Archives mensuelles : octobre 2025

Fin de mi-octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Pour cette avant-dernière semaine du mois d’octobre, grand retour de la pluie, de l’humide, du froid, du soleil bien caché, des nuages, du brouillard, de la visibilité lointaine qui se réduit au proche. L’automne tâtonne encore, lui qui hésite longtemps, passant d’une patte sur l’autre entre été et hiver. Cette semaine c’est l’hiver qui pointe le bout de sa neige sur les sommets d’en face. Dans le fond de la vallée, et dans le bas des versants c’est la pluie qui s’installe pour abreuver enfin une terre bien trop sèche. Les gouttes pendent aux branches comme une goutte au nez, grand retour du clinquant, du brillant des reflets, du pouvoir de l’humide capable de faire entrer tout le ciel et ses nuages dans une simple gouttelette.
Dans la forêt d’en face, le souffle du grand vent a fait tomber trop vite, les feuilles aux belles couleurs, parfois une branche résiste pour jouer du contraste, des dernières étincelles, pour mettre du jaune dans le sombre de ce sous-bois de troncs, résineux en premier, sapins, épicéas qui nous plongent dans un lieu où le pas est léger comme la lumière est lourde de sa parcimonie. À terre juste des aiguilles, pas de tapis de feuilles où le pied trace son sillon avec un bruit plus sourd et moins carillonnant que la semaine dernière au temps de l’encore sec.
Du côté animaux, les rencontres s’espacent. Finis les vols d’insectes et les dernières guêpes, solitaires, égarées de ce côté obscur des carreaux de nos fenêtres voient plus comme une sentence, comme une condamnation que comme une délivrance qu’on les rende à l’air libre. Fini aussi le soir ou bien au petit matin les vols si réguliers des petites chauves-souris qui se sont réfugiées pour les mois froids qui viennent dans le pas jointif du tout des planches du bardage. Du côté des oiseaux, on se dit que maintenant que les feuilles disparaissent, on va enfin mieux voir qui se perche sur les branches, mais beaucoup sont partis chercher le chaud au sud, chassés par l’air plus frais, des envies de voyage, poussée de migration. Pour ceux qui ne volent pas et vivent dans les bois, l’automne est fait d’angoisses, de la peur du chasseur. Alors, se réjouir quand le sabot insouciant laisse une marque bien visible dans la boue d’une flaque : il aura survécu au moins jusqu’à maintenant.
Du côté des humains, qui laissent aussi des traces dans la boue fraiche des flaques, la pluie est peu propice aux longues balades tranquilles, pourtant c’est par ces temps pas toujours agréables que sont les belles rencontres et les belles émotions de solitude paisible, même sur les sentiers balisés pour l’été et les promeneurs en shorts. Dans cette solitude, écouter sur l’abri éphémère d’une grosse veste teinter les gouttes de pluie, se faire perméable aux souffles pour pouvoir attraper les idées qui flottent entre deux eaux autant qu’entre deux airs et vont si bien aux mots dont je les habillerai une fois rentrée au sec

Le banc au bord du chemin

OLOÉ, une belle invention de l'autrice Anne Savelli, le petit nom qu'elle donne aux espaces élastiques Où Lire Où Écrire. Elle explique ça ici bien mieux que je ne le ferais.
Et chez les Enlivreurs, dans cette catégorie, longue liste en construction de quelques OLOÉs qui me font écrire ailleurs

C’est un OLOÉ vert dès la fin du printemps et pendant tous l’été, de feuilles mortes en automne. Un OLOÉ absent tout le gros de l’hiver. OLOÉ de temps qu’il fait. Aussi de temps qui passe.
C’est un OLOÉ simple. Une planche, deux belles bûches bien dodues et quatre longues vis, quelques cales pour faire plat sur le bord du chemin ou l’aplati est rare.
C’est un OLOÉ neuf que je laisse volontiers à sa destinataire, presque sa propriétaire. Un banc fait par un gendre pour sa belle-mère âgée qui se déplace courbée à vous faire mal au dos, à vous qui la regardez, un dos chargé d’années et de travaux trop bas, de choses lourdes à porter dans la tête comme dans le corps, qui laissent toujours des traces. Elle résiste au roulis appuyée droite et gauche sur deux bâtons de ski. Mais malgré les années, la promenade, c’est sacré, alors avec les bancs, celui-là et un autre, posé un peu plus haut, la promenade continue, pas à pas, pied à pied. Depuis qu’il y a le banc, d’autres l’ont adopté, et ce banc maintenant fait partie de nos vies. C’est presque un sacrilège quand un promeneur impie se gare juste devant gâchant pleinement la vue sur les grands arbres en face.
C’est l’OLOÉ parfait pour le milieu du matin quand le soleil chauffe le dos et garde la tête à l’ombre. Pas de dossier, pas de coussin, pas de courant pour charger le téléphone portable, et aucun éclairage, ni public ni privé pour le tard ou le tôt qu’on laisse donc sans regret aux oiseaux de la nuit. Un lieu de textes courts pour les pages pas trop longues qui tiennent sur une feuille d’arbre, un poème, une chronique, un article de blog, exercice d’atelier, une idée trop pressée de revêtir ses mots. Un lieu pas adapté pour un roman potelé plein de rebondissements qui a besoin de brouillons, de documentation, de longue concentration.
C’est un OLOÉ social où je suis rarement seule. Parfois passe une voiture, quelqu’un avec un chien, une promeneuse, un promeneur, le berger, une voisine, un voisin. Parfois on parle un peu, on commence par le temps, c’est toujours bien le temps pour commencer à dire. Quelques banalités et puis on dit au revoir et je reviens bien vite aux moutons de mes mots. Ça c’est pour les humains, mais même sans humains je n’y suis jamais seule. Un oiseau, un bruit d’eau, un insecte, un écureuil parfois, une salamandre peut-être, les jours d’après la pluie quand avant de commencer il faut essuyer le banc. Et ne pas oublier d’entendre ce que disent les arbres. Un peu de vent dans les feuilles la neige qui tombe d’une branche, une châtaigne ou un gland, un dialogue de feuilles, un merle qui grattouille ou un pic noir qui cogne. Ici toujours quelqu’un pour souffler une idée, alors je les laisse souffler et je déploie sur leur route mon grand filet à souffles

Mi-octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Peut-être un peu plus frais, mais le temps pour cette semaine est resté dans l’ensemble très proche de celui de la semaine précédente, beau, avec quelques nuages, pas de précipitations. Une semaine d’automne aux couleurs de l’automne, couleurs emblématiques, couleurs de cartes postales, des couleurs de feuilles mortes, presque des caricatures. Chaque arbre va s’habiller d’une façon différente suivant ses habitudes et l’endroit où il vit et ce qu’il a vécu. Une sorte d’arc-en-ciel qui aurait oublié toutes les couleurs froides, toutes celles situées dans le vert et au-delà pour ne garder que les chaudes et préparer l’hiver.
Cette semaine était juste le moment de bascule entre le temps où les feuilles changent doucement de couleur, se dépouillent de leur vert, de leur rôle nourricier chargé de chlorophylle pour ne garder des arbres que les branches, que les troncs, en somme que les grandes lignes, la structure et la forme. Comme un dessin d’enfant, des traits au feutre marron plus épais vers le bas qui deviendra le tronc et puis les grosses branches, plus fin pour les suivantes et puis tirer la langue pour les dernières branchettes qui doivent être toutes fines, surtout ne pas appuyer le feutre sur la feuille. Ensuite pour les feuilles, en été c’est tout simple, un gros nuage vert, tout potelé et dodu que l’on peut colorier sans crainte de dépasser parce que les feuilles elles-mêmes dessinent des petits traits en dehors du nuage. En hiver pas de feuilles, mais pour ce qui est de l’automne, c’est un mélange des deux, un nuage jaune-orange, mais un peu déplumé, pas facile du tout.
De plus en plus de feuilles se retrouvent au sol, elles tombent en virevoltant, en dansant, en flânant, indécises, hésitantes sur le chemin à suivre, elles explorent les airs avant de se poser à côté de toutes celles tombées là avant elles. Le sec de cette semaine les a gardées bien sèches, marcher sur les sentiers et parfois sur les routes (les routes peu fréquentées) joue une petite musique entre papier froissé et sablés écrasés avant que les feuilles mortes piétinées ne soient réduites en morceaux de plus en plus petits, jusqu’à n’être plus morceaux, mais seulement poussière qui s’en ira bien loin dès la prochaine pluie. Avec les prochaines pluies s’en iront loin aussi les dernières feuilles des arbres et leurs couleurs d’automne, elles resteront encore un moment sur le sol pour qui baissera les yeux, elles donneront de faux espoirs à ceux qui cherchent là quelques petits champignons, trompés par leurs couleurs, mais pour les têtes en l’air, les branches seront nues jusqu’au prochain printemps. Branches des arbres vivants, nues comme sont nues les branches des arbres morts sur pied. En hiver chez les arbres dont les feuilles sont caduques, la vie est intérieure comme l’est chez les humains la vie qui reste au chaud et à l’abri de la pluie quand les écharpes ressortent les livres à vivre bien au chaud.

Début de mi-octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de beau temps, avec quelques nuages : alternance hasardeuse, sans régularité de passages nuageux, épais ou diaphanes et de belles éclaircies, voire de journées toutes bleues. Une semaine de pas de pluie, une semaine de de pas d’eau une fois la rosée bue par les plantes avides et le chaud des journées. Sur les arbres tout autour, les feuilles prennent doucement les couleurs de l’automne. Ou les couleurs du sec. Question dont la réponse ne changera pas grand-chose à la couleur des feuilles, mais les rouilles et les feux et les fauves, comme les rouges et les jaunes sont maintenant sur les arbres, qu’ils viennent du temps qui passe ou bien du temps qu’il fait. Sur les feuilles, le vert laisse doucement la place, poussé loin par les ocres et les bruns et les terres. Parfois on voit les verts se regrouper d’abord le long des grosses nervures pour ensuite s’en aller, s’éloigner de la feuille vers l’ailleurs où on ne le verra plus, le vert qui reste caché tout l’hiver sous l’écorce, une fois préparés les bourgeons déjà là pour les printemps prochains.
Certaines n’attendent pas, elles ne préparent rien et profitent de tout ce qui n’est pas encore le gel, orties ou pieds de menthe ne se préoccupent pas de nos calendriers, de lents préparatifs qui se font chez les arbres, elles poussent et font des feuilles toutes jeunes et duveteuses tant qu’elles peuvent le faire. Plantes de carpe diem, vivaces ou annuelles, à rhizomes, ou à graines, chacune sa stratégie, chacune de son côté, elles poussent et laissent pousser pour renaître au printemps ou juste se réveiller, quelle que soit la méthode pourvu qu’on ait le vert.
L’automne vient se poser de façons différentes suivant les espèces d’arbres, suivant l’humidité, la lumière et l’endroit, poussé de-ci de-là par toutes les autres vies qui habitent la forêt. Insectes, champignons, maladies, ou juste un vieux bobo un soir de trop de vent, sur chaque feuille on peut lire une histoire différente. Petits points ou bien plaques, déchirures ou couleurs qui se diffusent lentement sans uniformité, accident de croissance ou accident tout court, feuilles tachetées, ocellées, feuilles d’arbres léopards. À lire ainsi chaque feuille on découvre doucement tout un monde écrit là, une histoire d’arbre monde à lire en feuille à feuille.

Début octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de beau temps, pas de pluie, quelques nuages, averses parfois le soir, mais du globalement beau. Et frais. L’automne continue à s’installer doucement. Les feuilles des arbres changent de couleur, de texture, elles commencent à tomber. Les arbres se déshabillent et les humains se couvrent, ressortant pulls, bonnets, lourdes vestes et capuches. Les grosses chaussures ici, on ne les quitte jamais, elles sont indispensables pour aller dans les pentes, les pierres, les épines.
Le matin la rosée reste longtemps sur les feuilles, sur les derniers pétales des dernières fleurs, à peine des gouttelettes, presque une poudre d’eau qui fait ressortir leurs joues. Les feuilles des végétaux accueillent chacune l’eau d’une façon différente. Souvent même ça changera d’un côté de la feuille et de l’autre côté : l’eau s’étale, elle laisse un film lisse sur le dessus sinueux de la feuille de chêne, mais bourgeonne au-dessous fait pour rester au sec.
L’automne est cette saison juste entre le trop chaud et puis le bien trop froid, saison où on rencontre bon nombre de batraciens, de grenouilles en crapauds. Aux endroits favorables, retrouvailles régulières avec les salamandres dont la peau délicate ne leur permet des promenades que dans les deux saisons qui évitent les extrêmes. Elles sortent avec prudence, évitent les jours sans eau encore assez nombreux pour laisser bien au sec le petit lac du haut.
Le froid qu’on sent venir avec la neige là-haut nous ramène avec lui une sorte de fatigue, un besoin de repos, vulnérabilité aux toux et aux éternuements, aux maux de-ci, de-là et autres nez qui coulent. Lutter de plus en plus tôt et de plus en plus tard contre le sombre des jours, que ce soit matin ou soir semble contre nature quand on voit tout autour les plantes, les animaux, se préparer doucement pour le repos d’hiver. Restent quelques insectes pour une dernière tournée, comme ces chanceuses abeilles à qui on a laissé de dodues fleurs de lierre qui tournent et vont viennent comme on se régalerait d’un recueil de poèmes