Archives par mot-clé : champignons

Fin septembre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine froide et humide. Comme un avertissement, mise en garde ou rappel. Remettre dans nos idées, malgré le beau, le trop chaud de la semaine dernière que l’automne est en route et que du mois de septembre il ne reste plus grand-chose. Équinoxe le 25, la nuit égale au jour, pas seulement une histoire de ligne imaginaire, mais un réel changement dans la vie de toutes les plantes qui vivent de lumière. Changement pour nous aussi maintenant que le soleil ne se lève plus du tout au fond de la vallée, mais seulement une fois passée la première pointe des montagnes d’en face. Pour certains, sur l’ubac, débute la période où ils vivront dans l’ombre et le froid et l’humide qui vont avec cette ombre en attendant le printemps et le voyage retour du soleil et du clair. Se préparer alors à se remmitoufler, à se couvrir de chaud, de pulls, de bonnets et de moufles pour les mains et de livres pour la tête quand les nuages nous disent de revenir au rêve, à l’imagination mêlée aux souvenirs parce que les yeux, la vue, ne sont d’aucun secours les jours de grands brouillards.
De brumes et de brouillards, la semaine fut remplie. Et puis de pluies aussi. Des pluies de toutes sortes, des pluies fines et tenaces, gouttelettes à peine visibles, des gouttelettes en brouillard, silencieuses et furtives qui ressemblent davantage à une poudre qu’à des gouttes. Aussi au fil des pluies, des gouttes un peu plus grosses, qui tombent un peu plus vite, se moquent mieux du vent et jouent sur les capuches une chanson sans refrain qui s’égare dans ses rythmes. Parfois les pluies enragent de tombent de très grosses gouttes allant jusqu’aux grêlons qui battent sur les tôles de nos abris d’humains qu’on se prend même parfois à trouver dérisoires face aux violences du temps.
Mais septembre n’est pas mort, l’automne n’est pas l’hiver et rien n’est linéaire quand on parle du dehors, les saisons se chamaillent toujours un bon moment avant que ne s’efface celle qui était avant pour laisser toute la place à celle qui vient après. Alors s’émerveiller des premières salamandres et des dernières sauterelles, plus lentes et moins agiles qu’elles ne l’étaient l’été, mais qui sont encore là pour faire la transition, tout comme les feuilles des arbres chez qui le changement de couleur est bien loin de l’unisson.
Alors se réjouir de ces hésitations, de ces oscillations d’une saison à une autre, alternances propices aux discrets champignons qui pointent leurs chapeaux, leurs lamelles, plis et tubes pour qui aime observer et accepte d’errer à côté des sentiers avec toujours en tête la possibilité de revenir panier vide. Balade dans la forêt avec une bonne excuse, pour se laisser porter par une douce flânerie au grès des intuitions, des souvenirs de poêlées, des envies du moment. Un peu comme quand on lit se permettre de quitter une ligne trop rectiligne, mettre un livre de côté pour en ouvrir un autre, picorer ci ou là suivant ce qui fait envie pour profiter au mieux de ce qui est écrit, des délices des mots déposés dans la poêle avec une pointe de beurre histoire de fêter les goûteuses découvertes

Début de mi-septembre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine toute en nuages. Nuages en pointillé ou bien nuages épais, nuages comme des nuages ou bien comme des moutons, puisque tout doucement, l’automne annonce la descente des alpages, et ici en particulier, le retour des moutons juste devant la maison pour quelques dernières étapes avant de rentrer pour de bon et de passer à l’étable la saison dite mauvaise. Avec les nuages viennent aussi les éclaircies, les pluies et le moins sec qui vous font mieux prévoir pour étendre les lessives, pour sortir en balade, aller aux champignons.
On retrouve des odeurs qui font défaut l’été, remplacées par tant d’autres et qu’on retrouve avec joie quand on se voit privés des doux parfums des fleurs et de l’odeur des foins ou du bois coupé frais. C’est l’odeur du mouillé si le sol est encore chaud quand tombent les premières gouttes, l’odeur des animaux, purin à ciel ouvert ou l’odeur dans la laine quand il faut agripper des deux mains la toison d’une récalcitrante pour la refaire repasser de l’autre côté de la clôture. Quand je dis plus de fleurs, c’est aller un peu vite, oublier toutes celles qui refleurissent coute que coute, vaille que vaille à chaque amputation, comme le serpolet qui sera bien meilleur en fleurs dans la tisane : il nous tire par le bout du nez quand un pied maladroit lui écrase les feuilles.
Au nez on trouve aussi les premiers champignons qui mettront tous nos sens en recherche de chapeaux, de plis, tubes et lamelles pour mettre dans l’omelette. Pour certains, dans le doute, préférer l’abstinence, se contenter du coup d’œil, ou d’une petite photo pour noter la couleur, le brillant ou la forme, mais sans se frotter au goût.
Pour les choses à manger, l’automne est généreux. Au-delà des champignons si on relève la tête, on tombe sur les fruits, les pommes et puis les poires qui font casser les branches et les dernières pêches pour les pots de confiture. Quand vient le temps des noix et autres fruits à coques, on trouvera dans les arbres davantage d’écureuils que de petits oiseaux, la concurrence est rude, on maudit la bestiole et ses oreilles poilues qu’on trouve si mignonne quand il ne sera plus temps de se pencher une fois de plus sur une coquille vide. Laisser la place à l’autre, lui laisser une part de ce qui n’est plus pour nous affaire de subsistance n’est pas toujours facile et ne va pas sans, j’avoue, quelques jurons grommelés que je ne répète pas.
Souvent ne reste des noix qu’une moitié intacte pour nous faire revenir aux années culottes courtes et mains jamais très propres et aux petits bateaux qui n’ont pas d’ailes, posés délicatement sur l’eau calme du lavoir qui s’en ira voguer en vraie coque de noix, avec un mat de branchette et une voile de feuille

Chapeau bas

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Un chapeau se pose en haut, tout en haut, au plus haut. En haut du crâne pour les humains, en haut du texte pour la presse, en haut du pied pour les bolets, les tricholomes, les amanites, lépiotes, lactaires, russules, agarics ou polypores. Les champignons ont des chapeaux qui les protègent de l’eau, qui protègent leurs chères spores, leurs lamelles délicates, fragiles, toutes en finesse, de ce qui tombe des arbres, de ce qui tombe du ciel, attiré par la terre. Les chapeaux de champignons ont des couleurs toutes douces, des tons pastel sereins, veloutés et graciles, ou du brillant glissant, plus lisse que la glace, du glaçage de fiesta, peinture métallisée digne d’une voiture volée. Les champignons mignons ont voué toute leur vie, ils ont une dévotion pour le petit détail, la frêle subtilité qui va en faire baver tout un tas de ronds de chapeau au moindre mycologue. Entre un bolet ceci ou un bolet cela, une amanite par ci, une amanite par là, les différences parfois sont d’une subtilité à nous faire venir en tête le travail sur le texte de ceux qui tentent d’écrire, de mettre en mots le monde au risque de finir avec les zigotos qui travaillent du chapeau. Du temps des mousquetaires c’était chapeau à plumes, alors on était trois dans le titre du roman et quatre dans l’histoire, sans compter, il est vrai, les capes et les épées. De ces incohérences sur les dénombrements, comme sur tout le tragique tout au long de l’histoire et puis les trahisons, les meurtres et les ruptures, faire porter le chapeau à celui qui écrit, lui faire porter le chapeau de tout le dur du monde, c’est faire le tour des choses sur les chapeaux de roues et manquer tout le beau caché dans le détail, le grand subtil du style quand le monde est ainsi que l’ont fait les humains, de guerres et de batailles, de réactions grossières quand il aurait fallu pour une fois réfléchir, inviter la nuance et prendre le temps des mots, surtout du choix des mots. C’est faire le tour des choses sur les chapeaux de roues et manquer tout ce qui mériterait chapeau bas

Automne

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

C’est l’automne. Nos nuits sont plus longues que nos jours. Toutes les couleurs chaudes se déposent sur les feuilles jusqu’à les alourdir des chaleurs de l’été, jusqu’à les faire chuter sous le poids de leur vie. Bientôt les arbres seront bois, apprêtés pour l’hiver. Un peu de nostalgie chez l’humain qui s’habille quand la forêt se dénude, en ces temps frais d’octobre quand toutes les teintes chaudes nous annoncent les airs froids. Les couleurs de l’automne sont aussi celles du feu qui viendra réchauffer les mains tendues vers lui, réconfort bienfaisant quand la nuit vient trop vite. Le feu qui s’occupera de ce qu’on met dans la poêle, de châtaignes ou de pommes pour en faire des repas comme on faisait avant. L’automne c’est la saison où on sort le panier, le couteau recourbé et le bâton gratouilleur : on va aux champignons. On mettra une bonne veste et des chaussures solides. Aller aux champignons n’est pas juste une balade, car ils poussent rarement au milieu des chemins, alors il faut fureter, aller s’entortiller dans les arbres tombés et les pentes un peu raides, déraper sur l’humide. Le nez au ras du sol et le dos tout courbé, on se dit que l’évolution, dans le cas des champignons, aurait quand même mieux fait de nous laisser à quatre pattes. Il y a les ombrelles jaunes, chapeaux pâles ou bien sombres, les brillants et les mats ou encore ces trompettes qui ont ma préférence, qu’on reconnait à leur forme et à leur velours sombre. Aller aux champignons c’est s’occuper de l’espace d’une façon différente, loin des chemins ou seulement en guise de repère ou pour faire le retour quand la lumière s’échappe et que le soir s’installe. Même sans regarder l’heure on pensera à rentrer, ce serait notre côté feuille, sensible à la lumière, peut-être la chlorophylle bien cachée dans nos têtes, ou le nitrate d’argent des photos noir et blanc, ou juste les pages du livre qu’il nous tarde de retrouver, car l’automne laisse le temps, avec ses nuits plus longues, pour des lectures plus longues, pour ne pas laisser longtemps nos pensées sans leurs feuilles, indispensables feuilles, que ce soient celles des arbres ou bien celles des livres

20221001

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Dernière perturbation. Les moments de soleil de l’aube sont vite oubliés sur le Nord-Ouest de la région, plutôt en milieu de matinée ailleurs, devant une épaisse couverture nuageuse qui arrive. C’est également en milieu de matinée que les premières pluies arrivent en plaines et Préalpes, puis se généralisent en fin de matinée sous un ciel couvert partout. Le ciel reste bouché l’après-midi, mais les précipitations tendent à se cantonner aux massifs, surtout sur le Nord de la région.
Limite pluie-neige vers 2400 puis 2700/2800 mètres assez rapidement. 10-15 cm de neige dans le massif du Mont-Blanc plus haut, 5-10 ailleurs.
Températures minimales comprises entre +5 et +7 degrés.
Températures maximales comprises entre +15 et +17 degrés.
Isotherme 0° vers 2600 puis 3300 mètres.
Vent faible à modéré de Nord-Ouest.
Prévisions Météo Alpes

Les moments de soleil de l’aube sont vite oubliés. Ne pas les laisser filer. Ne pas laisser filer la lumière qui se pose sur les fragiles chapeaux des champignons, leurs ombrelles translucides, les vernis encore humides de leurs chapeaux, le délicat duvet de leurs longues jambes si fines. Ils ont leurs endroits préférés, ils se sentent bien dans les moments de calmes, les actions machinales, au coin des lectures, mais pas au milieu. Ils ne sont pas intrusifs, mots isolés, morceau de phrases ou presque textes, ils viennent parfois quand on n’a rien sous la main pour les attraper, papier, crayon, clavier. Alors ils finissent dans le téléphone, sur un ticket, sur un autre papier, dans le dictaphone ou écrits avec des fautes par la dictée vocale. Mais même une fois déposés en sureté, leur avenir reste incertain, beaucoup n’arrivent jamais dans le bon fichier, là, où ils avaient leur place, juste là. Pourtant c’était bien eux les plus beaux, ces mots qui viennent comme ça, rencontres à l’improviste, visions de coin de rue ou simples regards en biais. Une fois revenu au calme, les doigts sur le clavier, on reste au-dessus des touches, on les cherche sans les retrouver, on s’énerve, on s’obstine et jamais rien n’y fait. Alors on se console, on se dit que leur souvenir suffit, que c’était presque ça et qu’ils vont revenir sous une forme ou une autre. Parfois on les retrouve, ils sont un peu ternis, ils n’ont plus cet éclat, vaporeux et frivole qu’on leur avait trouvé ou ils brillent encore plus et on leur fait la fête de leur écrire un texte, à ces mots-champignons