend d’être enfin arrivés à l’endroit convoité.

Aujourd’hui, l’endroit convoité est tout au nord de Unst, la réserve d’Hermaness juste après Burrafirth. Sur la carte la profonde baie, presque fjord, de Burrafirth est quasiment reliée au Loch of Cliff tant les deux étendues bleues semblent proches. Une fois passé entre les deux, la baie s’ouvre sur la droite et sur le large : plus aucune terre dans cette direction jusqu’au Svalbard, presque au pôle Nord, à quelques degrés près. Unst est au nord de l’archipel, le sentiment à la fois d’un début et d’une fin. Une fin pour les oiseaux qui viennent nicher là et un début pour les poussins qui casseront leur coquille là-haut sur ces falaises ou bien dans les terriers avec vue sur la mer.

Hermaness National Nature Reserve est une réserve très importante pour les oiseaux marins, réserve nationale d’importance internationale, même si pour les oiseaux, les frontières n’ont aucune importance. Ils sont jusqu’à 100 000 à fréquenter le site en été, la plupart pour y nicher et élever les petits. Plusieurs sentiers ont été aménagés, recouverts de graviers ou équipés de passerelles de bois dans les passages trop bourbeux pour éviter que la terre ne soit tassée aux endroits où les macareux creuseront leur terrier, les herbes, couchées par trop de pieds, mais surtout, pour empêcher que les oiseaux ne soient dérangés. Pour de nombreuses espèces, la reproduction est un enjeu majeur de la survie de l’espèce, les macareux, pas si nombreux et surtout les fous de Bassan décimés par la dernière grippe aviaire au point d’avoir fait apparaître des changements importants chez les individus ayant survécu, puisque certains ont désormais l’iris noir et non plus de l’habituel bleu pâle. Les fous de Bassan nichent sur les falaises, sur les rochers abrupts et autres endroits tranquilles, donc souvent inaccessibles, qu’ils s’approprient, peuplent de nids très rapprochés et cette promiscuité aidant, l’endroit est rapidement peint en blanc par leurs plumages immaculés, à peine rehaussé par le noir au bout de leur queue et de leurs ailes, le jaune de leur tête, les traits noirs qui soulignent leur œil et leur long bec effilé.

L’endroit va également offrir un lieu de nidification et de repos à bien d’autres espèces d’oiseaux, pour la plupart marins tels que grand labbes, fulmars, cormorans ou guillemots. À l’intérieur des terres, viennent également nicher des échassiers comme le pluvier doré, le bécasseau variable et la bécassine des marais.

Mais cette année, fin avril est encore un peu tôt pour les macareux, arrivés dans le sud de Mainland, mais pas encore ici, au nord de Unst. Pour nous, ce sera principalement des fous de Bassan, quelques grands labbes, assez rares en dehors de cette période de reproduction/nidification et des fulmars, ce qui suffit déjà largement pour admirer les vols au ras des vagues, les plongeons en piqué, les atterrissages en falaises, les interactions entre oiseaux qui se retrouvent au nid, sachant que le fou de Basssan est un oiseau fidèle qui revient chaque année sur le même nid et avec le ou la même partenaire.

Sans oublier la balade. Tout d’abord se rendre au sommet de la colline pour voir le paysage, se repérer avec, de l’autre côté de la baie, le dôme blanc de la Saxa Vord Radar Station, et au nord, Out Stack, les cailloux émergés les plus au nord des îles Britanniques, ainsi que Muckle Fugga et son phare. Un phare écossais de plus construit sous la direction de la famille Stevenson, et plus précisément pour celui-là, par Thomas et David Stevenson, respectivement père et oncle du Robert Louis Stevenson de l’île au trésor. D’ailleurs, comme le rapporte l’article du Northern Lighthouse Board relatif à ce phare :

It may be interesting to note that Robert Louis Stevenson, who was born in 1850, visited Muckle Flugga on 18 June 1869 with his father, Thomas Stevenson, Engineer to the Board and there is a school of thought that the Island of Unst influenced him in his writing of “Treasure Island”.

Un endroit que l’on mérite quand même sur ce chemin long, venteux et vallonné, même si très bien aménagé. Pas non plus trop de temps pour admirer les prouesses aériennes ou le comportement au nid des oiseaux de la réserve, Unst et Lerwick étant éloignés par deux ferries avec une île à traverser entre les deux… Le chemin en entier fait environ quatorze kilomètres, et avec le vent assez fort ce jour-là, nous avons vu l’arrivée sur le parking comme une bonne nouvelle. Sur ce trajet retour vers le camp de base de Lerwick, le temps quand même de faire une petite pose pour immortaliser l’arrêt de bus de Baltasound sur la route A968, entre Haroldswick et Belmont. Connu sous le nom de Bobby’s bus Shelter, l’abribus est aménagé, meublé et décoré par les usagers. Petits rideaux, canapé, télévision, coin lecture pour petits et grands et babioles diverses correspondant au thème choisi chaque année. L’abribus est tellement célèbre qu’il a un site internet et une page Wikipedia…

Ensuite, retour presque direct vers Lerwick, juste une halte à la galerie de peinture « The Shetland Gallery » à Sellafirth sur Yell. Aquarelles, fusains, peintures naïves, photos de loutres et d’oiseaux, ainsi qu’un peu d’artisanat local, une belle mise en avant de ce qui se crée sur ces îles.

Pour le reste du trajet retour jusqu’à Lerwick, une impression de quotidien, de connu, moins de découverte, laisser ses pensées s’éloigner, se prendre à repenser aux paysages de Unst, à envisager le programme du soir plutôt que de se consacrer à tout ce qui défile de chaque côté par les vitres de la voiture. 

Pour le repas de ce soir, direction le Fjarå cafe bar, un café avec une jolie vue sur la baie de Brewick, qui marque l’entrée sud dans le passage entre l’île de Mainland et celle de Bressay qui abrite le port et la ville, empêchant également par leur proximité que le vent et de trop grosses vagues ne puissent y arriver sans avoir rencontré auparavant des rochers qui auraient calmé leur trop grande fougue.