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Fin octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine en dents de scie entre le beau et l’eau, plutôt de crête en combe, puisqu’on est en montagne, mais plus précisément entre soleil et pluie avec un peu de tout ce qu’on peut mettre entre deux, de nuages, de brouillard, de brume et puis de gris, aussi des éclaircies, des moments de grand mélange avec pluie et soleil qui se marchent sur les pieds. Des matins lumineux, des après-midi sombres ou des journées entières comme sous un couvercle alors que le lendemain sera si rayonnant qu’on ne pourra regarder n’importe où sans cligner.
Comme je me sens un peu plante, la lumière est pour moi quelque chose d’important. Depuis le changement d’heure, on profite bien mieux du lever de soleil, mais la nuit tombe plus vite, elle tombe tellement vite que se pose la question, en regardant les arbres et tous les végétaux, de nos horaires d’êtres humains, de nos activités, les mêmes toute l’année quelle que soit la durée du jour dans nos journées. Parfois il m’arrive même de me mettre à rêver d’une longue retraite d’hiver.
Du côté animaux, le défi de l’automne est celui de la couleur, se cacher dans les feuilles qui passent du jaune au rouge en route vers le rouille, le marron puis le sombre odorant de l’humus. Chapeau bas cette semaine pour une petite chenille, colorée, décorée de longues soies et d’excroissances, d’un beau toupet rouge vif pour mieux faire ressortir ses teintes qui partent du jaune pour aller jusqu’au vert avant de revenir à la couleur soleil. Une chenille éclatante que cette Pudibonde (Calliteara pudibunda) qui donnera naissance à un papillon de nuit, terne, gris et tout velu, camouflage de rigueur. Formes, couleurs et textures sont aussi étonnantes dans le monde des champignons. Grandes oreilles translucides ou filaments oranges ne m’inspirent pas du tout à l’heure de l’omelette, pour ce qui est de manger je m’en tiens à très peu, le très peu que je connais. Mais dans le panier cette fois quelques jolies trompettes, de la mort ou des morts, sombres tubes à la tête en gueule de tromblon, au nom peu rassurant, elles font quand même partie de mes petites préférées. Aller aux champignons c’est se promener en forêt d’une façon différente. Le dos un peu courbé pour rapprocher les yeux du sol où se trouveront, bien cachées sous les feuilles, les merveilles convoitées, le nez ouvert aussi qui sera parfois une aide pour les localiser et enfin la vitesse qu’il faudra oublier tout comme le sentier, une errance sans hâte et remplie d’attention pour la vie sur la terre.
Chercher des champignons ou bien chercher des mots, restent bien dans mon cas des pratiques parallèles qui se nourrissent l’une l’autre, une manière de passage dans ce monde-là tout autour, même si pour les mots une fois la récolte faite, le chemin reste bien long avant de déguster le livre assaisonné, cuit assez, mais pas trop et puis bien présenté dans une jolie assiette

Mi-octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Peut-être un peu plus frais, mais le temps pour cette semaine est resté dans l’ensemble très proche de celui de la semaine précédente, beau, avec quelques nuages, pas de précipitations. Une semaine d’automne aux couleurs de l’automne, couleurs emblématiques, couleurs de cartes postales, des couleurs de feuilles mortes, presque des caricatures. Chaque arbre va s’habiller d’une façon différente suivant ses habitudes et l’endroit où il vit et ce qu’il a vécu. Une sorte d’arc-en-ciel qui aurait oublié toutes les couleurs froides, toutes celles situées dans le vert et au-delà pour ne garder que les chaudes et préparer l’hiver.
Cette semaine était juste le moment de bascule entre le temps où les feuilles changent doucement de couleur, se dépouillent de leur vert, de leur rôle nourricier chargé de chlorophylle pour ne garder des arbres que les branches, que les troncs, en somme que les grandes lignes, la structure et la forme. Comme un dessin d’enfant, des traits au feutre marron plus épais vers le bas qui deviendra le tronc et puis les grosses branches, plus fin pour les suivantes et puis tirer la langue pour les dernières branchettes qui doivent être toutes fines, surtout ne pas appuyer le feutre sur la feuille. Ensuite pour les feuilles, en été c’est tout simple, un gros nuage vert, tout potelé et dodu que l’on peut colorier sans crainte de dépasser parce que les feuilles elles-mêmes dessinent des petits traits en dehors du nuage. En hiver pas de feuilles, mais pour ce qui est de l’automne, c’est un mélange des deux, un nuage jaune-orange, mais un peu déplumé, pas facile du tout.
De plus en plus de feuilles se retrouvent au sol, elles tombent en virevoltant, en dansant, en flânant, indécises, hésitantes sur le chemin à suivre, elles explorent les airs avant de se poser à côté de toutes celles tombées là avant elles. Le sec de cette semaine les a gardées bien sèches, marcher sur les sentiers et parfois sur les routes (les routes peu fréquentées) joue une petite musique entre papier froissé et sablés écrasés avant que les feuilles mortes piétinées ne soient réduites en morceaux de plus en plus petits, jusqu’à n’être plus morceaux, mais seulement poussière qui s’en ira bien loin dès la prochaine pluie. Avec les prochaines pluies s’en iront loin aussi les dernières feuilles des arbres et leurs couleurs d’automne, elles resteront encore un moment sur le sol pour qui baissera les yeux, elles donneront de faux espoirs à ceux qui cherchent là quelques petits champignons, trompés par leurs couleurs, mais pour les têtes en l’air, les branches seront nues jusqu’au prochain printemps. Branches des arbres vivants, nues comme sont nues les branches des arbres morts sur pied. En hiver chez les arbres dont les feuilles sont caduques, la vie est intérieure comme l’est chez les humains la vie qui reste au chaud et à l’abri de la pluie quand les écharpes ressortent les livres à vivre bien au chaud.

Début de mi-octobre 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de beau temps, avec quelques nuages : alternance hasardeuse, sans régularité de passages nuageux, épais ou diaphanes et de belles éclaircies, voire de journées toutes bleues. Une semaine de pas de pluie, une semaine de de pas d’eau une fois la rosée bue par les plantes avides et le chaud des journées. Sur les arbres tout autour, les feuilles prennent doucement les couleurs de l’automne. Ou les couleurs du sec. Question dont la réponse ne changera pas grand-chose à la couleur des feuilles, mais les rouilles et les feux et les fauves, comme les rouges et les jaunes sont maintenant sur les arbres, qu’ils viennent du temps qui passe ou bien du temps qu’il fait. Sur les feuilles, le vert laisse doucement la place, poussé loin par les ocres et les bruns et les terres. Parfois on voit les verts se regrouper d’abord le long des grosses nervures pour ensuite s’en aller, s’éloigner de la feuille vers l’ailleurs où on ne le verra plus, le vert qui reste caché tout l’hiver sous l’écorce, une fois préparés les bourgeons déjà là pour les printemps prochains.
Certaines n’attendent pas, elles ne préparent rien et profitent de tout ce qui n’est pas encore le gel, orties ou pieds de menthe ne se préoccupent pas de nos calendriers, de lents préparatifs qui se font chez les arbres, elles poussent et font des feuilles toutes jeunes et duveteuses tant qu’elles peuvent le faire. Plantes de carpe diem, vivaces ou annuelles, à rhizomes, ou à graines, chacune sa stratégie, chacune de son côté, elles poussent et laissent pousser pour renaître au printemps ou juste se réveiller, quelle que soit la méthode pourvu qu’on ait le vert.
L’automne vient se poser de façons différentes suivant les espèces d’arbres, suivant l’humidité, la lumière et l’endroit, poussé de-ci de-là par toutes les autres vies qui habitent la forêt. Insectes, champignons, maladies, ou juste un vieux bobo un soir de trop de vent, sur chaque feuille on peut lire une histoire différente. Petits points ou bien plaques, déchirures ou couleurs qui se diffusent lentement sans uniformité, accident de croissance ou accident tout court, feuilles tachetées, ocellées, feuilles d’arbres léopards. À lire ainsi chaque feuille on découvre doucement tout un monde écrit là, une histoire d’arbre monde à lire en feuille à feuille.

Début de mars 2025

Journal hebdomadaire de la nature autour, promenade, branche dessus, branche dessous, avec le grand dehors

Semaine de beau temps, printemps. Le calendrier dit non, le merle du matin qui chante le réveil dirait plutôt, évidemment en hauss,ant les épaules, tu n’as qu’à ouvrir la fenêtre, sors donc tu verras par toi-même. Sortons donc.
Le dehors se remplit de tout ce que l’on voit, de ce qu’on ne voit pas, et puis principalement de tout ce qu’on n’a pas encore vu. Pas si simple de les voir, toutes ces nouveautés, il faut les regarder et parfois les chercher, garder une petite place dans nos têtes encombrées pour que l’image reste de ce que nos yeux ont approché, juste frôlé, effleuré. Comme parler du même livre avec une autre personne qui aura repéré un passage différent, un aspect différent, parfois si différent qu’on relira le livre pour y lire ça aussi qui nous a échappé.
Heureusement pour les fleurs, les couleurs nous aident. Le jaune jaune des jonquilles se verra de plus loin que le jaune clair des primevères, le longue distance jaune vert des hellébores d’hiver, présentes depuis longtemps. Et puis d’autres couleurs, le violet du crocus, le pourpre du lamier et sa gueule grande ouverte, mais aussi les odeurs avec celle des violettes qui s’installent en groupe, plus rarement isolées, ce qui aide à les voir même quand, en se promenant, on penserait à autre chose, à cet état du monde du côté des humains qui laisse peu de place pour les admirations.
Avec le chaud reviennent aussi les animaux qu’on avait oubliés, comme les petits lézards, timides mais curieux avec qui on s’exerce à jouer au plus patient, aussi beaucoup de volants, les mouches et les moucherons et les premières abeilles, impatientes, imprudentes. Quand on regarde plus grand, se repaître des formes de la terre encore nue, des grattements des sous-bois qui sont lits pour un jour, quand aux endroits ouverts les vielles enveloppes des végétaux jaunis, aplatis par la neige laissent encore apparaitre, creux et bosses, bosselettes avant que les herbes nouvelles n’imposent au relief leurs vallonnements à elles suivant leurs tailles à elles et leurs contraintes à elles qui changent les paysages, gommant et creux et bosses pour en inventer d’autres juste le temps d’une été. Texture de perspective qui se laissera faire par les caresses du vent, se penchera sous la pluie ou le trop de soleil, mais remplacera quand même les vagues de la terre par ses vagues à elle en attendant l’hiver qui effacera le tableau

Jaune

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Il suffit de trois pas et d’un coup d’œil à gauche puis un coup d’œil à droite, elles sont toutes sous nos yeux. Pissenlits et narcisses primevères et forsythias avec tout autour d’elles des abeilles rayées qui s’accordent et s’alignent, une rayure sur deux, à leur jaune printanier. Le jaune des jonquilles, le jaune du printemps celui qui nous rajoute un peu de rose aux joues et peut-être même aux jours. Le jaune d’encore frisquet, mais de déjà moins froid, le jaune du bientôt vert, du grand retour des feuilles, pour qu’on puisse y écrire les histoires de l’été, de la saison du chaud, lui aussi bon ami du jaune et de ses teintes. On dit jaune et pas jone, et on l’écrira jaune avec au pour le o, le même que l’on retrouve par exemple dans Rimbaud, sinon le o serait jaune alors que chez Rimbaud le o c’est pour le bleu, le violet de Ses Yeux. Chez lui le o est bleu, bleu comme le ciel est bleu quand il fait beau et bleu, comme le ciel sans nuage, car les nuages sont blancs, blancs comme il voit le e, le e de dans la lune, de dedans la nuit noire, noire comme un a de mouche velue et éclatante, le noir profond et sombre, celui des cruautés, des puanteurs cruelles. Et quand revient le jour une fois refermées les portes de la nuit, les portes du noir et blanc, retrouver tous les jaunes sur les ailes des oiseaux, sur celles du chardonneret, sur celles de la mésange eux qui resteront bien jaunes quand beaucoup d’autres jaunes qui se mélangent au temps finiront dès l’automne en orangé de Chine, en ocre ou en garance, en carmin, en terre d’ombre, puis en brun comme l’humus et comme les feuilles mortes. Quand passeront les couleurs, de saison en saison, de pâlies en ternies, délavées ou fanées, resteront les voyelles pour les écrire encore quand elles ne sont plus là, ne sont que souvenirs de l’éclat foudroyant du violet de Ses Yeux

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

Arthur Rimbaud

20231122

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Mitigé. Hormis sur le Sud-Est du département : les nuages traînent durablement en Isère avec encore quelques flocons qui virevoltent dès 1000/1200 mètres en Vercors/Chartreuse.
Le reste de la région est coupée en deux le matin : un soleil qui domine en massifs et vallées internes, malgré quelques bancs nuageux, tandis que des grisailles traînent à l’Ouest en plaines et basses-vallées. Elles se morcellent l’après-midi.
Températures minimales comprises entre +3 et +7 degrés.
Températures maximales comprises entre +9 et +12 degrés.
Isotherme 0° vers 1500 puis 2000 mètres.
Vent modéré de Nord-Est, bise sensible sur l’Ouest de la région.
Prévisions Météo Alpes

Temps mitigé, un peu d’hiver, un peu d’automne, un peu de beau, un peu de gris, presque des averses. Saison de transition, de couleurs qui se suivent en dégradés subtils, du vert et puis du jaune en passant un peu vite par le souvenir tendre des couleurs du printemps pour arriver au roux et parfois jusqu’au rouge. La couleur dit de loin les arbres par famille quand la forme des feuilles se noie dans la distance jusqu’au diable vauvert. Transition des couleurs, ça se fait par variété, passer de l’une à l’autre, ça ne tient qu’à un fil, un fil de trop de froid qui tomberait dans le gel, un fil de trop de vent qui ferait tomber les feuilles, un fil de nous humains qui n’avons même pas vu que c’est déjà fini et que les couleurs chaudes ont laissé place au froid, quand il ne reste plus qu’une ou deux feuilles séchées dans les pages d’un herbier, ces livres de feuilles d’arbres, objets autant que sujets, sans grammaire ni syntaxe, la chose pour elle-même, un rêve de juriste, un cauchemar de poète, quand la feuille est juste feuille

20230830

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Variable. Temps frais (+4/+8 vers 1000 mètres à l’aube) mais bien ensoleillé le matin avec de petits résidus nuageux à moyenne-altitude, surtout le long des Préalpes. Ils évoluent en nombreux cumulus sur les massifs dès la fin de matinée. Les conditions sont alors mitigées en montagne l’après-midi avec de petites averses possibles (surtout en Nord-Savoie et Haute-Savoie) mais des éclaircies résistent, notamment en Haute-Maurienne. En plaine il continue de faire beau l’après-midi.
Températures minimales comprises entre +7 et +10 degrés.
Températures maximales comprises entre +21 et +24 degrés.
Isotherme 0° vers 2500 puis 2800 mètres.
Vent faible à localement modéré de Nord.
Prévisions Météo Alpes

Variable. Comme la montagne, là, juste devant la fenêtre. Des taches de lumière claires qui se promènent au vent et puis main dans la main avec les nuages sombres. Bien d’autres taches aussi sur la forêt d’en face. Les couleurs de l’automne, les couleurs d’autres arbres qui ont d’autres pelages, les couleurs du grand âge, ou les couleurs du sec, celles de la maladie ou de la sale bestiole qui fait les arbres sans feuilles, alors qu’en cette saison on a encore du vert pour dire si les branches nues ont perdu leur habits pour cause de saison ou pour cause de décès. Suivant le nom des arbres, et leur hérédité, le tableau sera variable, vert foncé ou vert clair, du beige jusqu’au brun, du jaune, du presque rouge et tout les orangés rangés entre les deux. Les bleus seront pour le ciel ou bien pour les reflets. Si on regarde bien, on a toutes les nuances et même toutes les teintes qui changent suivant le jour, jusqu’au noir de la nuit. Variables aussi les ombres, l’endroit d’où l’on regarde et puis ce qu’on regarde. Sans oublier bien sur, le comment on regarde, la pente dans son ensemble ou un lieu bien précis, on verra autre chose, une forêt ou un arbre, ou bien tout un bosquet, une lisière ou une coupe. Comme on peut lire un livre en ne lisant que l’histoire ou bien tout autre chose, de la longueur des phrases à la ponctuation ou au vocabulaire, pour une lecture variable toute comblée de variantes