OLOÉ, une belle invention de l'autrice Anne Savelli, le petit nom qu'elle donne aux espaces élastiques Où Lire Où Écrire. Elle explique ça ici bien mieux que je ne le ferais.
Et chez les Enlivreurs, dans cette catégorie, longue liste en construction de quelques OLOÉs qui me font écrire ailleurs

C’est un OLOÉ vert dès la fin du printemps et pendant tous l’été, de feuilles mortes en automne. Un OLOÉ absent tout le gros de l’hiver. OLOÉ de temps qu’il fait. Aussi de temps qui passe.
C’est un OLOÉ simple. Une planche, deux belles bûches bien dodues et quatre longues vis, quelques cales pour faire plat sur le bord du chemin ou l’aplati est rare.
C’est un OLOÉ neuf que je laisse volontiers à sa destinataire, presque sa propriétaire. Un banc fait par un gendre pour sa belle-mère âgée qui se déplace courbée à vous faire mal au dos, à vous qui la regardez, un dos chargé d’années et de travaux trop bas, de choses lourdes à porter dans la tête comme dans le corps, qui laissent toujours des traces. Elle résiste au roulis appuyée droite et gauche sur deux bâtons de ski. Mais malgré les années, la promenade, c’est sacré, alors avec les bancs, celui-là et un autre, posé un peu plus haut, la promenade continue, pas à pas, pied à pied. Depuis qu’il y a le banc, d’autres l’ont adopté, et ce banc maintenant fait partie de nos vies. C’est presque un sacrilège quand un promeneur impie se gare juste devant gâchant pleinement la vue sur les grands arbres en face.
C’est l’OLOÉ parfait pour le milieu du matin quand le soleil chauffe le dos et garde la tête à l’ombre. Pas de dossier, pas de coussin, pas de courant pour charger le téléphone portable, et aucun éclairage, ni public ni privé pour le tard ou le tôt qu’on laisse donc sans regret aux oiseaux de la nuit. Un lieu de textes courts pour les pages pas trop longues qui tiennent sur une feuille d’arbre, un poème, une chronique, un article de blog, exercice d’atelier, une idée trop pressée de revêtir ses mots. Un lieu pas adapté pour un roman potelé plein de rebondissements qui a besoin de brouillons, de documentation, de longue concentration.
C’est un OLOÉ social où je suis rarement seule. Parfois passe une voiture, quelqu’un avec un chien, une promeneuse, un promeneur, le berger, une voisine, un voisin. Parfois on parle un peu, on commence par le temps, c’est toujours bien le temps pour commencer à dire. Quelques banalités et puis on dit au revoir et je reviens bien vite aux moutons de mes mots. Ça c’est pour les humains, mais même sans humains je n’y suis jamais seule. Un oiseau, un bruit d’eau, un insecte, un écureuil parfois, une salamandre peut-être, les jours d’après la pluie quand avant de commencer il faut essuyer le banc. Et ne pas oublier d’entendre ce que disent les arbres. Un peu de vent dans les feuilles la neige qui tombe d’une branche, une châtaigne ou un gland, un dialogue de feuilles, un merle qui grattouille ou un pic noir qui cogne. Ici toujours quelqu’un pour souffler une idée, alors je les laisse souffler et je déploie sur leur route mon grand filet à souffles