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Spectre

Nuages ou les yeux dans les cieux, pour préciser qu’ici on parlera de nuages, de ce qu’ils nous envoient, de ce qu’ils nous renvoient. Aussi de temps en temps, un peu d’Alfred Stieglitz, au fil des découvertes, parce que ses photos m’ont poussée jusqu’aux mots à regarder là haut 

Le spectre de la lumière blanche pourrait être le titre d’une histoire de fantôme, d’ectoplasme, de revenant. Mais non. Spectre dans ce cas-là est le mot utilisé par Isaac Newton pour décrire l’expérience par laquelle un fin rayon de soleil entre dans un prisme droit et ressort de l’autre face, mais tout décomposé pour offrir à la vue, bien rangées côte à côte, toutes les couleurs visibles par notre œil d’humain. Arc-en-ciel in vitro. Quant au choix du mot spectre, il dit l’incertitude des recherches alors en cours qui justifient l’usage du mot utilisé partout en ces temps des Lumières pour les illusions, les apparences immatérielles et tous les phénomènes optiques qu’on ne s’expliquait pas. Aujourd’hui, parler du spectre de la lumière blanche c’est parler de l’image colorée qu’on peut voir, la partie du spectre du rayonnement électromagnétique accessible à notre œil d’humain, spectre coincé entre l’infrarouge et l’ultraviolet. Ces rayonnements, qu’on les connaisse ou pas, qu’on se trompe sur leur compte ou qu’on ne sache pas encore ont toujours fait noircir des éléments chimiques, tels que les sels d’argent, sensibles à leur charme. Avec de temps en temps, une petite préférence pour une certaine couleur. Pour le bleu par exemple dans les émulsions chimiques utilisées au début du vingtième siècle en photographie. Résultat malheureux de cette préférence, sur une photo en noir et blanc, le bleu du sujet photographié finissait, sur l’image, bien plus clair que les autres couleurs, le bleu du ciel, pâle comme les nuages. Pas de contraste, pas d’image, ou au mieux pâlichonne, mollassonne et pas à la hauteur du douillet potelé des nuages comme sujets. D’où les déconvenues d’Alfred Stieglitz pour ses premiers essais de photos de nuages. Heureusement, la cuisine photographique a vite amélioré ses recettes et mieux équilibré le rendu des couleurs en valeurs claires et sombres, de façon plus conforme à ce que voit notre œil. Et permis à Alfred Stieglitz de rendre les nuages enfin photogéniques, même de fins nuages blancs sur un fond de ciel très bleu.
Pour ce qui est du spectre, on a gardé le même mot pour les deux champs d’études en pensant d’évidence, en haussant les épaules, parce qu’évidemment, il n’y a aucun risque que puissent se confondre les peurs surnaturelles et la sérieuse science. D’un côté on a spectre pour dire l’étalage d’une répartition, comme l’image colorée des sept de l’arc-en-ciel. Et de l’autre côté, du côté fantastique, l’autre spectre est resté pour tout ce qui fait peur sans avoir vraiment de forme ni de nom très précis, souvent c’est lumineux, ou disons plutôt pâle, aux contours irréels, et pas très rassurant.
Les pas très rassurants quand on parle de nuages, sont les nuages d’orages, sombres enclumes menaçantes, pleines d’éclairs et de pluies, de vents furieux aussi. Et les plus dangereux seront bien sûr les plus sombres. Quand le spectre pour sa part fera monter la peur à cause de sa pâleur. C’est sûrement pour ça que l’on n’entend jamais, même dans les châteaux abandonnés d’Écosse, des histoires de fantômes dont les héros, flottants, pâles et évanescents seraient des spectres de nuages

Attention

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Dans le mot attention, l’important est après, juste après les neuf lettres, dans la ponctuation. Du point qu’on y mettra, le sens en sera changé, du danger immédiat, façon alerte rouge, au nécessaire grand calme pour bien se concentrer. Le attention devant de quelqu’un qui cuisine et porte une grande plaque chaude ne se comprends qu’avec un point d’exclamation, il doit être suivi d’une action adaptée, un évitement souple, une artistique esquive. Mais pour l’autre attention, il nous faut la lenteur des points de suspension, surtout ne rien troubler, écouter, regarder, sentir ou bien goûter ou encore rechercher, doucement du bout des doigts, la petite cicatrice en haut de l’omoplate ou la poignée de la porte pour s’éclipser sans bruit. Il s’agira alors de mettre tout son cerveau dans un seul sens unique, l’empêcher de s’enfuir, ou même de s’enfouir, de jouer à l’autruche, de suivre les nuages, d’aller aux champignons quand on cherche l’oiseau. Cette deuxième acception du mot attention est une chose délicate, subtile et volatile. Trouver dans les feuilles vertes les plumes d’un oiseau ou entendre son chant au milieu des voitures qui ronflent et qui klaxonnent demande une vigilance, une concentration et une envie de voir qui accepte avec joie qu’on lui consacre du temps, qu’on le voit autrement, pourquoi pas noir et blanc. Le bourgeon nouveau-né qui se déplie et s’ouvre, tâte enfin de l’air libre, presque étonné lui-même de se voir enfin feuille, réclame lui aussi toute notre attention, autant que le lézard, immobile et patient, couleur pierre dans les pierres, il guette l’inattention de celle qui l’observe avec grande attention. Les mots, petits ou gros, devraient recevoir aussi toute notre attention quand il faut les écrire, les habiller de beau, orthographe et grammaire, tirés à quatre épingles, soigner leur voisinage pour un accord parfait, tout peaufiner chez eux, la forme autant que le fond sans négliger le son, passer et repasser en pleine concentration de celui qui va lire à celui qui écrit, offrir aux mots, enfin, toute notre attention, sans tension, sans attente, toute notre attention

20221013

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Mitigé. Le matin : temps bien ensoleillé mais de nombreux voiles nuageux élevés parcourent le ciel et altèrent l’impression de beau temps, tandis que des grisailles étendues traînent en Nord-Isère et jusqu’au Genevois. Les grisailles se dissipent en après-midi mais les nuages élevés restent présents, et surmontent des cumulus sur les reliefs. En fin de journée, quelques gouttes sont possibles en Préalpes ou Haute-Savoie.
Limite pluie-neige vers 2600 mètres.
Températures minimales comprises entre +8 et +12 degrés.
Températures maximales comprises entre +19 et +21 degrés.
Isotherme 0° vers 2900 mètres.
Vent faible à modéré de Sud-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Les grisailles se dissipent en après-midi. Grisailles. Couleurs grisâtres, ternes, un noir et blanc sans blancs ni noirs, sans force et sans contraste. Triste. Une image en couleur qu’on aurait transformée en noir et blanc pour la sauver de sa fadeur, des fois que … on sait jamais … des fois ça marche ? Hum, pas quand on essaye ça sans y avoir pensé avant. Le noir et blanc s’exprime dans une tout autre langue et tout ce qu’il nous dit, il le dit autrement, il souligne autre chose, nous installe sous les yeux ce que les couleurs cachent. Les textures, les formes, les peines d’un visage, les reliefs d’une montagne tout en creux et en bosses, en arêtes et en failles que l’ombre et la lumière viennent souligner en noir sur la neige si blanche. Le tirage porte en lui comme une saveur d’avant, profondeur argentique, souvenir des lumières rouges et des bains qui révèlent, qui fixent et puis qui rincent dans des odeurs d’acide et de produits chimiques. Odeurs qui nous offraient la magie des amours entre argent et lumière. Le noir et blanc va doucement fureter quelque part en nous-mêmes, vers d’autres procédés, loin, des choses numériques, ou simplement nous force à reconstruire les teintes, à refaire les couleurs de ce qu’on a sous les yeux, il nous bouscule toujours, il n’est jamais si simple. L’image en noir et blanc est une volonté dans un monde de couleurs, elle est une décision, elle change notre regard, notre façon de voir. Le noir et blanc écrit avec ses mots à lui, il transforme en sculpture une image en nuances, il y met du relief, des pleins et des déliés, il nous permettrait presque de lire avec les doigts

20220905

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Estival. Temps chaud et ensoleillé. Quelques brumes matinales vers le Nord-Isère … vite dissipées. De petits cumulus coiffent les massifs l’après-midi, surtout proche des Hautes-Alpes (une averse de fin de journée possible vers la Haute-Maurienne).
Températures minimales comprises entre +14 et +16 degrés.
Températures maximales comprises entre +29 et +32 degrés.
Isotherme 0° vers 3800 mètres.
Vent faible à modéré de Sud-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Temps estival, ensoleillé. Pour avoir un peu d’ombre et de frais, préférer les sous-bois. Même si les feuilles commencent à penser à leurs couleurs pour l’automne, même si pour certaines, c’est déjà bien en cours, même si parfois elles sont déjà tombées, il en reste encore assez pour filtrer les rayons du soleil. De quoi faire des forêts un endroit idéal, encore plus que d’habitude. Un endroit où on se sent bien, jusqu’à pouvoir laisser divaguer ses pensées. Les laisser se poser quelque part et attendre de voir ce qui fera écho. Comme ces deux souches côte à côte, souvenirs d’arbres qui ont grandit ensemble, les branches agitées par le même vent et abreuvés des mêmes pluies, racines emmêlées dans le même sol, autour des mêmes cailloux, nourris chacun par les feuilles tombées de l’autre. Un couple qui échangerait les feuilles nourricières, celui qui lit et celui qui écrit. Et inversement. Un couple aussi uni, subtil, fragile et délicat que tous les autres couples. Un couple de papier, encre et feuillets mêlés, un couple dont le souvenir suffira à faire naître d’innombrables histoires. Magie du noir sur blanc