"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil
Averses. Matinée mitigée avec quelques moments de soleil en massifs et vallées internes tandis que les bancs nuageux sont bien plus nombreux ailleurs, accrochant souvent les reliefs des Préalpes et donnant quelques gouttes (flocons vers 1900 mètres). Les conditions deviennent largement nuageuses partout l’après-midi, et les averses plus fréquentes notamment en montagne avec ces giboulées de neige au-dessus de 1800/1900 mètres. On attend souvent 5 à 10 cm de neige supplémentaires au-dessus de 2300 mètres voire 15 cm en Belledonne/Aravis. Températures minimales comprises entre +7 et +9 degrés. Températures maximales comprises entre +15 et +18 degrés. Isotherme 0° vers 2200 mètres. Vent faible à localement modéré de Nord. Prévisions Météo Alpes
Moments de soleil, bancs nuageux accrochés sur les reliefs, quelques gouttes. Soleil et pluie, c’est le temps idéal pour bien mettre en valeur le velours d’un pétale, la finesse des piquants et de ce fin duvet déposé sur une tige, protection dérisoire face aux quenottes clinquantes des herbivores voraces et aux semelles blasées des bipèdes volages, perdus dans leurs pensées. Pourtant il suffirait tout au plus d’un coup d’œil pour tomber sous le charme de leur fragilité, de leur texture feutrée, de leurs couleurs d’été. Elles ont l’air si fragiles dans leurs pétales de soie, dans leurs couleurs jolies jusque dans le fané, l’agencement impeccable de leurs formes étonnantes. On les sent innocentes, poupées de porcelaines ou objets de vitrines mais elles sont redoutables pour attirer l’insecte et donner à la terre la graine qui fera continuer l’espèce. Car elles croient dur comme fer à l’infini du vert. Alors entre les gouttes elles profitent du soleil, se sécher, s’ébrouer, se refaire une beauté, redonner du moelleux à leurs pétales mouillés. Fébriles et attentives à la plus petite goutte de leur collier de perle ou au plus léger souffle qui les fera bouffantes, toujours à fleur de peau sont les fleurs de la terre
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Peu nuageux. Temps très doux et bien ensoleillé, malgré le passage fréquent de voiles nuageux très élevés. Quelques cumulus épars coiffent les massifs également en après-midi mais la probabilité d’une averse de fin de journée est très limitée. Températures minimales comprises entre +9 et +13 degrés. Températures maximales comprises entre +23 et +27 degrés. Isotherme 0° vers 3200 mètres. Vent faible à modéré de Sud-Ouest. Prévisions Météo Alpes
L’eau des jours précédents et le chaud d’aujourd’hui. Eau et chaud, la rime préférée de tous les végétaux. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, pour les herbes, le printemps, c’est la course à la pousse pour devenir plus grandes et plus belles et plus fortes avant le chaud d’été. Ensuite ce sera fleurs et puis fruits pour les graines et pouvoir à l’automne en toute sérénité donner son corps au sol pour celles de l’an suivant. Ce serait le cycle normal, écourté pour certaines que d’antiques croyances ont décrétées mauvaises. Mauvaise herbe. Étiquette arbitraire, un délit de sale feuille dont périront beaucoup. Frotter cette idée là aux pratiques jardinières, savoir pourquoi mauvaise alors que finalement, en y réfléchissant il suffirait peut-être d’étendre la question, savoir mauvaise pour qui et puis mauvaise pour quoi ? Expérience dérangeante comme une piqûre d’ortie que de se rendre compte qu’en fait on a jamais cherché beaucoup plus loin que le bout de son nez et que les ronces qui ont si bien piqué nos doigts auraient dû bien plus tôt piquer profondément notre curiosité, elles qui ont toute leur place sur la table du goûter en confiture de mûres ou en enclos parfait pour les arbres encore frêles. Frotter tout simplement l’idée au végétal reviendra bien souvent à mettre dans la soupe ou bien dans la salade, les damnées des plates bandes, herbes folles et ivraies
En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Coucher de soleil, Queige, mai 2023
Ce soir-la, c’était coucher de soleil. Un peu comme tous les soirs mais pas vraiment tout comme. La couleur des nuages les faisait incendie, la couleur des branches hautes les faisait charbon noir. Feu de forêt, foyer dans la cime des feuillus, image fugace, éphémère, instantanée. Quelques secondes à peine, tout au plus une minute, le temps de déclencher, de cliquer sur l’écran, le temps d’un coup de fil, juste le temps d’un appel. Entre le bleu du jour et le noir de la nuit, le feu. Flamboyant, flambant, flammes, feu, incendie. De l’abstrait dans le ciel trop réel dans nos têtes. Contraste. Entre fournaise insatiable et douces couleurs tendres, raccourcis de pensée, court-circuit effrayant, l’étincelle de l’image. Au milieu du tranquille, comme un grand froid dans le dos, l’irruption du danger, de la mort, de la peur. Juste à cause d’une rencontre de formes et de couleurs, juste à cause de ce ciel, des innocents nuages teintés de fin du jour qui s’en iraient en flammes emmenés par le vent. Les couleurs toutes seules dans un coucher de soleil amènent d’ordinaire des images innocentes, moins dangereuses, plus bénignes, parfois même romantiques voire un brin désuètes. Un couple assis de dos, une couverture pour deux, et le soleil couchant sur une plage déserte. Luxe, calme et volupté. Là, non. La forme des nuages construit un épisode furieux et dramatique, nous le rend fascinant, on tremble pour le fragile de la beauté des lieux. La force de l’image nous porte vers le feu quand tout nous pousse au doux. Rêve et cauchemar mêlés qui se renvoient la balle bien trop rapidement pour qu’on puisse l’arrêter, pour qu’on en ait envie, fascination du drame. Le charme des Fleurs du mal
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Automnal. Temps maussade, au mieux de brèves éclaircies (plutôt en plaines). Les précipitations sont très fréquentes en montagne, plus éparses en plaines, jusqu’au soir. Limite pluie-neige vers 2000 mètres. On attend 10 à 20 cm de neige au-dessus de 2500 mètres, localement 30 cm dans le massif du Mont-Blanc. Températures minimales comprises entre +9 et +11 degrés. Températures maximales comprises entre +16 et +20 degrés. Isotherme 0° vers 2300 mètres. Vent faible à modéré de Nord-Ouest. Prévisions Météo Alpes
Automnal. Premier jour du mois de mai. Ce n’est pas ce mot-là qui viendrait en premier si il ne pleuvait pas, si on avait moins froid. Parfois longtemps chercher le mot qui irait bien, qui serait approprié, qui serait adapté. Le frais au mois de mai, l’humide et le maussade, inquiétude pour les fleurs et pour les jeunes fruits encore tous si fragiles. La neige pas si loin, la grisaille des nuages sans texture, sans mouvement, aller chercher le mot qui convient à tout ça, écraser le brouillard des termes trop évidents. Ce mot on y est presque, on tourne encore autour, on le sent, on le sait, mais sans encore le voir. On entend son écho mais sans le reconnaitre. On sait bien qu’il est là, juste là, presque là. Mais il s’échappe encore, glissant comme un reflet, comme l’odeur volatile et déjà dissipée de cette fleur croisée au tournant d’un chemin. Comme ce goût que l’on sait, qu’on a déjà goûté, tant de fois apprécié, rangé dans les souvenirs mais dont le nom échappe, ce mot qu’on a pourtant, juste sur le bout de la langue. Un mot juste masqué comme le ferait un enfant, la tête sous le drap, le pyjama au vent. Sur le bout de la langue ou bien caché dessous, le mot échappe encore, coquetterie, exercice de mémoire amollie, labyrinthe de recherche dans tous nos dictionnaires, d’impasses en cul de sac, revenir, repartir, aller y voir plus loin, regarder encore mieux. Et soudain, il est là devant nous, évident, au milieu de la langue, du langage de toujours. Langage qu’on sait par cœur, qu’on oublie trop souvent d’explorer en curieux pour trouver mieux les mots qui vivent dans notre langue, au-dessus, en dessous, voire même tout au bout
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Peu nuageux. Beau temps ensoleillé en plaine, quelques nuages élevés côté Haute-Savoie voilant souvent le ciel. Dans les massifs, surtout en Haute-Savoie et Vanoise/Beaufortain/Haute-Tarentaise : les bancs nuageux, de type cumulus, sont un peu plus nombreux et accrochent parfois les sommets. A partir du début de soirée, et tout au long de la nuit suivante : de nombreuses averses, parfois orageuses, circulent. Elles sont très fréquentes sur le Nord-Ouest de la région. Limite pluie-neige vers 2800/2900 mètres. Températures minimales comprises entre +9 et +12 degrés. Températures maximales comprises entre +22 et +25 degrés. Isotherme 0° vers 3300 mètres. Vent faible à modéré de Sud-Ouest. Prévisions Météo Alpes
Vent faible, faible vent. Averses nombreuses, nombreuses averses. Mais aussi, une personne grande, une grande personne. Un homme grand, un grand homme (à noter que l’équivalent avec femme fonctionne moins bien…). Comme quoi, parfois, être avant ou après peut avoir de l’importance quand on est adjectif, et pas seulement avec grand. Mauvais œil, œil mauvais. Mauvaise herbe, herbe mauvaise. Avec mauvais, un usage irréfléchi de la préséance entre nom et adjectif peut même être préjudiciable. L’impression que tout commence par la syntaxe et continue avec ce qu’on entend par là, les références, les habitudes, tout ce qui se cache sous nos usages de la langue et le langage de nos usages. Ici une pensée pour celles et ceux qui apprennent le français et bataillent avec l’avant et l’après des adjectifs, ainsi que pour Léone qui mangeait toujours la croute de la tarte en premier, histoire de garder le meilleur pour la fin. Alors, pour terminer en beauté, beau texte ou texte beau ? Beau paysage ou paysage beau ? Syntaxe de la poésie et poésie de la syntaxe, le bon sens du sens
Merci à Alexis Dubois pour l’assemblage et le développement du pano ci-dessus : https://duboaa.net/home
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Plus frais. Encore de fréquentes averses jusqu’en fin de matinée dans les massifs (flocons vers 1400/1600 mètres) tandis que des éclaircies commencent à revenir en plaines. Elles gagnent les reliefs en mi-journée mais des paquets nuageux résistent et peuvent encore donner de très faibles et résiduelles averses (flocons vers 1600/1800 mètres) surtout en Haute-Savoie. Depuis la veille au soir on attend 5 à 15 cm de neige, du Sud au Nord, au-dessus de 2000 mètres. Températures minimales comprises entre +7 et +10 degrés. Températures maximales comprises entre +15 et +18 degrés. Isotherme 0° vers 1900 mètres. Vent faible à modéré de Nord-Ouest. Prévisions Météo Alpes
Flocons, fréquentes averses, paquets nuageux qui résistent. Du blanc. Du blanc qui nous fait tout petits. Du blanc qui éblouit, qui enveloppe, qui désoriente. Du blanc qui rend la peur du blanc plus effrayante encore que la banale peur du noir. Des monstres tapis dans le blanc comme d’autres passent leurs nuits sous les lits des enfants. Des monstres dans les nuages, dans les ombres des montagnes, des griffes et des dents, des regards sombres barrés par des sourcils froncés. Et puis, au coin d’une éclaircie, pirouette-cacahouète, le pointu s’arrondit, le nuage menaçant tout en crocs et en cornes s’enroule et tourneboule, débonnaire et jovial, mouton blanc qui s’écarte pour accueillir le vert du champ tout rutilant qui vient juste de naître. Les arbres au premier rang, spectateurs attentifs, applaudissent des branches nues qu’ils agitent dans le vent. Puis l’inquiétant revient plus sombre et plus sévère, on craint pour la princesse, le berger intrépide qui risque de se perdre dans les blancs sortilèges des pentes enneigées qui rejoignent le ciel pour unifier le monde d’une seule couleur pâle. Entre grands éclats de rire et frissons d’inquiétudes, avril fait le spectacle, il écrit une histoire toute en rebondissements, narrateur surprenant qui joue de tous les temps pour nous faire frissonner avant de nous réchauffer pour nous plonger encore au cœur des plus grandes peurs. Avril se joue de nous en auteur accompli alternant chaud et froid pour tenir son lecteur en haleine jusqu’à mai, par son style, par ses mots et ses péripéties
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Doux. Temps souvent lumineux et bien ensoleillé, malgré le passage de nombreux nuages vers 4000/5000 mètres. Ils s’abaissent temporairement dans les massifs, surtout en mi-journée, pouvant laisser tomber quelques gouttes (ou flocons au-dessus de 2300 mètres environ). En soirée/première partie de nuit suivante : passage de fréquentes averses du Nord-Isère à l’Ouest de la Haute-Savoie. Températures minimales comprises entre +7 et +11 degrés. Températures maximales comprises entre +18 et +22 degrés. Isotherme 0° vers 2700 mètres. Vent faible à modéré, puis localement sensible, de Sud-Ouest. Prévisions Météo Alpes
Temps lumineux. Un temps qui amène de la lumière, la diffuse, la dépose, la dispense, et l’étend tout en délicatesse sur les choses et les plantes comme on ramène doucement, dessous la couverture, un petit bras potelé. Suivant l’endroit choisi, elle pourra aussi bien raviver des couleurs, leur donner le sourire que bâtir par ses ombres des formes étonnantes, donner de la grandeur ou de la profondeur, ou passer sous silence ce qu’elle laissera dans l’ombre. Il suffira alors de faire preuve de patience, d’attendre quelques minutes, quelques heures, quelques jours pour que l’élu soit autre, déposé clair sur sombre comme sur un piédestal ou bien juste un aspect d’un ensemble complexe enfin mis en valeur et qui prends toute sa place, lui qui en d’autres temps passait au second plan. Petite feuille oubliée que l’on regarde enfin avec plus d’attention, toute la subtilité des découpes, des ciselures qui la font doux tamis pour ce temps lumineux. Peigne, store, ou trieuse, la feuille ne va garder que ce qu’elle veut garder, laisser passer le reste sans penser à retenir ce qu’elle n’utilise pas, comme le papier ne garde que les phrases choisies au lumineux des mots
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Peu nuageux. Belle matinée très ensoleillée, des grisailles traînent tout de même sur l’Ouest de la Haute-Savoie. Les cumulus sont vite là sur les massifs en après-midi. Ils donnent, en fin de journée, des averses isolées en montagne notamment le long des Préalpes. Limite pluie-neige vers 2000 mètres. Températures minimales comprises entre +4 et +7 degrés. Températures maximales comprises entre +18 et +21 degrés. Isotherme 0° vers 2400 mètres. Vent faible de Nord. Prévisions Météo Alpes
Du soleil, des grisailles, des cumulus et des averses, un temps qui change, qui évolue qui fait des lumières vives, des lumières sombres, des ombres et des clartés, allant parfois au-delà, jusqu’à l’éblouissement. Les nuages se promènent, ils viennent éclairer ci, ils viennent assombrir ça, mais l’essentiel est là, de l’eau et puis du jour pour les photosynthèses, pour réveiller les plantes, leur faire ouvrir un œil, leur faire étendre leurs feuilles et étirer leurs branches, car ici aucun doute, le printemps demeure bien la saison du bourgeon. Qu’importe pour les plantes les caprices du temps tant qu’il reste raisonnable et évite les excès, lui qui pourrait sans mal, tout geler, tout casser à grand coups de bourrasques ou faire des feuilles si tendres des avortons morts-nés en les privant de pluie. Tant que les conditions s’amusent dans la moyenne, embellie, éclaircies nuages ou petite pluie, dans un ordre ou un autre, la plante s’en accommode, elle grandit comme prévu, et ses fleurs et ses fruits, viennent dans l’ordre immuable pour construire la lignée. La plante épanouie ne laissera rien paraitre, ne dira jamais rien du temps qu’il a pu faire, des lumières ou des ombres, averses ou canicule. Elle sera là, radieuse, comme le livre relié ne fera jamais mention des monceaux de brouillons, des ratures, des rejets, des choix et des découpes, des ajouts, des reprises, des longues périodes de doutes, ruptures et armistices même si c’est bien tout ça qui lui a donné vie
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Très mitigé. Le matin : alternance de bancs nuageux autour des pentes et d’éclaircies. Eclaircies qui s’élargissent en plaines/basses vallées l’après-midi tandis que les cumulus sont très nombreux en montagne, apportant de fréquentes zones d’ombre et donnant de brèves averses en fin de journée (flocons vers 1400/1600 mètres). Températures minimales comprises entre +3 et +7 degrés. Températures maximales comprises entre +13 et +15 degrés. Isotherme 0° vers 1400 puis 1900 mètres. Vent faible à modéré de Nord-Est. Prévisions Météo Alpes
Les cumulus apportent des zones d’ombre fréquentes, mais aussi des averses, brèves mais des averses. De l’eau. Non pas une tempête, mais de l’humidité, tranquille et appliquée, sans précipitation. Enfin si, des précipitations, mais au sens météo, pas au sens affolement, tumulte et bouillonnement. Parce que même si parfois on emploie les mêmes mots, le contexte et lui seul dira l’intensité, la vraie couleur du terme. Averses donc. Les brins d’herbe encore jeunes garderont en réserve les plus belles gouttelettes d’eau à déguster plus tard. À déguster peut-être. Car rien de plus instable que ces gouttes posées là, sur de fines brindilles d’herbes que leur poids fait ployer, qui se courbent et se plient jusqu’à devenir pentes, descentes vertigineuses où les gouttes rouleront, où elles se rejoindront pour peser d’autant plus et peut-être même finir par tomber jusqu’au sol. À chaque gouttelette on s’imagine un monde de lumières réfléchies, de couleurs maquillées, de lignes déformées et tordues à souhait pour le plaisir des yeux. Gouttelettes en équilibre sur des passerelles instables, véhicules liquides prêts à se faufiler dans les embouteillages en survolant la ville, les sombres galeries des petites bêtes du sol. Un fragile équilibre, petit monde éphémère, début d’une grande rivière ou retour à l’oubli par évaporation, comme tous ces bouts de textes, ces mille morceaux de phrases notés dans un coin sombre de nos têtes indociles, bien trop près de l’oubli ou sur un bout de papier, dans un fichier sans nom, qui feront aussi bien le début d’une histoire que juste une phrase de plus avalée par le temps
En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Balade photographique, Beaufort sur Doron, avril 2023
Tout commence devant la recyclerie. Objets mis au rebut qui vont reprendre vie, le symbole est parfait pour les essais du jour : photos au collodion humide avec Julien Dorol (@judorol)
Le collodion humide est un procédé photographique attribué à l’Anglais Frederick Scott Archer en 1851. En fait, le procédé était déjà connu dès le 1er juin 1850, date de la première publication du Traité pratique de photographie sur papier et sur verre par le Français Gustave Le Gray. Celui-ci fut le premier à remplacer l’albumine par le collodion pour fixer l’émulsion sur le verre.(Wikipedia)
Retour aux sources, curiosité, envie de tirages uniques d’une grande finesse et d’une douce subtilité dans les dégradés de gris. Simple envie de savoir, de voir, de comprendre les bases, du direct en direct, sans retouche, sans filet. Les raisons sont multiples pour revenir au collodion en nos temps numériques. Positifs ou négatifs, sur plaques de verre ou de métal, le collodion humide c’est une histoire de gestes, de gestuelle et d’expérience. De doigté. Tout commence par le collodion, c’est lui la base, la principale contrainte : il doit rester humide et il impose son temps. Tout doit être réglé, prêt et préparé avant le vrai début. La chambre calée sur son trépied devant l’ancienne tour qui s’écroule au milieu de son champ, à la fois protégée et étouffée par les arbres dans son délabrement et dans ses écroulements. Mise au point sur la fenêtre. Sous le voile noir, faire jouer le soufflet pour que l’image inversée soit parfaitement nette. Puis décentrer l’ensemble pour garder dans les lignes, sur le verre dépoli, parallèles et fuyantes. Leçon d’optique. Autre élément indispensable à préparer d’avance, le processus de développement. Endroit noir, juste une petite lampe rouge clair, produits à portée de main, tout comme l’eau de rinçage. Leçon de chimie. Gants et lunettes de protection. Éloigner le chien qui vient trop près des bacs, chercher la compagnie. Action. Dévisser d’un petit tour le bocal de collodion et préparer la plaque. Enlever le film de protection, avec les gants donc sans les ongles… ne pas s’énerver. Verser le collodion, l’étaler. Chaque étape est cruciale, mais celle-ci donne son nom à tout le processus. Précisément doser le collodion, le trop formera des bourrelets sur les bords de la plaque, le pas assez laissera des zones blanches, métal non recouvert. Mouvement du poignet, agilité des doigts qui doivent tenir la plaque sans imprimer leur marque. Mouvements de crêpier pour étaler la pâte. Sensibiliser la plaque en la plongeant dans le nitrate d’argent à l’abri de la lumière. Magie et chimie, laisser le temps aux halogénures d’argent de s’installer confortablement sur leur matelas de collodion avant la projection. Transférer la plaque sensibilisée dans un châssis étanche à la lumière jusqu’à la chambre, l’installer. Exposer. Laisser la lumière entrer après avoir estimé, calculé et arrondi, le temps de pose. Fin de la prise de vue. Retour dans le châssis jusqu’au développement. Estimer le temps dans le bain de révélateur, rincer à l’eau pour arrêter la réaction, et regarder, à la lumière du jour. Si la photo est réussie, exposition et contraste bluffants, détails presque vivants qui font pointer l’index vers la plaque au milieu des « oh, et là ! », alors, fixer, rincer, puis appliquer un vernis pour conserver longtemps, voire très longtemps.
Ce jour-là, vent, poussière, froid, installation à perfectionner, fuite de lumière dans le châssis, première expérience en extérieur… Tant pis pour le longtemps, les plaques seront nettoyées pour être réutilisée. Échec ? Loin de là ! Avoir identifié les problèmes et envisager des solutions, voir les améliorations à apporter et surtout, avoir entrevu quelques unes des lignes de ce bâtiment dans les teintes si subtiles du collodion, la douceur des traits, la matérialité de tout le procédé, la fascination lorsque l’image apparait sur la plaque, tout un mélange d’époques, une technique historique qui revient à la vie, des instants de trois secondes et cette idée d’une image qui permettra au présent de rester dans l’avenir. Rien que du positif !