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Littéralement prendre eau

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Littoral, littéral, juste à cause d’une lettre, ce serait tout autre chose, ce ne serait plus le même monde, on y perdrait ses eaux autant que son latin, alors qu’il suffirait de mettre le e dans l’o, pour écrire sur la mer, bien posée sur la terre, crayon et papier d’arbre. Laisser doucement flotter un regard calme et doux, éviter le coup d’œil, écarter le tape-à-l’œil, en réconciliation. Pourtant il est des soirs, sombres et terrifiants, quand terre et mer s’affrontent, ce sont vagues, déferlantes, voire rouleaux ou brisants, lames de fond, maelströms. Contrepoint à ces rages, il est parfois aussi de ces tentatives douces, usures et grignotages, écumes en dentelles, délicates, transparentes, infiniment plus blanches que les lourdes armes blanches des paquets de mer d’hiver et des soirs de tempêtes quand ça cogne et ça hurle dans un délire de bruit, de furie, de colère, une avidité monstre d’arracher à la terre des morceaux de falaises et des tomberaux de sable. Détruire l’œuvre du temps, manœuvre pleine de rancœur, de quoi tuer dans l’œuf la moindre velléité d’apaisement et de trêve entre les sœurs ennemies, siamoises terre et mer. Alors offrir une plume comme le ferait un oiseau, comme un macareux moine, oiseau de haute mer qui élève ses petits dans un terrier creusé tout en haut des falaises, en guise de hors-d’œuvre pour une tentative de tisser des liens forts, de faire des nœuds solides, comme ceux des marins entre les mots et l’eau, en œnologue des phrases. Se comporter enfin devant ce point de bascule entre l’eau et la terre, non pas comme un poisson qui devrait sortir de l’eau ou un félin frileux à l’idée de mouiller son pelage tacheté, mais comme un intrépide navigateur d’antan, un Magellan, un Cook ou bien un Lapérouse dont les journaux de bord et les récits de voyages sont des façons si belles de coudre à mots serrés, en fine littérature, les franges du littoral avec les rêves du large