De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Peu nuageux. Conditions bien ensoleillées le matin malgré quelques passages nuageux, surtout sur l’Ouest de la région (brèves gouttes non exclues proches du Lyonnais). Retour de quelques nuages instables l’après-midi surtout sur les reliefs. En fin de journée/soirée : on peut avoir quelques averses orageuses isolées, surtout en Dauphiné et Haute-Maurienne. Limite pluie-neige vers 3500 mètres. Températures minimales comprises entre +14 et +16 degrés. Températures maximales comprises entre +27 et +30 degrés. Isotherme 0° vers 3900 mètres. Vent faible à modéré de Sud. Prévisions Météo Alpes
Nuages instables. Comme ceux qui coiffent les sommets des montagnes, lourds chapeaux en piles d’assiettes, longs fils si fins et souples qu’ils semblent échappés de vers à soie célestes, cumulus rondouillards, dignes de dessins d’enfants, ou tacheté négatif d’une robe de leopard, ils peuvent être avenants, d’un beau blanc rassurant ou stopper la lumière pour mieux faire ressortir leur côté obscur, pour faire peur aux humains et leur faire prendre garde à la colère des cieux. J’aime quand il se séparent puis viennent se regrouper, j’aime jusqu’à leurs menaces qui remettent à sa place l’arrogance des bipèdes. Chez les nuages, j’aime l’instabilité, la surprise, les changements qui font vivre le ciel et embarquent nos rêves. Cette instabilité que j’aime va toujours de l’avant et jamais ne revient sur les acquis d’hier. Les lois des nuages me conviennent davantage que les décrets des hommes
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Plein soleil. Début de la canicule. Le soleil domine sans partage du matin au soir. Températures minimales comprises entre +15 et +18 degrés. Températures maximales comprises entre +32 et +35 degrés. Isotherme 0° vers 4600 mètres. Vent faible de Nord-Est. Prévisions Météo Alpes
Entre 32 et 35 degrés. Canicule. Quelle que soit la définition officielle, ça signifie trop chaud, bien trop chaud. Rester à l’intérieur, au dedans des maisons, les vieilles bâtisses surtout, celles-la qui ont gardé le confort estival des épais murs de pierre. La fraîcheur du midi, le sombre des persiennes précocement tirées et tout juste entrouvertes dans des ruelles étroites. Et pour tous les heureux qui ont encore le choix, des occupations lentes, des choses d’intérieur. Intérieur de soi à préférer aussi, la vie de dans la tête plutôt que dans les bras, les jambes et tout ce qui ferait chauffer un corps déjà presque fané de torpeur transpirée. Cette vie intérieure trop souvent négligée, étouffée, écrasée, vidée de trop remplir, entasser, empiler, sans jamais rien ranger. Peut être par peur du sombre. Du sombre de nos dedans
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Frais. Ciel chargé jusqu’en fin de journée avec quelques trouées, plus franches et durables en plaines ainsi que proche des Ecrins. Ces nuages s’épanchent d’averses, surtout le long des Préalpes. En fin de journée : les éclaircies s’élargissent, puis deviennent belles le soir, et les averses cessent. Limite pluie-neige vers 2300/2400 mètres (5 cm de neige possibles vers 2800/2900 mètres). Températures minimales comprises entre +10 et +13 degrés. Températures maximales comprises entre +17 et +21 degrés. Isotherme 0° vers 2600 mètres. Vent modéré de Nord. Prévisions Météo Alpes
Il pleut. C’est qui, « il » ? Pronom, mis pour un nom, mais lequel ? Pronom personnel masculin de la troisième personne faisant fonction de sujet. Un pronom personnel pour une forme impersonnelle donc, il pleut. Qui parle ? Qui va parler dans la suite du texte ? Sans même aller jusqu’à la question du narrateur, liée évidemment, on se demande quel pronom choisir. Je tu il/elle nous vous elles/ils. Sans oublier le on. Sept choix possibles. Neuf en différenciant masculin et féminin . Neuf fois le texte à réécrire pour voir ce qui convient le mieux, ce qui sonne le plus juste, le plus près de ce qu’on pense devoir être la tonalité de l’histoire en train de naître
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Peu nuageux. Le soleil domine durant la majeure partie de la journée malgré quelques cumulus autour des massifs et de fins nuages élevés. Ils s’épaississent en fin de journée, donnant quelques averses sur l’extrême Ouest de la région. Elles circuleront jusqu’en bordure du Jura et vers le Chablais ensuite en début de soirée. Températures minimales comprises entre +11 et +14 degrés. Températures maximales comprises entre +26 et +29 degrés. Isotherme 0° vers 3700 mètres. Vent faible à localement modéré d’Ouest. Prévisions Météo Alpes
Peu nuageux. Mais quelques nuages quand même. Assez pour cacher parfois ou l’ici ou le là, juste le temps de mettre en valeur une autre partie du paysage, nous permettre de voir plus nettement les sapins se découper délicatement sur la crête, à la façon d’un peintre japonais, juste quelques traits d’encre sombre sur le pâle du papier de riz. Le reste on l’image, comme l’odeur et le son. Au premier plan, la cime du châtaignier, ses fleurs encore timides qui vivent toute leur jeunesse bien à l’abri des feuilles, camouflées dans leur vert pour grandir tranquillement avant de s’affirmer, de prendre toute la place et de recouvrir l’arbre de ses chatons jaune pâles. Mais surtout, le peu nuageux cache quand même un peu le sommet tout en haut, pour qu’on l’oublie un peu, lui qui nous attire l’oeil et nous attire tout court, nous fait nous concentrer sur un point tout petit, trop petit pour tout le monde, nous rempli de regrets quand il y a tant à voir pour peu qu’on se laisse guider par le peu nuageux
Travail en cours. Chantier de construction, de rénovation avec pelle, brouette, visseuse et fil à plomb, mais surtout l'envie de construire une histoire solide dans laquelle on se sente bien et de vous embarquer pour suivre l'avancée des travaux. En évolution, en ébullition.
Au départ, je ne voulais rien de classique, pas de « il était une fois ». La forme se devait d’être originale. Elle devait servir et mettre en valeur l’histoire de Blaise, le personnage, son voyage, refléter le chaos dans lequel le faisait barboter la perte de sa main, son chemin après cette perte. J’avais des textes, beaucoup de textes, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, avec plus ou moins de pétales, avec des narrateurs à épines, d’autres plus élancés, avec et sans feuilles, mais pas moyen d’en faire un bouquet harmonieux. Pas même un recueil de nouvelles avec une tenue convenable. Le chaos en question était devenu le personnage principal. Malaise et doutes de mon côté, remarques salvatrices du côté de lecteurs attentifs, ce n’était pas une bonne idée. Donc retour aux méthodes de construction traditionnelles éprouvées, une pierre, puis une autre, en les choisissant soigneusement, en les adaptant si besoin et en commençant par le bas, comme on commence un voyage par le jour du départ, comme le lierre s’enroule autour d’un vieux pommier. Tout est donc à reconstruire, mais cette fois, sur des bases plus solides, celles de la logique du voyage. Le début sera donc le départ. Ce ne sera peut-être pas original, mais au moins ce sera logique… Pensées pour une évidence : on ne peut pas tout avoir.
Attention à la fermeture automatique des portières, attention au départ.
Je commence ce blog aujourd’hui pour que ceux qui le souhaitent puissent suivre mon voyage. Aussi pour garder une trace, épauler mes souvenirs. J’ai déjà l’habitude de tenir un journal pour moi, celui-ci sera tenu pour vous.
Et je commence aujourd’hui précisément parce que c’est mon premier jour de voyage sur la célèbre route E15 qui relie Algesiras en Espagne à Inverness en Écosse.
Je ne sais pas encore ce que j’écrirai ici. Quoi retenir d’une journée ? Quelle image ? De quel côté tourner son objectif, recadrer, choisir tel niveau de vocabulaire ou un autre, phrases longues, phrases courtes, raconter les autres, se raconter soi, ce qu’on mange, ce qu’on lit, ce qu’on entend, ce qu’on écoute, choix de la lumière, post-traitement, utiliser des filtres, gros plans sur des détails, paysages … J’essayerai de varier pour que tout le monde y trouve son compte, mais ça restera mon Blog et il y manquera peut-être ce vous vous attendiez à y trouver. Certains estimeront qu’ils n’en ont pas appris assez. Tant pis, après tout, on est toujours le superficiel de quelqu’un. Mais peut-être que vous y dénicherez aussi de bonnes surprises, que je réussirai à partager mes moments d’émerveillement, ces moments parfaits, quand on reste là, tout vide du dedans tellement on est rempli du dehors. Je crois que c’est ça que je vais chercher dans ce voyage, me vider du dedans pour me remplir du dehors.
Petit portrait rapide pour que vous sachiez à qui vous avez affaire, au cas où vous tomberiez sur ces pages par hasard. On m’appelle Blaise depuis que j’ai perdu ma main droite alors que je travaillais sur un bateau de pêche. Je suis manchot depuis bientôt un an.
Un an après, j’arrive assez bien à me débrouiller dans la vie courante, et j’ai décidé de partir, de suivre la E15. J’aime les couleurs de l’Écosse, les ambiances, les paysages. J’aime aussi le whisky. L’idée d’aller là-bas est d’abord arrivée comme une blague entre amis. Puis elle s’est imposée par son évidence et par sa pertinence vis-à-vis de mes goûts et mes envies. Je ferai ce voyage un peu comme les barriques de Xérès vides, utilisées ensuite comme contenant pour l’alcool d’orge malté à qui elle donneront leurs arômes, pour en faire du whisky. Pour ce voyage, j’ai une ancienne camionnette de plombier transformée en van. C’est rustique. Il y a un matelas pour dormir, un réchaud, une cuvette pour faire évier et lavabo, un bidon d’eau et des caisses pour ranger mes affaires, une étagère pour les livres.
Aujourd’hui, je suis à Algesiras, en Espagne. Dans la pointe sud de l’Europe, en face, c’est Gibraltar, donc l’Angleterre et en face mais un peu sur la droite, c’est le Maroc, l’Afrique. Voilà pour la théorie. Mais de la ville, aujourd’hui, je ne verrai rien d’autre que la gare, avec ses quais bordés de caoutchouc à petits plots et ses haut-parleurs qui grésillent. Mes deux sacs sont posés sous les panneaux bleus ou le nom de la ville s’écrit Algeciras en espagnol, alors que c’est Algésiras en français. J’attends Anatole qui me vend le camion et doit venir me chercher à la gare. En attendant, je prends des notes. Il fait sombre, bientôt noir.
De la ville je ne verrai que des lumières, et parfois, leurs reflets dans l’eau du port, l’odeur douceâtre de vieux poisson que je connais si bien, et surtout, celle, bien plus alléchante des restaurants de la longue avenue coupée en deux par une rangée de palmiers. De toutes façons, les villes ne m’attirent pas, trop de monde. Et j’ai prévu de rentrer faire une pause dans les montagnes de mon enfance pour adapter le camion à mon absence de main droite. Demain, après un crochet indispensable par Jerez de la Frontera pour le Xérès, je partirai vers le nord sans trop m’attarder. Comme un tonneau vidé de sa première vie, en route pour la deuxième.
Merci d’avance à ceux qui me suivront sur ce blog. Je compte maintenant rejoindre tranquillement les Alpes pour y faire une pause technique. Avant de continuer je prendrai juste le temps de découvrir la vie sur la route et surtout de lister les petites choses à améliorer ou à adapter. Jeanne, une amie d’enfance m’a proposé son aide quand elle a su que je revenais un moment au village. Pour m’occuper de toutes ces bricoles, je profiterai de l’hiver, cette saison pâle qui m’est si chère. J’ai à la fois hâte d’y être et peur d’avoir eu les yeux plus grands que le ventre. Mélange bizarre, mais c’est quand même et de loin, la hâte de partir qui domine.
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Variable. Temps très ensoleillé en début de journée. Développements rapide de cumulus sur les reliefs dès la fin de matinée. Ils sont nombreux sur les hauts-massifs l’après-midi, tandis qu’ilm continue de faire très beau en plaines. En fin de journée : une averse isolée est possible proche de l’Italie (neige vers 3200 mètres). Températures minimales comprises entre +9 et +12 degrés. Températures maximales comprises entre +24 et +27 degrés. Isotherme 0° vers 3600 mètres. Vent faible de Nord-Est. Prévisions Météo-Alpes
Vent faible. Mais déjà trop pour lui, pour ses pattes si fines, pour ses ailes si grandes. Animal de beau temps, de soleil, de chaleur. Il s’accroche comme il peut, les ailes en drapeau, impossible de fuir sans risquer la culbute, l’accident voire le drame. Alors il tient bon, agrippé à sa knautie tout en guettant l’instant ou il pourra enfin se sauver en volant. Ne serait-ce qu’un vent faible, c’est parfois déjà trop quand on est pas fait pour. Question de contexte, de circonstances, de public. Comment construire un texte qui ne soit pas papillon, qui soit lisible par tous et en toutes circonstances, en toutes références, en toutes préférences ? Il faudrait alors renoncer aux adjectifs pour qualifier le vent, se passer de faible, de fort, de modéré, se contenter du nord-est et d’une vitesse en noeuds, voire en kilomètres/heures ? Être compris de tous et ne plaire à personne ? Lorsque je lis un livre, je préfère les teintes vives quitte à ce que ça ne soit pas ma couleur préférée, alors va pour les textes aux ailes un peu trop grandes qui attendront parfois de pouvoir s’envoler, voire ne s’envoleront pas, mais au moins qui auront un petit truc en plus qui ravira certains, sera plaisir de lire
Nos vies Étiquetées Calibrées Cuites Décortiquées Carcasses poussées sur des rails Lavées au jet industriel haute pression Plongées dans ce monde de la ligne Inhumain Ou presque
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Changement de temps. Jusqu’en mi-journée : des moments de soleil, souvent francs en vallées internes, entre les passages nuageux élevés. En après-midi et jusqu’en première partie de nuit suivante : conditions plus nuageuses avec déclenchement d’averses de plus en plus fréquentes, et par moments orageuses, qui circuleront d’Ouest en Est. Dès lors les éclaircies seront en retraits. Limite pluie-neige vers 3300 puis 3100 mètres. Températures minimales comprises entre +15 et +17 degrés. Températures maximales comprises entre +27 et +31 degrés. Isotherme 0° vers 3700 mètres. Vent modéré de Sud-Ouest. Prévisions Météo Alpes
Des orages. Du bruit et de la fureur. Du vent, des éclairs, du tonnerre, du sombre, de la pluie, de la grosse pluie, de la grêle. Des dégâts parfois. Et un rappel bienvenu pour nos hypertrophies, grosses têtes, chevilles enflées et grandes gueules : humain, tu n’es plus rien si la nature en a envie. Mais il suffit souvent de se mettre à l’abri et de regarder les gouttes tomber. Question de dosage, variation d’intensité. Imprécision voire grossièreté des mots sans les adjectifs, importance de la nuance, de la petite différence qui fait toute la différence. Averse orageuse, orage, gros orages, tornade… Choisir ses mots avec plus d’attention, penser, avant de parler ou d’écrire, à ces idées, pas toujours claires, aux contours un peu flous, mal détourées et mal cadrées, idées par nous déposées dans des termes mal choisis, attrapés au vol, qui ensuite s’envolent ou pire, provoquent l’orage dans ses plus grandes largeurs. Le battement d’aile d’un papillon est une imprécision
Pour partir, pour revenir, pour une journée, pour une semaine, pour quelques jours, pour un mois ou pour toujours, on commence à pied, en suivant les panneaux, lettres blanches sur fond bleu. Pas de pattes, pas de fioritures, juste des traits bien droits et des courbes bien lisses, bien lisibles, très lisible, la fonte SNCF, celle qui sonne comme les notes en escalier de la cloche des annonces avant la voix incolore qui indique les villes et les voies. On porte un petit sac ou on pousse une énorme valise, de celles qui jouent de leurs roulettes avec un bruit d’avion, pourvu que le revêtement au sol y mette du sien. Bruit de skateboard pour le sac à poignée télescopique qu’on traine derrière soi, pour ne pas avoir mal au dos, pour pouvoir le charger encore plus parce qu’on ne le portera pas. Pour préserver nos vertèbres on se démontera les épaules, et on risquera de faucher au passage, tous les non avertis qui nous serrent d’un peu près, qui pensent à autre chose, qui regardent le panneau vert des arrivées ou le bleu des départs sans penser à leurs pieds, à ce sol qu’ils piétinent, mais qui accueille aussi les roulettes irascibles, plus liées à leurs maîtres qu’un cabot amoureux. D’un regard anxieux, toujours un peu pressé par l’horloge qui nous stresse, on jette un œil sur le billet et l’autre sur le train, sur ces petits écrans ou ces feuilles imprimées, voire les panneaux rigides glissés devant les fenêtres qui numérotent les voitures. Normalement, le numéro du billet correspond à la voiture la plus éloignée. C’est presque toujours le cas, et quand ça ne l’est pas, on va quand même voir la voiture suivante pour vérifier qu’il n’y pas d’erreur, que le 6 est bien après le 5. Sinon, manquerait le frisson, la petite peur de rater de départ. Une fois dans le train, on recommence le jeu des yeux divergents, un pour le billet, l’autre pour les sièges, leurs numéros à eux aussi, ou plutôt leurs sous-numéros après celui des voitures. Couple en général harmonieux, mais parfois en froid voire déjà séparé que celui formé pour un voyage seulement, par la voiture et le siège. Pour les novices de ces appariements temporaires, une erreur de voiture est solution fréquente aux différents de rencontres plus ou moins agressifs, du possessif « c’est ma place ! » au plus prudent, « vous êtes sûr que … », voire au poli « excusez-moi… » ou au sceptique « c’est bizarre… ». Le ton monte, puis redescend aux premiers tours de roues, pour peu que s’en mêle un spectateur voisin qui fera office d’arbitre et même de médiateur en confirmant que oui, on est bien dans la voiture douze. Enfin on est assis, on a casé plus ou moins mal le gros sac, la valise ou l’étui du violoncelle en espérant toujours que personne ne viendra écraser nos petites affaires avec une improbable malle de géologue toute remplie de cailloux et de marteaux pointus. Ensuite reste l’attente jusqu’au départ du train et même un peu après, surtout quand la loterie des sièges nous aura placés côtés couloir. On se demande alors un peu comment sera celui ou celle, qui viendra nous cacher la vue en prenant la place côté fenêtre. Le vieux monsieur qui ronfle ? le musicien en manque qui montera trop le son de ses écouteurs ou l’enfant intranquille qui balancera ses pieds en chantonnant pour lui mais aussi pour les autres. Ou celui qui travaille, lui, et à qui ça suffit pour dicter à distance un courrier important, portable en haut-parleur, haro sur le contrat ou sur les fournisseurs, au mépris des oisifs qu’il estime que nous sommes.
Enfin, arrive d’on ne sait où la formule magique, celle qui met le train en mouvement.
Attention à la fermeture automatique des portes attention au départ.
On part. Ça commence tout doucement, avec juste parfois, au début, comme un saut de côté à cause des aiguillages. Puis le train accélère, on dépasse les voitures, ça y est, on est vraiment partis. Pour toute la suite du voyage, on sera au cinéma du paysage. Les grandes lignes relient toujours des grandes villes aux grandes villes, elles ne font que passer par la campagne, sans s’en mêler, comme un poisson rouge dont on aurait plongé le bocal dans la mer. Alors on regarde par la fenêtre le monde immobile qui défile alors qu’assis sans bouger on file à toute vitesse. Paradoxe relatif. Qu’importe, on regarde. En train aussi, avant de goûter au vert, il faut finir son gris. Assister au face-à-face jaloux des fenêtres, celles qui restent contre celles qui partent, se reflétant l’une dans l’autre suivant la lumière, la météo et le moment de la journée. Béton, goudron, quelques couleurs parfois quand l’art urbain explose, fait par tous et pour tous, musée des œuvres les plus modernes. Sortie de la ville, la voie ferrée s’emmêle aux autres voies, aux autres déplacements. Péniche sur le fleuve, barque amarrée à une branche basse en bordure de rivière, autoroute, route, petite route et chemin, elles portent bateaux, autos, motos, vélos, voire piétons, avec ou sans chien, tandis que le train file, traverse en une miette de seconde toute la vie d’un endroit, d’un coin de champ, d’un bout de forêt, d’une ferme, posée là depuis des années, des décennies, des générations. Infinie non-concordance des temps. Le reste du voyage est collier de surprises, emmêlement de courbes et de droites, de plaines, collines et falaises. Sous la garde des nuages qui modulent la lumière, une église toute fière sous son toit de mosaïque, une carrière bariolée aux monticules de toutes les teintes et de toutes les textures. De toutes les hauteurs aussi. Pour donner vie au défilement des champs, alternance de cultures, vaches de toutes les couleurs, toits selon la région, pavillons proprets et piscines en plastiques repeintes d’algues par l’hiver. Avec ça et là, un étonnement. Trois courts de tennis abandonnés recouverts par les mousses dont on devine à peine les lignes autrefois blanches. Une épave de voiture dont la brune peau de rouille est rongée par les ronces et verdie par le lierre. Les talus, toujours les talus qui protègent le train du monde, qui protègent le monde du train. De temps en temps, le train traverse une ville, alors il ralenti pour presque s’arrêter si la cité est grande. Plus la ville est peuplée, plus le train va lentement, hommage aux bâtisseurs, attention aux urbains. Les roues tournent, le temps tourne, bientôt la fin du film. Ville d’arrivée, ralentissement jusqu’à l’arrêt complet du train, celui qui donne enfin le droit d’ouvrir les portes. Repos de la bête, odeurs de métal chaud et d’huile mécanique, soupirs hydrauliques, on est arrivés. Les passagers descendent, ils quittent le petit monde du wagon, monde clos et éphémère, isolé par la vitesse, bulle de voyage au milieu de l’ordinaire.
On est arrivé, on est revenu, pour la journée, pour la semaine, pour un mois ou pour toujours.
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
En matinée le ciel est partagé entre moments de soleil, plus francs sur le Sud de la région, et nuages élevés pouvant se délester de rares gouttes. L’ensoleillement est plus généreux l’après-midi mais quelques cumulus coiffent encore les massifs. Ils peuvent donner, en fin de journée, des averses très isolées surtout sur l’Est de la région. Limite pluie-neige vers 3000 mètres. Températures maximales atteignant +26 à +29 degrés en plaines et +15 à +18 degrés vers 1500 mètres. Prévisions Météo-Alpes
Soleil, chaleur, tant de chaleur en cette saison, une perspective qui fait froid dans le dos. Froid dans le dos pour un réchauffement ? Expression mal choisie ? Complexité de la langue ? Éloge du contraste qui fait ressortir, souligne, met en valeur. Le contraste, ce qui permet au noir et blanc de nous parler des couleurs, de ce vert tendre du printemps qui a filé comme l’éclair, nous plongeant si vite dans le poisseux de l’été. La sueur et la poussière. Bientôt, devoir vivre dans la fraîcheur de la nuit ? Juste la moitié du mois autour de la pleine lune, celle qui, cette nuit s’est levée si claire au-dessus des montagnes en attendant l’éclipse. Plutôt choisir les bois, l’ombre frais des grands arbres, sages géants indulgents qui, eux, prennent soin de la terre et nous montrent la voie