"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Bancs nuageux assez nombreux sur l’Ouest de la région tandis que le soleil domine en matinée en massifs et vallées internes surtout de l’Oisans au Sud-Est de la Savoie. Les nuages se généralisent et prennent du volume l’après-midi donnant quelques averses essentiellement côté Haute-Savoie. Ces nuages se partagent le ciel avec des éclaircies, qui s’élargiront sensiblement en soirée. Limite pluie-neige vers 1700/1800 mètres puis 2000 mètres (quantités de neige anecdotiques plus haut). Températures maximales atteignant +17 à +21 degrés en plaines et +9 à +14 degrés vers 1500 mètres. (Meteo-Alpes)
Des bancs de nuages. Ils se déplacent en bandes déplaçant l’attention, cachant, laissant deviner, mettant en lumière, détachant ou révélant un coin de paysage. Le vert tendre des feuillus, le foncé des sapins, le blanc de la neige, le sombre des rochers. Quelques chalets. Tous apparaissent et disparaissent devenant un moment unique sujet visible, indispensable et urgent. Une idée qui vient, une chanson, une remarque, un mot ou une phrase qui font remonter le projet un instant négligé, qu’on redécouvre avec délice, sourire au coin du bec. Puis c’est le tour d’un autre et encore un autre, au gré des bancs d’idées poussées par le vent et le temps. Il faudrait en prendre un, de ces projets en cours, l’enfermer bien serré pour mieux s’en occuper en empêchant les autres de venir s’immiscer. Il faudrait, il faudrait… espoir et désespoir des nuées de projets
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Automnal. Temps maussade et frais. Faibles averses tout au long de la journée, fréquentes dans les massifs avec la neige vers 1700 puis 1900 mètres (autour de 10-15 cm supplémentaires au-dessus de 2000 mètres environ). Températures minimales comprises entre +5 et +8 degrés. (MétéoAlpes)
Retour de l’automne en avril. Parenthèse dans l’arrivée des couleurs du printemps, un temps à faire un tour au-dedans et non pas au-dehors, un temps à la mélancolie, à la tristesse peut-être, voire au chagrin. La météo nous pousse, elle nous fait pencher d’un côté ou de l’autre de nos humeurs. Comme on imagine mal un film tragique sur une plage ensoleillée en été ou une explosion de joie dans la faible lumière blafarde d’un jour gris d’automne. Même quand on se persuade, qu’on fait tout pour se sentir plus haut, plus grand et plus fort que la nature, elle reste là, patiente, tenace et opiniâtre à nous rappeler que nous ne sommes finalement qu’une toute petite partie d’elle même. Nous rappeler qu’elle nous tient, pieds et pensées ficelées, qu’on le veuille ou non. Qu’on le sache ou non
Je veux saisir le marcheur là, à l’instant précis où il entre dans la forêt, quand ses pieds quittent le tapis vert des herbes pour entrer dans le monde des feuilles mortes, des histoires qu’on chiffonne, albums de famille, cartes de la belle saison que les arbres envoient à la terre, miettes de soleil. Dans les feuilles mortes de l’été, le marcheur froisse, écrase, déchire casse les souvenirs de la belle saison, et il s’entend marcher, ses pas lui envahissent les oreilles, ils prennent toute la place, ils piétinent les autres sons, les autres bruits, les chants, les appels. Même en marchant doucement il perturbe, il détraque, il chamboule. Pour entendre, il lui faut s’arrêter, ne plus bouger, s’oublier. Alors seulement, il pourra accéder aux bruits des autres, au-delà de ses bruits à lui. Chant d’oiseau, eau qui court, vent dans les branches, le chantier débraillé de l’oiseau qui cherche un insecte au hasard. Les pas attentifs du chevreuil qui a la tête en l’air, les pas concentrés du chevreuil tête baissée qui cherche de quoi manger. Silence assourdissant, craquant, piétinant. Le silence du vivant.
Je veux saisir le marcheur là, à cet instant précis où il entre dans la forêt, quand ses narines assoupies d’herbe coupée rencontrent l’odeur d’humus. L’odeur des feuilles de l’été précédent qui vont nourrir de leur savoir, de leurs souvenirs et de leurs rêves, les feuilles de l’été qui viendra. Et puis au fil des pas, d’autres senteurs marquent leurs territoires, le piquant du noyer, le douceâtre du châtaignier, la résine des sapins, le champignon timide, bien caché sous les feuilles qui laisse le vent le plus léger brouiller les pistes de sa présence. Alors le panier à la main, le couteau dans la poche et le bâton gratouilleur, le marcheur part à la recherche du chapeau brun foncé sur les tubes rassurants, du parasol jaune vif sur les plis des giroles ou du cornet si sombre des trompettes de la mort. Il y a aussi les autres, lamelles affriolantes, corolles transparentes, couleurs affolantes, ceux qu’il ne connait pas, il n’y touchera pas, mais son nez lui dira et il regardera, regrettant le fragile de ses savoirs de base. Plus loin, son nez le fera douter, feu de bois, cuisine ? Non, ces odeurs-là, ce sera pour plus tard. Peut-être.
Je veux saisir le marcheur là, à cet instant précis où il entre dans la forêt des arbres sombres dénudés par le froid et vieillis par le blanc. Sous les pas du marcheur la neige se compacte et puis craque, cellulose minérale. Plus froide, elle se ferait poudre soufflée par la moindre promenade de l’air, plus chaude elle serait boue collante qui ne garde pas l’empreinte et hésite, translucide, entre la glace et l’eau. Les branches alourdies viennent dessiner des courbes au milieu de l’austère rectitude des troncs. Nostalgie noire et blanche, soulignée en contrastes. Le blanc dépose trop de lumière sur l’image, notre œil panique et se protège, il se ferme aux détails, aux nuances aux valeurs, aux textures des écorces. L’hiver gratte et révèle tout de la vie de tous. Par l’impudeur du froid qui dénude les arbres et offre à nos regards les membres dévêtus. Par les poinçons des pattes qui disent les errances et guident les prédateurs vers les refuges des proies. Au-delà de ces traces, la vie est assoupie, aucun insecte en vol, d’autres au fond des terriers, comme une ville vide, au pays des immeubles, des rues et des voitures, un monde si éloigné qu’il semble disparu.
Je veux saisir le marcheur là, à cet instant précis où il entre dans la fraicheur de la forêt à l’abri du soleil de l’été. Parfois son corps trop échauffé aura transpiré, l’humidité sur sa peau se transformera presque en froid une fois qu’il se sera placé sous la protection des arbres pour échapper aux rayons du soleil. Chair de poule. Celle du frais des ombrages, comme celle de ces histoires sombres, des contes à faire frémir inventés pour faire peur. Ogres, enfants perdus, chaperons et galettes, bucherons et sortilèges. La forêt cache dans ses pénombres nos peurs, nos angoisses, nos cauchemars. Le courage qu’on voudrait tant avoir. Alors timidement, on avance, il faut aller y voir. Vérifier qui est là tapis derrière un tronc, reconnaître les bruits, les rendre familiers. Aux gens des étendues, aux habitants des villes, la forêt est une foule de grands êtres inconnus, qui ont leur rythme propre, leurs longues habitudes et puis leur élégance. Élancés, sobres ou torturés, les arbres disent leur vie aux angles de leurs courbes et de leurs embranchements. En leurs cassures aussi. À mieux connaitre les arbres, on vénère les forêts, on aimerait tant quitter la ville, le monde des verticales faites de matériaux morts, le béton ou la pierre, le transparent du verre. Ce vieux monde disparu pour tous ceux que la forêt envoûte.
Texte écrit dans le cadre des ateliers en ligne de François BON, à retrouver sur https://www.tierslivre.net
Salutations respectueuses et admiratives à Jean-Philippe Toussaint pour "L'instant précis où Monet entre dans l'atelier", aux éditions de Minuit
Nous serions donc, après un retour de la neige il y a quelques jours, aux portes du printemps, presque de l’été. Aux portes de. Sur le point de passer un seuil, construit, défini, établi par les humains. Pas de seuils, pas de portes dans la nature. Des cassures, des failles, des passages mais pas de portes, pas de seuils de ces portes, qu’on ouvre et qu’on ferme à volonté. Constructions humaines, séparations humaines, comme une armée aux portes d’une ville, quand le domaine militaire d’une armée se prépare à entrer dans le domaine civil d’une ville. Alors il y a effraction, il y a infraction. Crime. Toujours. Piétinement des conventions. Par définition
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Fréquentes averses de neige et de pluie, temps couvert, nombreux passages nuageux, températures tout juste positives. Rares éclaircies
Retour des nuages, du vent qui les chasse, qui les emmène, qui les ramène. Saison des giboulées. Nuages et rideaux de pluie qui cachent, qui dévoilent, qui suggèrent, qui en disent juste à peine, juste pour donner envie. Voiles transparents, tissus légers, appels. Les nuages se déposent, se rassemblent, assombrissent, avant de ménager une entrée des artistes aux rayons du soleil. Jeu de cache-cache, séduction, et mystère, invitation à aller voir derrière les barrières volages, là ou la lumière se pose pour guider nos regards, tentation pour explorateurs, curieux, aventuriers. Humaine envie d’aller jeter un œil…
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
De belles éclaircies, les températures remontent et font fondre la neige des derniers jours
Rappel à l’ordre de la nature que cette neige d’avril après une longue période de beau temps, quasiment de sécheresse. On pensait la porte de l’hiver refermée pour cette année, mais non. Le changement de saison ne s’est pas fait en doux dégradé mais plutôt en alternance, en hachures aux lignes épaisses qui se resserrent pour se confondre. Un peu de printemps dans l’hiver et une fois le pli trop pris, un peu de neige sur les primevères. Soirée qui finit au matin, journée qui commence dans la nuit, récit historique et anticipation mêlés. Un jeu du temps dans le temps. Piment
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Beau temps, ensoleillé, températures élevées pour la saison
La lumière est passée par cette déchirure dans la vielle feuille de chêne, alors elle aussi, elle est passée par là. C’était sa chance à elle, petite plante intrépide, elle a saisi l’idée pour arriver au monde, pour profiter de tout : du discret souffle d’air qui fait danser les herbes fines, de la chaleur du soleil qui va lui faire rougir sa toute tendre oreille droite, du clinquant des fraisiers qui déplient un à un leurs éventails ciselés, de la course affairée d’une fourmi solitaire ayant jeûné tout l’hiver. Au fil des jours qui viennent, elle profitera aussi des tendres indiscrétions dans le chant des oiseaux qui reviennent au langage, du craquement des feuilles mortes chahutées par les pas du chevreuil, de la douceur du soir quand la lumière s’allonge et du frais du matin quand l’aube se frotte les yeux pour étirer doucement ses toutes premières lueurs. Elle va profiter du printemps
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Beau temps, températures élevées pour la saison, quelques brefs passages nuageux
Hellébore fétide Elle est toxique. Elle sent mauvais. Ses fleurs sont vertes comme des feuilles et tournées vers le bas, toutes simples et refermées sur elles-mêmes. Ce n’est pas une star. Et pourtant. Elle est capable de fleurir en hiver, refuge et nourriture indispensable pour les premiers insectes du début du printemps. Elle repousse ses ennemis par l’odeur, ses fleurs regardent humblement vers le bas pour résister à la neige autant qu’à l’eau du ciel. Elle a tout compris de la survie. Héroïne incomprise
"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Ciel couvert, des éclaircies, mais aussi un risque de pluie, faible, en milieu de journée, températures positives
Du soleil, ou au moins du sec et du chaud, et ce, depuis un moment déjà. Elle, elle préfèrerait l’alternance, une peu d’eau pour soigner ses formes et ses reflets, se pomponner. Alors en attendant elle se referme, elle se replie sur elle-même, s’économise et attend. Au toucher elle devient rêche et hostile, elle a abandonné son côté édredon accueillant et moelleux. Elle se replie face au stress, il y a de l’humain dans cette plante. À moins que ce ne soit le contraire …
Il était une fois... Dans cette série "carnets", toute l'histoire de "Voyage en Irréel", livre écrit à quatre mains avec Nicolas-Orillard-Demaire. Depuis avant l'idée jusqu'à après l'objet !
Un livre sans lecteur pourrait ressembler à un rendez-vous manqué. Il attendrait, seul, silencieux et déçu, assis sur son cartable un soir de pluie à la sortie de l’école ou anéanti, le bouquet de fleurs en berne et l’estomac aussi vide que le cœur quand le serveur rentrerait les chaises de la terrasse. Nous ne voulions pas, Nicolas et moi, d’une de ces tristes fins pour notre projet. Après l’avoir préparé, apprêté, pomponné, il nous fallait tout faire pour que notre « Voyage en Irréel » puisse rencontrer ses lecteurs, servir de passerelles entre nos émotions et les leurs, échanger petits mots, avis, expériences, ressentis et pourquoi pas, faire naître de vrais liens, voire des amitiés.
Tant que notre projet n’était pas encore devenu un livre, en vrai et beau papier, avec un poids, une texture, une couleur et une odeur, tant qu’il n’était pas encore une partie de ce monde de réalités sensibles, il était encore fragile, il avait besoin qu’on lui tende la main, que le lecteur potentiel l’aide à faire ce premier pas de grand. Et puisque dans notre monde réel tout à un coût, il nous fallait pouvoir financer cette venue au monde. Depuis un moment déjà, l’idée était dans l’air et sur les écrans sociaux de ceux qui nous suivent régulièrement, Nicolas et moi. Si bien qu’une fois le dossier complété et mis en ligne sur la plateforme Ulule qui nous a permis de le laisser s’éloigner sereinement, les personnes intéressées par notre projet ont pu se rapprocher encore un peu de la réalité du livre, participer à sa construction par cette aide au financement.
Constituer le dossier Ulule n’a pas été si simple et c’est Nicolas qui s’en est chargé. Il s’agissait de trouver le bon dosage, donner envie de nous accompagner dans cette histoire sans tomber dans les travers de la publicité façon dentifrice, celle qui vous fera le sourire éclatant même si vous ne vous vous brossez pas les dents. Pas racoleur, mais quand même alléchant. Comme beaucoup ont pu s’en rendre compte, Nicolas y a mis toute sa délicatesse, avec l’aide de Régis pour les visuels, puisqu’il a fallu avoir des images de ce qui n’existait pas encore…
Étape suivante, faire connaitre et donner envie de participer à ce mode revisité de souscription : la prévente, mot nouveau que certains correcteurs d’orthographes soulignent encore.
Pour nous, c’est maintenant que commence une autre histoire, celle qui va nous émouvoir le plus : petits mots, réactions et chiffres qui grimpent, les participations, les dons même, le fait que des personnes qu’on ne connait pas forcément en vrai, s’engagent en vrai, avec du vrai argent, celui qui sert à acheter le pain. D’autant plus que la campagne va dépasser, et de très loin, ce que nous avions espéré : objectif de 120 préventes, et à la fin, piétinés nos doutes et nos hésitations avec un joli chiffre tout rond de 400 …
Au moment où notre « Voyage en Irréel » allait entrer dans le monde du réel, c’est l’enthousiasme et l’engagement des souscripteurs qui va nous impressionner le plus, nous motiver encore davantage pour améliorer le livre et nous donner réellement confiance pour la suite du projet. Nous étions prêts pour l’étape suivante, celle du grand paradoxe : rendre réel notre « Voyage en Irréel ».